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Instinct Animal
11 juin 2015

Chapitre 10 (Partie 4)

***

Cela n’avait guère trainé : Les journaux TV locaux, la presse et le commissariat de police qui la convoqua avec ses parents pour lui passer un véritable savon.

Shinobu eut beau finir en pleurs au milieu du bureau, on continua à l’accuser d’avoir menti.

Le soulagement de savoir Isaka en bonne santé n’avait guère duré tellement elle était abasourdie par ce que cette dernière avait raconté. Cette histoire de fugue… Avec son aide. Tout cela était ridicule !

La première chose qu’elle avait fait en rentrant avait été d’appeler chez son amie, mais ses parents lui avait froidement demandé de se tenir loin de leur fille, d’autant plus qu’Isaka ne voulait pas lui parler.

Lundi, au lycée tout le monde avait fini par être au courant et elle dût traverser les couloirs du bâtiment en subissant leur regards remplis tantôt de moqueries, tantôt de pitié ou bien même de dégout.

Bien évidemment, les seules qui évitèrent de la regarder, ce furent Asuka, Naru et Arisa.

Cette dernière qui était dans la même classe qu’elle, s’installa le plus loin possible de sa place et l’ignora superbement.

Shinobu fusilla du regard son dos, mourant d’envie de l’attraper et de lui demander ce qu’elle avait fait à Isaka. Il y avait quelque chose, c’était sûr, et seule elle connaissait la vérité.

Malheureusement seule elle savait aussi que les fréquentations d’Arisa étaient…. Terrifiantes. C’est pourquoi elle n’arrivait pas à se décider à lui faire cracher le morceau.

Les fauves, Isaka immobile et le sang, tout ça, revenait dans sa tête dès qu’elle essayait de trouver le courage d’agir.

*Que s’est-il passé… L’avez-vous menacé ? Lui avez-vous fait un lavage de cerveau ? L’avez-vous remplacée ?*

Tout ce qu’elle voulait, c’était qu’on lui rende sa meilleure amie et sa petite vie anonyme.

Les deux premiers jours, elle pria, espéra voir Isaka revenir en cours, car alors elle aurait pût rétablir la vérité d’une façon ou d’une autre, mais comme la brunette restait désespérément invisible, elle perdit peu à peu confiance en elle.

Son objectif principal fut bientôt de se soustraire à la vue de tous et c’est sur un banc, dans un coin isolé de la cour qu’elle passait désormais son temps à chaque pause.

Seule.

Désespérément seule.

***

-Robert sensei… L’appela Kyo quand l’homme eut fini de parler avec un élève.

Celui-ci se retourna vers lui avec un sourire et le rejoignit.

-… Vous avez réfléchi à ce que je vous ai demandé hier ? Demanda le roux.

-Oui. Evidemment, on serait ravi d’avoir un peu d’aide ici, mais tu sais qu’on ne pourra pas te payer énormément, n’est-ce pas ?

-C’est déjà mieux que rien, répondit aussitôt le jeune homme.

-La situation est aussi catastrophique ? Je pensais pourtant que Kazuma sensei…

-Kazuma sensei a été très bon avec moi et c’est pour ça que je ne veux pas le mettre dans une situation délicate avec ma famille…

-Kyo, tu ne devrais pas t’inquiéter de ce genre de chose en ce moment. Tu es en terminale, tu as le bac à passer… Et le bac blanc dans quelques mois, ça ira ?

Le japonais fit la moue.

-Ca devrait aller… Si je m’y mets à fond sur ça…

-Oui, c’est justement pour ça qu’on ne peut pas te prendre en aide pendant la période scolaire. Mais il n’y a pas de soucis avec les grandes vacances.

-Mais il y a moins de cours pendant les grandes vacances !

-Il y a néanmoins des compétitions et des stages d’été. Tu nous seras d’un grand secours à ce moment-là. Oui, je sais que c’est moins que tu le voudrais… Mais on pourra renégocier tout ça pour la rentrée suivante… Et si tu as un problème avec ton visa étudiant, n’hésite pas à venir me voir.

-Ça va, il est valable jusqu’en aout… Et comme j’ai eu 18 ans y’a deux mois, ce qui est l’âge de la majorité en France, je pourrais le renouveler moi-même. C’est toujours un poids en moins…

L’homme continuait à le regarder avec des yeux inquiets mais en même temps, résigné. Kyo ne pouvait rien y faire, il lui fallait prendre les devants afin que sa meute puisse s’en sortir. Il était responsable de toutes ces personnes à présent.

Petite meute mais gros soucis.

Ca lui pesait néanmoins un peu moins depuis qu’il avait pu courir sous sa forme animale samedi dernier. Quel bonheur en réalité, cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas été puma aussi longtemps ! Exit les soucis, sur ses quatre patte,  il y a juste de la place pour les sensations et la beauté de la nuit. Il avait gentiment joué avec Arisa aussi.

Heureusement les choses étaient radicalement simples de ce côté-là sous forme animale. Juste des jeux innocents, des promenades et des siestes collées. Sous forme humaine, il était en partie heureux de l’éloignement qu’il avait imposé car il n’avait pas encore réfléchit à la façon dont ils allaient avancer. Deux choses : il avait plus ou moins l’impression d’être le premier garçon avec qui elle sortait, ce qui impliquait… Tout ce que ça impliquait. Et il y a avait une petite différence d’âge. Rien d’énorme, mais assez conséquente pour qu’il s’oblige à se restreindre (frustration serait sa nouvelle meilleure amie).

Ah et troisième chose : une petite différence culturelle. Il avait à présent assez vécu en France pour se rendre compte que les relations amoureuses étaient ici moins… peut être plus décomplexées. Il espérait néanmoins que Arisa ne lui demanderait jamais de l’embrasser en public parce qu’il ne savait pas s’il pourrait occulter le regard des gens autour d’eux.

Déjà tenir sa main devant leurs amis était très gênant.

Bref, beaucoup de choses à réfléchir pour son cerveau déjà saturé.

*Chaque chose en son temps* S’exhorta-t-il.

Il s’éloigna de la salle de combat lorsque son portable se mit à vibrer sur le banc où il l’avait posé. Il répondit dans le couloir, surpris d’entendre le gérant de la Tête du Tigre au téléphone.

-Dereck ? Qu’est-ce qu’il y a, un problème avec des vagabonds ?

*Manquerait plus que ça tein !*

-Non, pas de vagabond, mais j’aimerais que tu passes dans la soirée si ça te dérange pas, faut qu’on parle.

-Ouais, OK, j’ai fini mon cours là, je peux être au bar dans genre vingt minutes ? Le temps de me changer et de prendre le métro.

-Te presse pas, ya pas urgence.

Trop intrigué, il ne traina pas et troqua sans se doucher son kimono pour son sweat et baggy. Il courut ensuite entre les gouttes pour rejoindre les souterrains du métro. Quand il sortit à Esquirol, il pleuvait toujours à son grand désarroi et c’est donc quasiment dans les temps qu’il franchit la porte de la Tête du Tigre. Dereck l’attendait derrière son bar, s’occupant comme il pouvait dans la salle vide.

-Il y a pas foule dis donc, commenta Kyo en regarder la pluie tomber dans l’impluvium.

-C’est pas la période ni l’heure… Et puis il vaut mieux pour toi, non ? Ça te fait moins de soucis à gérer, fit Dereck en le rejoignant.

-Ça va, des problèmes je n’en manque pas en ce moment. Alors, de quoi tu voulais parler ?

-Dans le foyer.

Dereck l’invita à le suivre vers une pièce attenante, là où se trouvait quelques tables de billard et baby-foot. Dans un coin, assis dans un vieux canapé, se trouvait un adolescent qui n’était pas totalement inconnu à Kyo.

-Ah tiens… Euh… Fit-il sans arriver à retrouver son prénom.

-C’est Whisper, l’aida le gérant.

Celui-ci le fixa d’abord sans expression, mais peu à peu son regard vert électrique devint méfiant et hostile. Kyo savait pourquoi et il le tint, conscient d’avoir largement la dominance. Finalement le garçon posa ses yeux ailleurs, l’air mécontent.

-Alors c’est toi qui est devenu l’alpha, grommela-t-il.

-Ouais, ça fait longtemps depuis la dernière fois. J’espère que je pourrais rejouer avec toi un de ces quatre. J’ai pas trop eu l’occasion de sortir ma guitare ces derniers jours.

-Hmm… Se contenta de répondre le garçon aux cheveux bleus en retournant son attention sur son lecteur MP3.

Kyo revint alors vers Dereck :

-Et donc ?

-Il est là depuis presque une semaine. Il ne peut, ou ne veut pas, rentrer chez lui et je connais ce garçon, il a une histoire un peu compliqué…

-HE ! DERECK ! Le coupa Whisper en se levant brusquement, l’air de vouloir lui casser la figure. Qu’est-ce que tu racontes ça à… A ce type ! C’est pas tes oignons et encore moins les siens !

Dereck ne lui accorda qu’une vague attention et se retourna vers Kyo :

-Il aboie fort et n’est pas des plus facile, mais c’est un bon gosse dans le fond. Il n’a pas d’endroit où aller, peu de personnes pour l’aider, (« NON MAIS GENRE !!! » S’agaça Whisper à côté de lui) il a besoin d’un cadre. Je sais que c’est un peu délicat à demander mais…

Kyo voyait déjà où il voulait en venir même si ça ne le réjouissait pas des masses. L’adolescent ressemblait effectivement à un chien errant, jamais éduqué, jamais dressé.

-Tu voudrais que je le fasse rentrer dans la meute, affirma-t-il d’une voix atone.

Il n’allait certainement pas sauter de joie à cette idée. 

Dereck hocha affirmativement de la tête tandis que l’ado eut un bref réflexe de recul avant de foncer sur le gérant pour le pousser violemment à terre.

-CA VA PAS LA TÊTE ?!? J’AI FOUTREMENT RIEN DEMANDE !! JE VOULAIS JUSTE UNE AVANCE POUR QUELQUES NUITS ! MERDE !!!

-Putain cette prise de tête… Grommela Kyo en se tenant le front, avant de donner un coup de poing sur la tête du garçon. ET TOI LUI CAUSE PAS COMME CA !!!

-PUTAIN AÏEUUH ! Gémit Whisper car le roux n’avait pas retenu son coup. FAIS CHIER ! ME DONNE PAS D’ORDRES !!! Je suis pas dans ta meute ! J’en ai rien à foutre, je veux pas, j’ai rien demandé!

-TOI me donne pas d’ordre ! Lui renvoya Kyo en le frappant à nouveau au même endroit, s’attirant une nouvelle volée de jurons.

Dereck qui avait atterris sur les fesses regardait les deux changeurs d’un air interdit et penaud, mais n’osait pas intervenir. C’était assez fort de voir le plus jeune tenir légèrement tête à un alpha. Oh sans doute que s’il n’avait pas été aussi « dominant », Whisper se serait attaqué à Kyo plutôt qu’à Dereck.

-Et pourquoi tu veux pas d’abord ? Demanda Kyo en plantant les mains sur ses hanches. C’est vrai qu’on n’est pas encore très bien organisé, mais on trouverait un endroit pour te loger au moins. Et puis de quoi bouffer. Et si je ne m’abuse, t’es pas franchement un carnivore, non ? Alors la protection de la meute, ça devrait te botter…

-Pff, comme si j’avais besoin d’une bande de mangeurs de viande pour me protéger ! J’le fais très bien tout seul !

Kyo leva un sourcil, montrant à quel point il se trouvait hautement sceptique.

-J’ai besoin de personne pour s’occuper de moi et surtout pas d’une bande de vieux cons qui s’arrogent le droit de me dire ce que je dois faire, comment ou pourquoi ! Je tiens à ma liberté moi !

*Tiens, un discours bien connu… * Songea le puma en fixant le regard déterminé et plein de défi du garçon.

C’était comme pour Mimiko.

Il ne pouvait pas vraiment dire qu’il comprenait. Il avait passé toute son enfance à vouloir faire partie intégrante de la meute Soma, à lutter contre son grade injuste d’oméga qui le tenait à l’écart de tout. Il s’était raconté des contes, s’était battu avec Akito, avait retourné sa colère et sa frustration sur Yuki… Et à la suite des évènements concernant Tohru, avait été gracié d’un semblant de liberté non désirée en étant exilé loin de la meute, en France.

Au final cette « liberté » l’avait laissé insatisfait et cruellement seul. Etait-ce donc ce que cherchaient Mimiko et ce garçon ?

-OK, fit-il en direction de l’adolescent qui se tenait toujours en posture défensive avant de tourner les talons.

Whisper se détendit aussitôt, un peu étonné de voir le prédateur se détourner de sa proie.

Dereck se releva aussitôt, tout aussi surpris et partit à la suite du roux.

-Mais Kyo…

-Bordel Dereck, tu veux que je fasse quoi ? Que je le tire par la peau des fesses ? J’ai pas l’intention d’être ce genre d’alpha.

Kyo se stoppa au milieu de la grande salle et poussa un soupir avant de se retourner vers le barman :

-Ecoute, s’il te plait, laisse le squatter encore un peu. On refera une tentative… Enfin, pas moi, parce que je suis pas vraiment la bonne personne pour ça, mais pour l’instant, j’ai déjà un beau bordel à régler.

-OK…

-Merci. On te revaudra ça.

***

Nouvelle réunion de filles vite organisée à la faveur de la pause de 16h dans un recoin du deuxième étage.

-J’ai pas de nouvelles depuis samedi. Et encore, dire que samedi était réellement… une occasion d’avoir des nouvelles est assez loin de la réalité, s’angoissa Naru.

-Bah… Commença Asuka avant d’être aussitôt coupée.

-Pas de mails ! Pas de nouveaux messages sur son blog ! Bon sang, Mi qui ne met pas son blog à jour de toute UNE SEMAINE !!! 

-Hum, c’est vrai… Marmonna Arisa qui avait emprunté le mobile de Naru et écrivait un texto à Kyo.

(« C Arisa Quand on pourra se revoir ? »).

Asuka joua un instant avec la bretelle de son sac à dos, puis eut envie de remonter ses lunettes sur son nez… Avant de se souvenir qu’elle ne portait plus de lunettes.

-Je sais pourquoi elle nous répond plus et fais la morte, finit-elle par dire. Elle m’a envoyé un mail disant en gros, qu’elle en avait marre qu’on la harcèle pour qu’elle accepte Kyo et fasse partie de la meute.

-En gros ? S’étonna Arisa.

(« Samedi. ? »)

-Oui, entre reproches, lamentations et atermoiements. Du grand Mimiko quoi.

Mais elle ne le disait pas vraiment de façon accusatrice. C’était juste une constatation et quelque part il était toujours étonnant de lire ce qu’il pouvait y avoir dans la tête de son amie tellement il était difficile de le voir sur son visage.

Arisa qui n’avait pas eu l’occasion d’y être habituée fronça les sourcils.

(« Non mais en vrai ? »)

-Ah, répondit-elle simplement, prudente.

Elle était définitivement déstabilisée par la capacité qu’avait Mimiko de se transformer brusquement en bombe à retardement. Elle qui paraissait calme, bien que manquant de confiance en elle, et puis tellement raisonnable… Comme quoi, les apparences sont vraiment trompeuses.

-Harcelée, harcelée… Grommela Naru, on s’inquiète pour elle !

-Tu es allé la voir trois fois chez elle, lui reprocha Asuka.

-Et elle a refusé de me voir la troisième fois !

-Sans doute qu’elle voulait éviter une nouvelle discussion stérile.

Arisa fronça à nouveau les sourcils, mais c’est parce que Kyo mettait plus de temps à répondre que la première fois.

-Asu, il faut qu’on fasse quelque chose bon sang ! Il doit bien y avoir un moyen de la faire changer d’avis !

La sonnerie de reprise de cours retentit, leur arrachant un soupir à chacune.

-Naru, c’est pas nous qui y arriverons, même si on est ses amies… Ou peut-être JUSTEMENT parce qu’on est ses amies, on n’a pas suffisamment d’impact sur elle.

(« Encor Kelke semaine. + prudent. »)

Arisa foudroya la réponse du regard et se retint de répondre. Ça pourrait aller loin et non seulement elle n’avait plus le temps, mais en plus elle ne voulait pas utiliser les 30 textos mensuels de Naru à elle toute seule. 

-Mais qui alors ? Demanda Naru en récupérant son téléphone alors qu’elles prenaient déjà la direction de leurs salles de cours respectives.

-Son frère peut être ? Lança Arisa en faisant mentalement le tour de leurs connaissances. J’irais parler à Alec ce soir.

Asuka se retourna un bref instant vers elle, mue par l’envie de l’accompagner et de voir l’adolescent, mais elle se rappela que non seulement elle finissait tard, mais qu’en plus elle avait beaucoup de devoirs.

-Tu lui passeras le bonjour de ma part, essaya-t-elle de lâcher l’air de rien, mais Arisa haussa des sourcils et se retint heureusement de l’embarrasser en se contentant de les saluer pour prendre l’escalier.

La blonde ne fut pas très concentrée lors de son dernier cours de la journée. Bien sûr, il y avait la gêne qu’elle éprouvait envers Shinobu, reléguée au dernier rang, à l’écart, comme un espèce de trou noir aspirant tout sentiments positifs, mais elle pensait surtout à Kyo.

C’est vrai qu’elle était heureuse de le voir les samedis, lors des sorties de la meute, mais le Kyo humain lui manquait. Elle aurait voulu se retrouver à nouveau dans son appartement, juste tous les deux, à l’écouter jouer de la guitare, l’odeur réconfortante du garçon sur ses vêtements, à admirer le mouvement de ses mains, se perdre dans son regard si merveilleusement doux et chaleureux et juste entendre le son de sa voix.

Et peut-être aussi, sentir à nouveau ses lèvres sur les siennes. Sottement, elle posa ses doigts sur sa bouche, avant de les retirer vite fait, se morigénant, jetant des regards autour d’elle en priant pour que personne ne l’ait vu faire.

Comme lorsqu’elle pensait trop à lui, elle sentit un doux effleurement au niveau de son cœur. Comme s’il était là et caressait sa tête. Elle sourit et se consola en se rappelant que grâce au lien de couple, elle savait quand il pensait à elle, et réciproquement. C’était plus que ce qu’avaient habituellement les amoureux. Un réseau privé où elle pouvait lui envoyer ses sentiments et ses émotions. Et parfois même des pensées. Mais c’était plutôt rare.

*On s’entrainera.* Répondit Kyo.

Et il était beaucoup plus doué qu’elle…

Faisant fi du cours autour d’elle, elle tenta de lui envoyer un message :

*Je vais voir Alec ce soir, pour Mimiko.*

Elle attendit, mais comme elle n’eut aucune réponse, elle ne fut pas sure d’avoir réussi et se sentit à nouveau seule et triste.

Voir Alec n’était pas spécialement quelque chose dont elle avait envie, mais elle ne pouvait s’empêcher de se sentir un peu coupable et inquiète au sujet de la situation avec Mimiko. Certes, elle n’était pas prête à oublier ce qu’elle avait dit sur Kyo, après tout, c’était son petit ami et à cette dernière pensée, elle retint de justesse la vague de bonheur et le sourire stupide qui voulait se coller sur son visage.

Elle avait toujours un peu du mal à réaliser la chance qu’elle avait de pouvoir se trouver aux côtés de Kyo, de pouvoir lui sourire, de pouvoir lui demander plus qu’à n’importe qui, de pouvoir faire plus pour lui… Et c’est en chantonnant « Send me an angel » de Scorpions qu’elle sortit du métro après un trajet passé à rêvasser.

Retirant ses écouteurs, elle grimaça un peu devant la façade d’appartement et se demanda pourquoi diable s’était-elle proposée pour aller voir l’américain ? Bon, c’était son idée, mais elle n’était foutrement pas la bonne personne pour s’occuper de ça.

Elle se fit violence en se rappelant son foutu statut de « compagne d’alpha » (plus correctement nommé « femelle alpha » mais ce terme était à vomir) et se rappela que Kyo comptait bizarrement sur Alec pour le seconder. C’était surement plus dû à un manque de choix qu’autre chose, mais son petit ami avait apparemment décidé de faire en sorte que ça marche, alors…

Elle sonna à la porte en se composant un air aussi neutre que possible.

Quelques secondes plus tard, le rouquin ouvrait et un grand sourire vint étirer ses lèvres.

-Tiens Arisa, pour une surprise !

-Salut Alec. Je te dérange pas ?

-Non, pas le moins du monde, entre !

Il s’effaça de l’entrée pour laisser Arisa faire quelque pas dans le salon.

Arisa devait lui reconnaitre quelque chose, c’était qu’il était éminemment sociable, et surtout, il semblait être totalement passé au-dessus de ce qui s’était passé. Quel contraste avec sa sœur ! De véritables opposés ! Avec un peu de chance, cela rendrait cette entrevue plus facile.

-Tu veux quelque chose ? A manger, à boire ? Continua l’américain en la rejoignant.

-Non, c’est gentil, merci. Je ne vais pas t’accaparer trop longtemps…

-Ca me dérange pas.

-… J’étais là surtout pour parler de Mimiko…

-Mio ? Fit Alec qui avait soudain toute son attention.

-… Mais d’abord j’aimerai… Que tu t’excuses… Pour ce que tu sais.

Ne pouvant pas le regarder, son regard avait obliqué sur certains points de la pièce bien connue (après son séjour forcée…) tandis qu’elle tordait nerveusement ses mains.

-Que je m’excuse ? Pourquoi ça ? Je n’ai pas l’intention de m’excuser de quoi que ce soit.  

La voix d’Alec était différente de celle qu’elle lui connaissait, moins onctueuse, moins vive, ce qui la fit lever les yeux sur son visage.

Elle fut un instant surprise par l’air désintéressé, presque hautain, qu’il lui adressait. Ses yeux habituellement lumineux, presque aussi chaleureux qu’un foyer de cheminée, même lorsqu’il se plaignait ou semblait peiné, étaient froids et cela suffisait à modifier totalement l’impression qui émanait de sa personne.

Tout d’un coup, il ressemblait bien plus à Mimiko, mais avec un quelque chose qui le rendait plus dangereux. Elle n’arrivait pas vraiment à mettre la main dessus.

-Comment ça ? Réagit-elle en lui rendant son regard glacial, à présent à nouveau en colère. Tu m’as menti ! Toi, Shin et Isa, vous m’avez menti et avez comploté, vous êtes faits passé pour moi et…

-Et grâce à moi tu es avec Kyo. Comme je le lui ai dis, c’est plutôt vous qui devriez me remercier ! Mais je suis gentil, moi je ne suis pas du genre à réclamer ce qui devrait m’être dû !

Arisa manqua de s’étrangler d’indignation. Comme s’il y était pour quoique ce soit ! S’ils étaient ensemble, c’est parce qu’ils avaient des sentiments l’un pour l’autre, c’était tout. C’était parce que Kyo l’avait aidé à noël, lui avait offert une cannette, l’avait accompagné faire ses courses, l’avait laissé se laver chez lui et avait joué ce divin morceau à la guitare. C’était parce qu’il était beau lorsqu’il se battait et qu’il avait cet air un peu bourru qui la faisait craquer.

Ce n’était CERTAINEMENT pas à cause de cette horrible nuit tâchée de sang.   

-Des remerciements ?!? Putain ! Tu t’es servi de mon téléphone, a envoyé ces messages horribles à Kyo en te faisant passer pour moi !!! J’avais confiance en toi ! Je croyais qu’on étaient un minimum amis ! C’est pas quelque chose qu’on fait à son amie !

-Bon sang, ce ne sont que des textos, il y a pas mort d’homme.

-Tu t’es mêlée de ma vie privée !

-Ouais, et alors ? On voulait s’amuser un peu, et puis t’aider parce que vous n’étiez pas rendus. Je suis sacrement satisfait de mon petit plan, c’était si simple et pourtant si intelligent !  Tu n’as vraiment pas à te plaindre du résultat si j’en crois ce que j’ai vu samedi dernier…. Vraiment, me lancer ça à la figure… Ce que tu peux être ingrate.

Arisa cligna des yeux. Ils voulaient s’amuser un peu ? L’aider ? Satisfait de son plan ?

Soudain elle se rendait compte de la différence notée plus tôt entre sa sœur et lui : 

Un manque total d’empathie.

Il se foutait complètement de ce qu’elle ressentait. Il se fichait d’avoir pu la blesser. C’est pour ça qu’il ne pensait même pas qu’il avait à s’excuser !

Tout ce qui comptait à ses yeux c’était qu’IL ait réussi et qu’on le congratule. Ce qu’il faisait très bien tout seul apparemment.

Alors c’était ça, le secret de son sourire, de sa nonchalance et de sa sociabilité : son indifférence souveraine aux autres. Les traitant tous comme de vieux amis, les touchant sans complexes, parce qu’il se moquait de ce qu’ils ressentaient ou d’être rejeté ?

Bordel, dire que ce type était le second de la meute !

Dans le petit monde parfait qu’elle s’était plu, pour une fois, à imaginer (car bien souvent elle préférait se prémunir des désillusions) tous les membres de la meute s’entendaient parfaitement, à l’image d’une grande famille. Or à présent elle savait qu’elle ne pourrait jamais s’entendre parfaitement avec Alec et qu’elle remerciait tous les dieux qu’il ne soit pas un membre de sa famille.

Et à cause de ça, il lui faudrait peut-être admettre que Mimiko ne serait jamais amie avec Kyo. 

Elle n’avait cependant pas à supporter qu’il l’écrase de son mépris ainsi, et, inspirant un grand coup, elle tenta de faire passer tout son pouvoir dans le lien de la meute :

- Excuse-toi ! Lui ordonna t’elle, furieuse.

Alec cligna des yeux, semblant surpris, puis ses lèvres se fendirent d’un sourire narquois très déplaisant et plutôt inquiétant.

-Dommage chérie, il faut croire que la femelle alpha n’a pas d’autorité sur les mâles. C’est bon à savoir.

Il la regarda grincer des dents avant qu’elle ne tourne vivement les talons, sa queue de cheval fouettant violemment l’air, décidée à partir de la pièce.

-Pour Mio, lâcha nonchalamment Alec en s’adossant à son canapé, on s’en occupe déjà.

Elle se retourna une dernière fois pour le toiser du regard :

-Je plains sincèrement Mi chan de t’avoir pour frère !

La porte d’entrée claqua et Alec passa nerveusement une main dans sa frange, la rabattant en arrière en laissant son regard se perdre dans le crépuscule.

-Il y a pas de quoi, marmonna-t-il à la fois en réponse à la dernière réplique, mais aussi au « merci » qui n’était pas venu.

***

Elle se trouvait seule à une table du CDI, tournant distraitement les pages d’un manuel de français. Kyo prit une inspiration puis vint s’asseoir à côté d’elle, laissant son regard se poser sur les rayonnages, les autres tables, bref, sur tout sauf sa voisine, même si leurs deux présences trop proches pour deux félins ne pouvaient être ignoré ni pour l’un, ni pour l’autre. Il s’étonnait même de ne pas l’entendre feuler et de n’avoir pas encore reçu de coups de pattes.

Mimiko vint pincer sa lèvre inferieur, mais c’était le seul signe révélateur d’un possible malaise.

Ils continuèrent à s’ignorer quelques minutes, Kyo cherchant désespérément un moyen d’entamer la discussion pour l’emmener peu à peu vers le nœud du problème. Il n’eut cependant pas à faire cet effort puisque c’est la brune elle-même qui rompit le silence tout en continuant cependant à faire mine de lire son manuel :

-Alec m’a raconté cette histoire d’oméga.

Il tourna la tête vers elle, en partie surpris qu’elle parle de ça, en partie agacé. Il n’aimait pas qu’on lui rappelle ça et ne voulait pas qu’on se moque ou éprouve de la pitié pour lui à ce sujet.

-Désolé d’avoir dit quelque chose comme le fait que tu étais une brute, continua Mimiko sans le regarder. Je me doutais pas que… Enfin, je devrais être bien placée pour savoir que ce n’est pas quelque chose qui se voit sur le visage des gens…

Kyo fronça les sourcils car il ne comprenait pas vraiment ce qu’elle racontait, et en fait, il ne s’attendait pas du tout à l’entendre s’excuser.

-Je ne comprends pas vraiment, mais je ne veux pas être plaint ou quoique ce soit d’…

-Je sais. Moi non plus. Etre plaint c’est comme si ça faisait de nous une victime… Bien qu’évidemment c’est ce que nous sommes, mais, ça n’aide pas à continuer à vivre. Ça n’aide pas à retrouver confiance en nous ou à s’aimer. Ce que je veux dire, c’est juste… Je comprends et je regrette de t’avoir mal jugé.

Il était pas mal étonné car ce qu’elle disait, c’était plutôt juste. Avait-elle subit des choses semblables ? Il n’osait pas le lui demander, mais ça semblait être le cas. Un élan d’affection, venant tout droit de sa part alpha surprotectrice, mais aussi du lui-même qui avait subi l’indifférence, le mépris et la haine des autres, lui donna envie de consoler la jeune fille. Même si elle ne semblait pas en avoir besoin.

En tout cas, il se sentait bien moins indifférent et réalisait qu’ils avaient finalement pas mal de points en commun. S’il avait considéré l’intégration de la panthère dans la meute comme une corvée, en partie à réaliser pour faire plaisir à sa petite amie, désormais il se sentait aussi concerné.

-Tu… Je… Mimiko…. Je peux t’appeler Mimiko ? Tenta-t-il de commencer un peu confusément.

Elle dû avoir alors pitié de lui puisqu’elle se tourna finalement dans sa direction, le laissant se dépêtrer face à son visage sérieux et intimidant.

-Oui, pas de soucis.

-OK. Mimiko. Je sais que ça te déplait cette histoire d’alpha, de dominance, d’ordres et de tout ça. Je… Moi aussi ça me saoule. Je conçois pas ça comme ça. Je veux dire, à l’origine, je suis devenu alpha uniquement pour être avec Arisa. Alors je préfère pas voir ça comme une hiérarchie, mais plutôt comme si on était les membres d’une même famille. Ca peut être difficile au début, parce qu’on se connait pas très bien, mais j’aime à croire qu’on pourrait finalement se sentir comme ça. Et on ne fait pas de mal aux membres de sa famille, non ? Enfin à part quand on est la famille Soma, mais on n’est pas comme ça et… Je crois que je raconte n’importe quoi.

Un tic fit tressaillir la pommette de la brune face à lui, et ce n’est que grâce au sombre moins uniforme de ses yeux qu’il devina là l’ébauche d’un sourire. Décidant de voir cela comme un signe encourageant, il continua :

-Bref, ce que j’essaie de dire, probablement de façon incompréhensible, c’est que je vais te voir comme une espèce de petite sœur… Que je te vois comme une petite sœur… Enfin si tu veux. Je… Enfin, pas comme quelqu’un à qui donner des ordres quoi !

-J’ai une petite sœur, répondit Mimiko en le regardant droit dans les yeux. Je lui donne des ordres et j’ai tendance à penser savoir ce qui est le mieux pour elle.

-Ouais, c’est parce que tu l’aime. La famille c’est ça, aussi. C’est des preuves d’affection…

Il tenta de trouver quelque chose pour compenser ce côté-là, et fit une moue un peu confuse et coupable :

-Et Arisa aura le droit de m’assommer si mon ingérence devient trop difficile à vivre…

Là les lèvres de la brune se serrèrent en un sourire mal réprimé. Ses yeux cachaient cependant encore plus mal son amusement.

Cette fille semblait aussi timide que lui en ce qui concernait montrer ses émotions. Enhardi, il se laissa aller à un geste d’affection en posant une main sur la tête de sa vis-à-vis, caressant légèrement ses cheveux.

-Alors… Petite sœur ?

Elle détourna un moment le regard, réfléchissant.

-On peut essayer, finit-elle par affirmer.

Son acceptation fut alors ressentie plus fortement dans le lien de la meute, comme une respiration de soulagement et la plaie béante qu’elle avait ouverte, sembla commencer à se résorber.

Il laissa retomber sa main, hochant de la tête en respirant mieux. Ca y est, il sentait tous les membres, ainsi que leurs émotions principales, et pouvait à peu près les positionner géographiquement par rapport à lui. Alec et Mimiko juste près de lui, venait ensuite Kyogané, puis Arisa, Asuka et Naru au même endroit et pour terminer, Isaka était la plus éloignée.

-Merci, lâcha-t-il d’un souffle, les yeux fermés, avant de les rouvrir.

Elle se contenta d’un très rapide sourire, plus une moue en fait.

-Il faudra qu’on parle avec Kyogané de ta place un peu particulière. Il saura mieux te l’expliquer que moi.

-Hum… Je suis curieuse d’entendre ça.

-Mais avant, si tu as un peu de temps après les cours, ce soir, j’aimerai te demander de m’aider ?

-T’aider ? Mais à quoi ?

-Quelque chose que toi seule peut faire…

**

Lorsqu’il passa les portes du CDI, Kyo jeta un regard à Alec qui était adossé au mur du couloir.

-Ca s’est vraiment mieux passé que je ne le pens… EH AÏE !

Alec ne l’avait pas laissé finir, se contentant de le frapper le plus violemment possible à l’omoplate.

-La touche pas !

Ce fut la seule explication qu’eu l’alpha car le léopard l’abandonna derrière lui en grommelant.

Kyo se massa le dos, confus, en se demandant quelle mouche l’avait piquée.

**

La fin de l’après-midi venue, Mimiko et Alec le retrouvèrent devant le métro d’Esquirol, le roux le regardant toujours d’un air un peu contrarié. Il préféra l’ignorer, même lorsqu’il se mit entre lui et sa sœur et ils se dirigèrent vers la Tête du Tigre.

Les deux garçons restèrent à l’écart quand Mimiko aborda Whisper et s’installa à côté de lui pour discuter.

Kyo n’était pas sûr que ça marche, mais leur discussion au CDI l’avait convaincue qu’elle avait toutes les chances d’arriver à trouver les mots justes avec l’adolescent. Elle semblait sensible à la douleur des autres et prête à vouloir comprendre ceux qu’elle écoutait.

Tournant le regard vers Alec, il constata qu’il avait les yeux braqué sur sa sœur, avec une étrange lueur à l’intérieur.

C’était la première fois qu’il le voyait avec un tel air. D’habitude les yeux brun ne se posaient que légèrement sur ce qui l’entourait, ou s’accrochaient aux yeux de ses interlocuteurs sans honte.

-Tu crois qu’elle va le convaincre ? Demanda-t-il pour cacher le malaise qu’il ressentait face à l’attitude d’Alec.

-Ouais, et si ce n’est pas tout de suite, elle lâchera pas l’affaire. Elle est faible face à la douleur. C’est le genre de personne à vouloir prendre tout le malheur du monde sur ses épaules pour décharger les autres. Elle dit que c’est plus facile s’il s’agit de ses fautes, parce qu’alors elle peut tenter de changer pour les réparer. Quelque chose dans ce genre.

-C’est… hum… Gentil. J’imagine ?

-Je sais pas. Comme je fonctionne pas comme ça, je crois que j’admire cette façon de voir les choses, même si ça ne me plait pas vraiment d’observer les autres profiter de sa gentillesse.

Il tourna son visage vers lui avec un grand sourire sournois, les yeux pétillants avant de continuer :

-Elle devrait la réserver uniquement pour moi !

Kyo préféra ne pas réagir car il commençait à connaitre un peu trop Alec pour savoir qu’il ne blaguait pas. Et il valait sans doute mieux pour lui qu’il ne cherche pas à approfondir sa connaissance du garçon en se montrant curieux.

Oh oui, il ne valait mieux pas.

Il retourna son attention sur les deux changeurs car Mimiko venait de poser ses mains sur les épaules du garçon. Celles-ci semblaient trembler, mais Whisper n’éleva pas la voix, les empêchant de savoir ce qui se racontait. Il semblait être en colère et la brune le regardait avec toute son attention, son air quasi imperturbablement sérieux sur le visage, hochant parfois la tête avant de dire quelque chose qui appelait une nouvelle réaction défensive de son cadet.

Puis finalement ce dernier craqua et laissa échapper un gros sanglot avant de tomber contre la panthère qui l’enserra naturellement d’un bras, tout en frottant sa tête de l’autre.

Et il sut que c’était gagné.

-C’est la journée… Grommela Alec à côté de lui.

-Tu peux libérer un placard dans ton appart, lui apprit gaiement Kyo.  

-Pourquoi ?

-Parce que tu vas avoir un nouveau colocataire.

Alec se renfrogna un peu plus en croisant les bras, puis resta silencieux un petit moment.

 

-Il prend le canapé.    

A suivre…        

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