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Instinct Animal

1 août 2011

Partie 6, 7 et 8

***

Sumomo regardait Mimiko anxieusement alors que celle-ci tapait du pied frénétiquement sur le sol en fixant toutes les deux minutes sa montre. Sur sa table se tenaient des cadavres de critérium et de stylo, cassés en deux ou réduit en petits morceaux de plastique. La brune semblait sur le point de craquer, comme si elle avait abusée du café ou d’une autre mixture énergisante. Depuis ce matin, elle ne tenait pas en place et s’agitait nerveusement ce qui agaçait prodigieusement les professeurs.

Mais comment Mimiko aurait pût leur expliquer qu’elle se sentait comme avec un trop plein d’énergie qu’elle n’arrivait pas à canaliser et que le fait de savoir que le week-end prochain, elle ne pourrait pas aller se défouler à Bouconne pour cause de voyage chez ses grands parents, la rendait encore plus nerveuse ?

Ses yeux se fixaient sur chaque bruit, sur chaque mouvement brusque, son corps tremblait d’impatience et la panthère en elle ne comprenait pas pourquoi elle devait rester assise sur cette chaise et ne pas partir pour aller courir.

Elle essayait de se calmer pour éviter de grogner, ce qui aurait attiré encore plus l’attention sur elle.

*Vite, vite… La sonnerie de fin de cours !*

Son existence devenait de plus en plus difficile.

Finalement, comme pour soulager à la fois la changeuse et son amie, la fameuse musique retentit dans l’établissement et leur professeur d’histoire leur donna leurs devoirs.

Mimiko rangea ses affaires en trente-sixième vitesse sous les yeux éberlués et un peu inquiet de Sumomo.

-Mi chan, ça va ? T’es bizarre et un petit peu flippante ces temps-ci…

-Maintenant ça va, t’inquiète pas, c’est juste l’hiver qui me rend comme ça, il fait moche et il fait nuit tôt, marmonna Mimiko comme excuse. A demain !

-N’oublis pas qu’on a contrôle d’anglais!

-Comment je pourrais oublier ça…

Démarrant au quart de tour, la brune quitta la classe et courut vers les escaliers auxiliaires pour éviter d’être pris dans la masse du central. Etant au quatrième étage, ça en faisait des marches à descendre… Mais malgré ça, elle n’était toujours pas fatiguée…

Refusant de prendre le train, et malgré les avertissements de Kyogané, elle choisit de déambuler dans la rue afin de se calmer un peu, c’était mieux que rien…

Pourtant elle s’aperçut vite que ça ne la calmait pas du tout… Au contraire. Elle se tendait à chaque fois qu’un individu passait à côté d’elle. Se tenant la tête, elle poussa un long soupir :

-Peut être que je devrais me remettre au sport…

C’est à ce moment là que retentit un cri de femme :

-AU VOLEUR !

Un jeune en scooter venait d’arracher un sac à une vieille femme et s’enfuyait dans sa direction sans que personne ne réagisse, se contentant de s’écarter de son chemin.

Il passa à côté d’elle avec un sourire narquois et pendant un bref instant son odeur acre s’imprima dans ses narines et les iris de la jeune fille s’agrandirent tandis que sa pupille se rétrécissait en une étroite ligne.

Et alors qu’il la dépassait, elle ne fit ni un ni deux, agissant sans penser, elle se retourna et malgré son sac de cours, fit quelques foulées rapide et bondit sur lui.

Le jeune homme fut déséquilibré de l’engin et porté à terre, Mimiko le tint contre le goudron, pesant de tout son poids, sa tête prés de la sienne, grognant pour l’intimider tandis que le deux-roues allait s’écraser contre un banc.

Et effectivement il l’était. Horrifié par les yeux félins qui le fixait sans ciller, par le son roque qui résonnait autour de lui et par la force de cette lycéenne.

-Laissez-moi partir, je vous rends le sac ! Pleurnicha-t-il.

La petite grand-mère s’était approchée et arracha le sac des mains du voleur avec une exclamation indignée.

-Merci jeune fille ! Tenez le encore un instant, j’appelle la police !

Mimiko ne répondit rien mais constata qu’elle se sentait d’un coup beaucoup mieux et qu’elle avait cessé de grogner pour ronronner, satisfaite d’avoir attrapé sa proie et de la maintenir, l’empêchant de s’échapper.

Elle ne pouvait renier ou contenir sa nature de chasseuse. C’était impossible. Et elle était capable d’attraper des proies beaucoup plus grosses qu’elle et sans l’aide de personne.

En ce moment, elle avait l’entière conscience de sa puissance.

La police finit par arriver et Mimiko le lâcha, récupérant ses yeux normaux pour pouvoir faire sa déposition au poste de police. La petite grand-mère la suivit dans la voiture et lui mit dans la main un billet de 20 euros.

-Ce n’est pas grand-chose, mais c’est pour vous remercier, lui souffla t’elle.

Mimiko voulut le lui rendre, mais sans succès, aussi le rangea t’elle dans sa poche.

Une fois arrivée au commissariat, le voleur envoyé en cellule, Mimiko dût attendre dans le hall que la victime ait finit d’être interrogée. Elle observa un moment le manège des policiers, puis ne tenant à nouveau plus en place, se mit à fixer les affiches des murs.

Son regard fut alors captivé par des avis de recherches près du poste de l’accueil. Elle était étonnée de découvrir que la plupart de ces hommes et femmes avaient leur « tête » mise à prix, elle avait pensé que ça ne se faisait plus depuis le far west…

Puis soudain elle eut une idée.

Si elle ne pouvait pas se rendre à Bouconne tous les jours, rien ne l’empêchait cependant d’écumer la ville… Et à défaut de proies animales, ces têtes-là feraient très bien l’affaire ! Après tout, ILS voulaient les attraper, alors pourquoi ne le ferait-elle pas ? Ce ne serait pas illégal… Et puis elle avait attrapé avec tant de facilité ce type tout à l’heure…

Contre un autre changeur, elle voulait bien admettre (bien qu’à contre cœur) qu’elle ne faisait pas le poids… Mais contre un simple humain…

Satisfaite par cette idée de génie, elle prit grand soin de noter dans son carnet les renseignements de l’une des affiches et de croquer le portrait-robot présenté.

A présent… Il ne lui restait plus qu’à mener son enquête !

***

L’évènement du métro avait légèrement refroidi Arisa, ainsi, lorsqu’elle fut à nouveau obligée de se rendre à Toulouse, elle s’assura d’abord d’avoir une escorte. Le fait de vouloir inconsciemment se rapprocher de Kyo n’y était pour rien. Non vraiment rien. Elle voulait juste terminer ses achats de noël sereinement.

Elle l’attendait tranquillement sur le quai de la gare lorsqu’elle le vit approcher d’un pas nonchalant, un pas de félin, songea t’elle en remarquant que Mimiko avait un peu le même.  

Il portait un manteau de cuir brun assorti d’un jeans et derrière son dos se dessinait un étui à guitare noire. Arisa ouvrit de grands yeux étonnés :

-Tu joues de la guitare ?

Le rouquin jeta un bref regard dans son dos.

-Je joue dans un groupe de temps en temps.

-La claaaaasse ! Et tu interprète plutôt quoi ? Voulut-elle savoir en s’approchant de lui.

Ce dernier recula un peu et elle se demanda si c’était à cause de son odeur de canin. Celle de Kyo ne la dérangeait déjà presque plus.

-Hum, Pink Floyd,  Zeppelin, Dylan, Hendrix… Enfin les classiques… Mais tu n’es pas venu parler de ça, allons à ton magasin si tu veux bien, je ne voudrais pas rentrer trop tard.

-Désolé de t’avoir réquisitionné, lança la blonde en le suivant alors qu’il tournait les talons.

Elle aurait bien aimé dire que c’était parce que Kyogané n’était pas disponible, mais elle n’avait même pas pensé à l’appeler… Enfin le choix était vite fait entre le rouquin et le médecin.

Kyo se contenta d’hausser les épaules et ils prirent le métro ensemble. Malgré les rames étroites, il continuait à garder ses distances avec elle, son regard semblant regarder au loin et percer les murs des tunnels. Arisa ne comprenait pas vraiment pourquoi il se comportait presque comme un inconnu.

Pareil dans la rue, ils ne marchaient pas côte à côté, mais séparé de plusieurs mètres. A bien y penser, songea-t-elle avec regret, il se comportait bel et bien comme une escorte et pas comme… Comme quoi ?

Elle espérait toujours au fond d’elle pouvoir sympathiser. Elle n’allait certainement pas insister s’il se mettait à la fuir comme la gale, mais elle ne voyait pas pourquoi ils ne pourraient pas s’entendre.

Arrivant devant la boutique de thé, elle entra et fut accueillie par une bouffée d’agréables odeurs de plantes séchées. Avec un petit sourire extatique, elle se dirigea vers une jeune femme qui proposait des dégustations de variétés de thé gratuite et retira son manteau pour le passer sur son bras. Kyo rentra derrière elle et jeta des regards aux étals autour de lui : apparemment c’était la première fois qu’il venait ici.

Buvant à petite lampée le thé qu’on lui avait servi, Arisa revint vers lui et lui expliqua même s’il ne l’avait pas demandé :

-Je vais offrir un assortiment de thé à ma mère.

-Oh. Fut sa seule réaction avant de s’éloigner à nouveau, la jugeant apparemment trop près de lui.  

*OKKKKK… Grrrr….* Grogna intérieurement Arisa en allant chercher le petit coffret qu’elle avait repérée.  

Elle le paya à la caisse et s’apprêta à soulager Kyo du poids de sa présence. Elle entendit à peine le « ATTENTION ! » de celui-ci, qu’en se retournant elle butta contre une femme qui portait deux gobelets de thé.

Elle fixa médusée ces deux derniers se renverser sur son T-shirt.

Tirant sur le tissu trempé, elle se demanda si ce n’était pas son jour de malchance. Si ce n’était pas le cas ça y ressemblait fortement.

La femme et les membres du magasin vinrent la voir et s’excusèrent, mais ils ne pouvaient pas sécher le vêtement. Arisa était condamnée à rentrer chez elle avec un T-shirt trempé, qui, vu la température extérieur, deviendrait vite glacé.

Alors qu’elle ne savait quoi faire, Kyo l’attrapa par le sac et la conduisit sans lui donner le choix vers la sortie. Comme prévu, l’air glacial la frappa et elle voulut remettre son manteau. Son compagnon l’arrêta dans son geste, l’air embarrassé :

-Tu vas le salir lui aussi.

-Euuuh oui, mais à choisir, entre salir mon manteau et attraper la mort, je sais quel choix je fais, répliqua t’elle, cinglante.

Elle ne savait pas si c’était à cause de son air résigné ou à cause de l’évidence de la chose, mais elle avait envie d’être cassante.

-Le métro est à deux pas, t’as qu’à venir chez moi, je passerais ton T-shirt à la machine, maugréa t’il.

Arisa resta un instant immobile, ne sachant que penser. Attendez : lui qui ne voulait même pas l’approcher, pas parler de lui, il voulait la laisser entrer chez lui ???

Bon après tout, c’était lui qui l’avait proposé, il avait plus qu’à assumer. Ainsi hocha-t-elle la tête, et le cou rentré dans les épaules, se dirigea à grands pas vers la bouche du métro.

Ils prirent la direction de Roseraie, puis une fois sorti à l’air libre, marchèrent un peu avant d’arriver à un immeuble. Arisa qui avait déjà trop froid ne prit pas la peine d’observer les lieux et entra derrière le changeur pour ensuite grimper trois étages.

Il hésita un moment avant d’insérer la clef et Arisa compris pourquoi en entrant : les lieux étaient loin d’être rangés.

Mais à vrai dire, c’était assez similaire à l’état de sa propre chambre.

La première chose qui la frappa fut l’odeur : celle de Kyo envahissait les lieux comme celle du thé dans la boutique. Elle comprit alors instinctivement qu’elle venait de mettre les pieds dans un endroit sacré : le territoire d’un autre changeur.

Ne pouvant s’empêcher de se faire toute petite, comme l’intruse qu’elle était en ces lieux, elle pénétra dans la pièce principale.

Kyo vivait seul dans un studio. Les murs étaient de crépis blanc, tapissés par quelques posters zen, il y avait un lit défait dans un coin, occupé par des partitions jetés à la va vite, une petite étagère avec des livres, une kitchenette en face, une table basse était retournée contre un mur, près de quelques outils de sports, une télé occupait une étagère fixée au mur au-dessus d’un bureau.

Le jeune homme ouvrit des tiroirs sous son lit et attrapa un haut de survet qu’il lui tendit en désignant une porte :

-Tiens, tu peux aller te doucher, t’auras qu’à enfiler ça et mettre ton T-shirt dans la machine à laver, ya un cycle court.

Elle laissa tomber son sac et son manteau dans un coin, s’empara du vêtement et entra dans la nouvelle pièce : une petite salle de bain.

Lançant la machine à laver, elle finit de se déshabiller et pénétra avec plaisir dans la douche. Sous l’eau chaude, elle ne put s’empêcher de chercher des raisons à l’étrange comportement de Kyo. Il faudrait qu’elle demande à Mimiko si son odeur était aussi désagréable que ça pour un félin. Faisant couler du gel douche dans sa main, elle songea que cela devrait l’atténuer un peu… Après tout… C’était celui de Kyo, une odeur familière pour lui…

Elle ne resta pas longtemps pour ne pas dilapider les ressources du jeune homme. C’est alors qu’elle cherchait une serviette _pas de choix, il n’y avait que celle de l’occupant des lieux_ qu’elle entendit les accords de guitare.

Stairway to Heaven

**

Quand Arisa avait disparu dans la salle de bain, Kyo avait eu du mal à retenir son agitation. Fronçant les sourcils, il avait fait les cents pas dans l’espace réduit de ce qu’il considérait comme son territoire… Si l’on pouvait se permettre d’appeler un espace aussi réduit ainsi. Il ne savait pas s’il tiendrait très longtemps comme ça d’ailleurs.

Puis il avait entendu les bruits d’eau et fonça sortir sa guitare de son étui pour éviter de laisser son imagination divaguer sur ce qui se passait dans la pièce d’à côté.

Elle est nouvelle, elle ne sait pas ! Se força-t-il à se répéter. Surtout pour son animal intérieur.

Il commença à pincer les cordes de l’instrument, se concentrant uniquement sur les accords. Cela le calma immédiatement et il se laissa aspirer par la mélodie calme, fredonnant d’une voix basse les paroles.

Il ne remarqua pas la présence de la jeune fille qui était sortie et qui l’observait sans bruit. Ce ne fut que lorsqu’il termina qu’il releva les yeux et tomba sur elle.

Il dût à nouveau censurer les réactions de son autre lui. Elle était adorable avec le survet trop grand qui dénudait légèrement ses épaules et ses cheveux légèrement humides où étaient collées quelques gouttes de rosée.

-C’est génial, tu joues plutôt bien, le complimenta-t-elle en s’approchant et en tendant les bras vers la guitare : je peux ?

Il la lui passa et elle s’assit pas loin de lui pour passer ses doigts blancs sur les cordes, les effleurant à peine. Il réalisa alors qu’il ne l’avait pas repéré tout à l’heure parce que son odeur était moins présente. Pour son grand damne, celle-ci était couverte en partie par la sienne. Sa serviette… Son survet… Les lieux… En fait ça avait été une TRES mauvaise idée.

Il ne put s’empêcher de suivre une goutte qui coula d’une de ses mèches le long de son cou et glissa sur son omoplate pour disparaitre dans l’obscurité du vêtement, ses pupilles devenant deux fentes étroites.

/Elle a mon odeur, elle m’appartient…/

Aïe ! Mauvais ! Non, non et NON ! Elle ne SAIT pas, ça ne compte PAS !!!

La jeune fille n’avait même pas conscience de son combat intérieur, jouant avec l’instrument. Comme si elle avait décidé de le faire craquer, elle se pencha vers lui légèrement, lui envoyant une nouvelle bouffée de son odeur mélangé à la sienne et lui sourit :

-J’aimerais bien savoir jouer de la guitare, tu pourrais m’apprendre ?

Ça n’allait absolument pas dans la ligne de conduite qu’il devait tenir. Heureusement, la machine à laver bipa, annonçant que le T-shirt était nettoyé et sec. Heureusement parce qu’il fallait ABSOLUMENT qu’elle s’en aille avant qu’il ne fasse une bêtise.

Il se leva comme s’il avait pris un coup de jus.

-Ton T-shirt est prêt, tu vas pouvoir rentrer. Je t’accompagne jusqu’à la gare.

Il pouvait au moins faire ça, et puis l’air frais lui aèrerait les pensées.

Son regard vert se refroidit mais il préféra se dire que c’était pour le mieux. Elle se redressa un peu raidement et alla récupérer son bien et se changer dans la salle de bain. Il l’attendit en rangeant sa guitare.

En revenant elle lui rendit son survet avec un « merci » sec et il songea qu’il allait partir direct à la machine lui aussi : il s’était imprégné de l’odeur de la louve !

Son animal intérieur grogna à la laisser repartir, mais Kyo était plus que décidé à ne pas perdre son contrôle.

C’est sans un mot qu’ils rejoignirent la gare et qu’ils attendirent le train.

L’air froid et vif l’avait calmé. Et le fait de s’être placé CONTRE le vent y jouait aussi.

Le train arriva finalement en cahotant et, décidé, Kyo se tourna vers Arisa pour lui asséner :

- Tu ne devrais plus chercher ma compagnie.

Elle eut un léger sursaut de la tête, comme s’il l’avait giflé.

-Pourquoi ? Se contenta-t-elle de demander d’une voix froide.

Il détourna le regard, gêné.

- Parce que. Nous autres ne réagissons pas tout à fait comme les humains. Je pourrais croire des choses…

-Quelles choses ?

Il la sentait perdue. Le train s’immobilisa à côté d’eux et les portes s’ouvrirent.

-Actuellement, l’amitié est une chose impossible pour nous deux, s’esquiva Kyo.

-Et pourquoi ça ? Mais de quoi parles-tu ? Explique-toi, je ne comprends pas ?

Elle s’avança en même temps à l’intérieur du train et se retourna vers lui, il se plaça sur le quai, devant elle, alors que la sonnerie de fermeture des portes sonnaient.  

-Si tu continues à venir me voir SEULE, je vais finir par me croire des droits sur toi ! C’est aussi simple que ça ! Et comme ça n’a même pas l’air te t’effleurer l’esprit, j’ai l’impression que ça ne te plaira sûrement pas ! Lui lança-t-il.

Il ne pût pas entendre sa réponse car les portes se refermèrent à ce moment-là.

A suivre…

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15 mai 2011

Partie 5

***

Le gel de Décembre s’empara de la ville, la couvrant d’une pellicule grise et blanche, tandis que des décorations lumineuses de sapin, de feuilles de houx ou d’étoiles s’accrochaient aux réverbères, formaient des arches dans les rues piétonnières et rappelaient aux lycéens la proximité engageante des vacances de Noël.

Arisa s’enivrait des odeurs de marrons grillés, de gaufres, crêpes et autres chocolats et vin chaud alors qu’elle déambulait aux côtés de sa mère et de sa petite sœur dans le marché de noël réunis sur la place du Capitole. Tout cela lui donnait l’eau à la bouche.

Elle devait cependant se contenter de regarder à l’intérieur des cabanons en bois disposés en rangées pour trouver quelque chose à offrir le 24. Devant un stand à bijoux, sa petite sœur s’extasiaient sur des broches colorées, tandis qu’elle-même louchait sur des pendentifs et boucles d’oreilles en onix. C’était tout elle, ça, c’était quand elle devait trouver pour les autres, qu’elle trouvait des choses intéressantes pour elle.

La blonde ne put s’empêcher de se demander si ces boucles iraient bien sur sa forme de loup. Question qu’elle se posait depuis samedi soir dernier, lorsqu’elle avait constaté que le labrador avec lequel elle chassait avait de petits anneaux dorés aux oreilles. Mimiko ne portait pas de boucles d’oreilles et comme elle n’avait jamais eu l’occasion de se regarder dans un miroir lorsqu’elle était transformée (elle s’était juste aperçue dans des flaques d’eaux), elle n’avait jamais réalisé qu’elles gardaient leurs piercings et bijoux.

Ce soir elles retournaient toutes chasser, elle avait envie d’essayer quelques « styles », histoire de customiser son loup. Mais rien qui la gênerait pour chasser, car ça l’énerverait beaucoup. Naru et elle venait tout juste de mettre au point une technique plus ou moins concluante pour attraper des petits animaux. Le labrador trouvait que c’était un jeu amusant, mais contrairement à Arisa, son instinct ne la poussait pas particulièrement vers la chasse. C’était moins pour manger que pour jouer qu’elle suivait la louve. Et la chienne déplorait généralement qu’Arisa, une fois la proie attrapée, la tue. Mais elle savait qu’elles n’avaient pas le droit de laisser en vie un animal mordu. Le docteur Kyogané le leur avait interdit.

Penser à la chasse rappela à Arisa qu’elle se mettrait bien un petit truc sous la dent. Suivant sa mère et sa sœur qui bougeaient jusqu’au stand suivant, elle huma l’air, cherchant ce qui sentait le plus bon. Le fondant au chocolat ? Les gaufres au Nutella ? Les churros ? Les marrons… ? … L’odeur détestable de fauve ?

Hé ?

Arisa se retourna brusquement, cherchant dans la foule d’où venait cette odeur. Elle était certaine, pour en avoir senti d’autres, qu’il s’agissait d’un changeur.

-Arisa, tu viens ? Fit sa mère en se retournant dans sa direction.

-Ouais, ouais, j’arrive.

La jeune fille se tourna vers elle en faisant en sorte de se calmer. Après tout, Kyo leur avait dit qu’elles n’étaient pas les seuls changeurs de la ville. Rien d’étonnant à ce que l’un d’eux se trouve aussi à flâner au marché de Noël. Il ne lui voulait probablement aucun mal.

Malgré cette réflexion, elle sentait ses poils s’hérisser tout le long de son échine. La louve n’aimait pas l’idée d’être aussi prés d’un changeur qui ne faisait pas partie de sa Meute.

/Danger/

*Tout va bien, il va peut être s’éloigner, il ne m’a peut être même pas senti*

En plus, par chance, sa mère et sa sœur avait accéléré le pas pour passer des stands de charcuterie, fromages et autres mets en rapport plus ou moins proche avec les fêtes de fin d’années. Elles tournèrent, passèrent devant un Père Noël longiligne qui avait tenté de se remplumer avec un coussin  et s’engagèrent dans une nouvelle allée de petits chalets. L’odeur du changeur disparut un moment, laissant Arisa respirer et se détendre. Mais elle réapparut bien vite à son goût, accentuant son impression de malaise.

*Grrrr dégage… Laisse moi faire les boutiques tranquille !*

Elle jetait des regards en arrières, mais avec la foule, impossible de deviner de qui il s’agissait. Un changeur sous sa forme humaine ressemblait à n’importe quel humain, suffisait de la regarder : qui pourrait deviner qu’elle cachait en elle une bête féroce ?

Ne supportant plus cette situation et jugeant plus prudent de s’éloigner de sa mère et de sa sœur, elle inventa un prétexte pour se séparer d’elles, indiquant qu’elle les appellerait une fois qu’elle voudrait les retrouver, et disparut dans la foule.

Elle craignait un peu que le changeur sente son odeur sur les membres de sa famille, mais apparemment, il semblait plutôt vouloir suivre sa trace. Elle sentait toujours son odeur lorsqu’elle quitta le marché de Noël alors elle se mêla dans la foule qui naviguait sur les trottoirs.

C’était à présent officiel, pour un motif inconnu, elle était suivie. Que ce soit par curiosité ou pour des actions malhonnêtes ne changeait rien à ses yeux : elle n’aimait pas être poursuivie comme une proie. Elle était tentée de l’attirer dans un coin pour lui dire son fait /lui arracher les oreilles/ mais elle savait que ce serait très imprudent. Elle était seule, ni Mimiko, ni Naru n’étaient présente. Personne ne pourrait lui venir en aide si besoin.

Mais alors, quelle conduite devait t’elle tenir ?

Elle sortit son téléphone portable et composa le numéro du docteur Kyogané. Malheureusement de longues intonations lui répondirent avant de tomber sur le répondeur. Le docteur n’était pas disponible.

*Merde, moi qui espérait lui demander conseil…* 

Elle voulut faire défiler les numéros enregistrés sur son répertoire pour appeler l’une de ses amies lorsqu’elle tomba sur « Kyo ».

Elle hésitait.

L’appeler serait lui prouver qu’il avait raison au sujet de ce qu’il leur avait dit. Et ce serait aussi une façon de se mettre sous son autorité et ça l’agaçait au plus haut point. Mais elle ne savait pas quoi faire d’autre.

Elle appuya sur la touche appel et écouta à nouveau les intonations d’attentes tout en continuant à suivre la foule. Heureusement cette fois-ci, quelqu’un décrocha :

-Allo ?

-Oui Bonjour Kyo, c’est Arisa, fit t’elle d’une voix rapide et étranglé. Tu sais la blonde un peu chiante de Bouconne…

-J’avais reconnu ta voix. Qu’y a-t-il ?

Il avait dû sentir sa tension dans sa voix car ces derniers mots sonnaient inquiets.

-Désolé de te déranger dans ce que tu faisais, mais j’aurais besoin d’un conseil là tout de suite. J’étais tranquillement en train de faire mes courses de Noel quand un suiveur a décidé de jouer au chat et à la souris et comme je me suis dit que c’était pas une bonne idée de lui sauter dessus pour le tabasser…

-Excellente décision…

-Je cherche un moyen de le semer et ce, sans succès, continua Arisa qui ne s’était presque pas arrêté au commentaire ironique du roux.

-Tu es sur que c’est un changeur ?

-Oui je suis sure, je l’ai senti. J’ai un excellent odorat, je suis un loup !

Elle n’éprouvait aucune gène à lui révéler quelle bête elle était, surtout qu’elle savait malgré lui qu’il était un félin.

-Je l’ignorais, répondit simplement le roux. Le seul moyen de le semer est de lui faire perdre ton odeur. Où es tu ?

-Dans le centre de Toulouse.

-Tu as une station de métro pas très loin de ta position ?

-Oui, Jean Jaures.

-Très bien, tu vas aller prendre le métro. Il va falloir agir avec rapidité, le but étant d’entrer dans une rame différente que ton poursuiveur. Tu feras passer quelques stations, puis tu en descendras au dernier moment, et quand je dis le dernier moment, c’est le dernier moment. Il ne faut pas qu’il prévoit ta sortie.

-OK, fit Arisa en arrivant aux escalators qui descendait jusqu’au métro.

-Une fois sorti, prend le métro en sens inverse en te rendant à une autre station plus éloigné, puis ensuite arrange toi pour descendre à Roseraie.

-Pourquoi ?

-Je t’y attendrais là bas.

Arrivant sous terre, elle perdit à ce moment le réseau et la communication s’arrêta nette.

-Bon OK, c’est parti, se murmura t’elle en rangeant son téléphone.

Elle sentait toujours l’odeur piquante du musc, celle du changeur, lorsqu’elle poinçonna son ticket, mais la foule présente la lui cachait un peu : elle devinait que ce devait être pareil pour sa propre odeur. Elle descendit un nouvel escalator en piétinant sur place car elle était bloquée sur sa marche par la foule, jusqu’à être libéré à temps : des wagons étaient en train d’arriver à quai. Elle se précipita vers le fond, songeant que le changeur, derrière elle, n’aurait pas le temps d’atteindre sa voiture et rentrerait par la première ouverture. Elle se retrouva pressée contre la paroi de la porte quand celle-ci se referma, écrasée par une foule d’acheteur. Elle ne sentait plus le changeur mais certaines odeurs lui faisaient regretter la précédente.  

Se sentant moins en danger, mais toujours un peu tendue, elle se força à se calmer. Jetant un coup d’œil à son téléphone, elle se sentie reconnaissante envers ce type qui n’avait pas hésité une seconde à l’aider… Après tout elle s’était conduite un peu rudement envers lui et il n’avait aucune responsabilité envers elle.

Et c’était un peu agaçant, mais elle se sentait rassurée à l’idée qu’il l’attendait. Peut être parce qu’il ne s’était pas imposé et qu’il ne leur voulait aucun mal, la louve en elle semblait ne plus avoir de différent avec lui et l’humaine du coup ne ressentait plus de sentiments parasites qui l’empêchait de le considérer comme un humain avant un animal.

S’étant éloigné de deux stations, elle prit sa décision de descendre au prochain car elle craint en voyant des personnes entrer dans le wagon que le changeur qui la suivait en profite pour se rapprocher du sien, voire même d’y entrer.

Profitant du monde qui descendait, elle attendit que la sonnerie de fermeture des portes retentisse pour en sortir comme une furie et de courir jusqu’à l’escalator. Elle ne chercha pas à tourner la tête pour voir si elle était suivie, ni à sentir, elle couru juste pour prendre le métro dans l’autre sens et se sentit rassurée une fois dans un wagon, en sécurité. Elle était presque sur de n’être plus suivie et commença enfin à se détendre.

Qui qu’il était, elle espérait ne plus jamais le rencontrer.

Elle se laissa porter jusqu’à la station roseraie et eut le plaisir d’apercevoir le roux sur le quai. Sortant, elle s’approcha de lui, humant inconsciemment son odeur qui ne lui paressait plus si agressive.

-A première vue, on dirait que tu l’as semé, affirma t’il.

-Oui, je crois.

Il posa soudainement sur le front de la blonde une cannette d’Ice Tea, la légère fraicheur du contact la surprit un instant.

-Tiens.

Il la lui fourra dans les mains sans explication et tourna les talons. Arisa était perplexe, mais il tourna la tête vers elle :

-Tu n’as pas envie de prendre l’air ?

-Si !

Elle le suivit alors en décapsulant la canette : la course poursuite lui avait donné soif… Peut être qu’il y avait pensé exprès ?  

Il semblait secret, un peu bougon, mais il semblait au final qu’il ait plutôt bon fond et qu’il savait prendre soin des autres.

Définitivement, elle ne le voyait plus comme un ennemi ou un adversaire.  

Si ça continuait comme ça, ils pourraient même devenir amis !

25 décembre 2010

Partie 4

***

Le changeur les entraina dans son sillage sans leur demander leur avis. Ils prirent le métro jusqu’à Esquirol, sortirent, obliquèrent dans une place où se trouvait une fontaine et prirent une petite rue jusqu’à se retrouver face à une façade d’un vieux restaurant chinois désaffecté dont l’insigne s’ornait d’une tête de tigre rugissante.

-Euuuh… ce truc a dût être ouvert dans une autre vie, mais je doute que ce soit le cas en ce moment, fit remarquer Asuka en passant un doigt sur la couche de poussière amassé sur la vitre.

Le garçon ne l’écouta pas et ouvrit la porte. Celle-ci ne résista pas, ne grinça pas et aucune alarme ne se déclencha si ce n’est le bruit d’un carillon de clochettes familier aux lieux de ce genre.

-Venez ! Fit t’il en leur faisant signe de la main d’entrer.

L’entrée était un couloir tapissé de tentures rouge brodés de tigres dorés, pas du tout à l’abandon comme semblait le suggérer la devanture. Derrière un comptoir se tenait un vieux chinois qui les fixa sans rien dire. Il laissa passer Arisa, Mimiko et Naru mais fit obstacle à Asuka. Kyo repoussa le bras du vieillard et le fusille du regard :

-Changeur en devenir.

Cela sembla calmer le vieux chinois qui se rassit et se remit à fumer de sa pipe.

-Qu’est ce que… ? Commença Asuka, poussée par le changeur.

-Kyogané san ne vous a jamais parlé de cet endroit ? C’est un bar réservé aux changeurs.

-Hein ? Réservé aux changeurs ? Parce qu’il y en a d’autres ?

-Vous vous croyiez les seules dans une ville comme celle là ? Non, on doit bien être une dizaine : un ou deux couples et plusieurs mâles solitaires. Et puis il faut bien un point de chute aux nomades quand ils passent dans le coin. On pourra parler sans crainte ici.

Cette nouvelle laissa les filles muettes. Effectivement, elles avaient toujours pensé qu’à part le docteur Kyogané, il n’y avait aucun autre changeur qui habitait dans les environs.

Arrivant au bout du couloir, ils soulevèrent un rideau et entrèrent dans une très grande salle en pierre, percée au centre d’une ouverture permettant aux eaux de pluie de remplir un petit bassin d’eau couvert de plantes aquatiques. Des plantes, il y en avait partout, dans des zones de jardins improvisés, s’enroulant autour des imposants piliers qui soutenaient le plafond, autour des tables, les séparant ainsi d’un petit rideau végétal. Prés de l’entrée se trouvait un bar occupé par un homme qui nettoyait tranquillement des verres et qui fit un signe de salut à Kyo. De l’autre côté de la salle semblait se tenir comme une estrade. Les filles n’eurent pas le temps d’en voir plus car Kyo les mena à une table où ils s’assirent.

Il y eu un petit silence nerveux et gêné, avant que Asuka, qui était la moins perturbée, prit la parole.

-Bon. De quoi vous vouliez nous parler ?

-D’abord qu’est ce que Kyogané san vous a dit à mon sujet ?

-Pas grand-chose, juste que ce serait mieux pour nous de vous avoir dans nos amis. Au cas où. Enfin je sais pas ce qu’il vous a raconté lui, sur nous, mais on s’est fait un peu attaqué…

-Il m’a raconté. Des nomades. C’était plutôt prévisible.

-C’était pas de chance, répliqua Arisa.

-Non. Prévisible. Et le plus effrayant d’après lui c’est que ça ne vous a pas vacciné du fait de vivre sans la protection d’une meute.

-On a pas besoin de meute, on est une meute ! Expliqua Mimiko.

-Non. Une meute a un territoire défini et un alpha. Vous vous êtes d’étranges électrons libres. Je trouve bizarre que Kyogané san vous passe ce genre de caprice. C’eut été quelqu’un d’autre, il aurait prévenu la meute la plus proche et ils vous auraient embarqué sans se poser de questions.

-J’aimerais bien voir ça, répliqua Arisa en grognant. Quoique vous en pensez, on est capable de se défendre toute seule !

-C’est stupide, n’êtes vous pas venu me voir pour que JE vous protège, le cas échéant ? Ce genre de raisonnement fait de moi votre chef de meute, vous savez ?

Mimiko s’ajouta au concert de grognement et la louve et la panthère manquèrent de s’étrangler quand Naru prit la parole :

-Pourquoi ne pas l’être dans ce cas là ?

-NARU !!!!

-Quoi ? On serait beaucoup plus tranquille comme ça !

-Pas question ! Refusa le roux un peu vivement. Je viens de partir d’une meute, je ne vais pas à nouveau m’y enfermer !

-Vous avez la même réponse que le docteur Kyogané, répondit Naru d’un ton déçu.

-Tant mieux ! Lâcha Arisa.

-Ca dépend pour qui… Un peu de discipline ne vous ferait pas de mal.

-QUOI ?!?!

-Et si on se présentait proprement avant de s’engueuler ? Proposa Asuka en s’interposant entre Kyo et Arisa. Ca n’a pas été fait il me semble.

-Bien. Je m’appelle Kyo Soma. Je viens du Clan Soma, la plus puissante meute existante au Japon. Et contrairement à vous, je suis né changeur.

-On peut naitre changeur ? S’étonna Naru.

-De deux parents changeurs, ça semble évident, répondit Asuka. Puisque ça se transmet par hum, bref… Moi je m’appelle Asuka.

-Je suis Naru, ajouta la brunette prés d’elle.

-Arisa.

-…Mimiko… De la meute de Bouconne, ajouta la brune après coup.

-La meute de Bouconne ? Répéta Kyo.

-Hé ça le fait ! Approuva Arisa. Un peu provincial peut être, mais c’est pas mal !

-C’est quoi Bouconne ?

-Notre territoire, eh oui, ça te bouche un coin, on a notre propre forêt. Enfin on se l’est autoattitré.

-… Stupide…

-Et quoiqu’en dise les gens, on est la meute de Bouconne. Point final à la ligne, insista Mimiko.

-J’ai l’impression que quoi qu’on dise, ça ne changera rien, non ?

-Exact, on est une bande de tête brûlée et fière de l’être ! Fit Asuka. Tout ce que vous pouvez faire, c’est accepter de nous aider de temps en temps ou bien continuer votre vie comme si on ne vous avez jamais rencontré… Mais j’avoue que depuis l’histoire des nomades, je ne suis pas du tout contre un peu d’aide. On sera pas toujours là pour nous protéger les une les autres, surtout Mimiko qui va au lycée à Toulouse et qui s’y retrouve seule.

La brune en question fit un geste nonchalant de la main, semblant considérer ce détail comme insignifiant.

Le garçon ne répondit pas immédiatement, il se remit à les fixer les une après les autres avant de fermer les yeux et de pousser un soupir silencieux. Après quoi, il sortit de son sac un stylo et se mit à gribouiller un numéro sur une serviette en papier, coincée sous une salière dans un coin de table.

-C’est mon numéro de portable. Si vous avez un problème, appelez, lâcha t’il un peu sèchement avant de quitter la table et de partir sans leur laisser l’occasion de dire quoique ce soit d’autre.

-Bizarre ce type, conclut Arisa en soulevant la serviette.

-De mon point de vue encore humain, ce sont tous les changeurs qui sont bizarres, répliqua Asuka en ricanant.

18 décembre 2010

Partie 3

***

Cette première virée dans leur nouveau territoire se révéla assez satisfaisante pour que l’on prévoie d’autres sorties de ce genre tous les samedis. Evidemment, il y avait la route à traverser, mais avec un peu de pratique, cela finirait par ne plus être un obstacle.

L’avenir se présentait donc sous un bon jour et un nouvel évènement se présenta dans ces heureux auspices.

Trois jours après leur première virée, Kyogane les appela pour leur confier qu’un nouveau changeur, un ancien ami à lui, venait d’arriver dans leur ville. Il lui avait parlé d’elles et les enjoignaient à prendre contact avec lui. Le docteur ne pouvait pas toujours les protéger et il n’était pas mauvais pour elles de se mettre sous la sécurité d’un autre mâle.

Arisa râla, pesta et maugréa qu’elles n’en avaient pas besoin, mais finalement, Naru, Mimiko, Asuka et elle, se rendirent à l’endroit où l’on pouvait le trouver.

-Je me demande quel animal il peut bien être, après tout, il est peut être moins fort que nous, expliqua Arisa alors qu’elles arrivaient en vue d’un bâtiment de deux étages, mi brique, mi béton, à la toulousaine, où trônaient une plaque indiquant « FFK- Fédération française de Karaté, FFAB-Fédération française d’Aikido et Budo ».

-Tu te souviens ce que Kyogané nous a dit : C’est impoli de demander a quelqu’un quel animal il est ! Lui rappela Naru.

Ce qui fait que le « mystère Kyogané » comme l’appelait Mimiko et Asuka était toujours irrésolu. Démangée par la curiosité, ces deux là n’avaient pas pût s’empêcher de demander au docteur en quoi il se transformait. Depuis, elles se fondaient en conjecture à son sujet.

Concluant que son refus d’avouer son autre forme venait du fait qu’elle devait être peu flatteuse, Asuka avait arrêté son choix sur un marsouin et Mimiko un gorille.

-Je sais, je sais…

Naru passa devant, ouvrant la porte et pénétrant à l’intérieur d’un petit hall qui s’allongeait en deux couloirs partant pour l’un vers la droite, pour l’autre vers la gauche. Alors que les autres s’y amassaient, elle se pencha sur le comptoir de l’accueil pour demander à une femme qui faisait un sudoku où se trouvait le dojo de karaté. Elle lui désigna la droite du bout du doigt, sans lever les yeux.

Les jeunes filles prirent donc le couloir de droite, observant distraitement les affiches, photos ou coupures de presses affichées et passèrent devant deux portes qui devaient être les vestiaires (les odorats de Arisa et de Naru étaient formels : vieille chaussette.). Au bout se trouvait une double porte, dont l’un des côtés était ouvert. Des voix s’en échappaient, ainsi qu’une odeur de plastique et de sueur. Ca c’est ce que Naru et Mimiko identifièrent, car Arisa, plus expérimenté, capta une odeur en plus qui la fit s’arrêter.

-Je LE sens, affirma t’elle.

-Hein ? Comment ? S’étonna Naru en levant le nez, à la recherche de la fragrance.

-C’est comme pour Mimiko, ça pue le chat mouillé.

« Le chat mouillé » en question s’empressa de manifester son mécontentement en frappant sur la tête de la blonde.

-Alors c’est une panthère ? S’étonna Asuka.

-Mmh… Je sais pas… Non… C’est différent mais ça se ressemble, expliqua Arisa en se massant le crâne et en foudroyant la brune du regard.

-Et… Euh… Moi je sens quelque chose ? Demanda timidement Asuka.

-… Non, tu sens comme d’hab. Mais j’avais rien senti sur Mimiko ou Naru avant trois semaines.

-Ah… Fit la jeune fille un peu déçue.

Arisa ne pouvait s’empêcher d’être sur ses gardes à présent et elle s’aperçut que Mimiko et Naru l’avait automatiquement imitée. Le changeur derrière la porte était un inconnu/ne fait pas partie de la meute/, /un mâle/, /dangereux/ et alors que le docteur Kyogane lui avait toujours donné un sentiment de tranquillité, elle ne ressentait pas la même chose vis-à-vis de son ami. Son instinct, son odorat… Tout lui désignait que l’autre changeur était un ennemi /un carnivore/… /un dominateur/.  

Elle poussa la porte légèrement entrebâillée et pénétra dans le dojo. Il n’y avait pas beaucoup de monde. La plupart des personnes présentes se trouvaient en dehors du tatami qui recouvrait le centre de la salle. Et au milieu… Se trouvait uniquement deux personnes.

Son regard fut aussitôt happé par des yeux d’un brun clair, presque caramel et la louve en elle se mit sur ses gardes et à montrer les crocs.

/C’était lui./

Il savait aussi qui elle était.

Cela ne dura qu’une minute tout au plus car le jeune homme à qui appartenait ces yeux se concentra à nouveau sur le combat qu’il était en train de mener, ignorant les nouvelles arrivantes. Il para une attaque de ses avant bras et contrattaqua d’un coup de pied.

Arisa et sa louve intérieur se détendirent, l’une plus intriguée que l’autre. Elle entendit à peine ses amies derrière elle le désigner comme le garçon qu’elles étaient venus voir.

Il était roux, pas comme une coloration, vraiment comme une couleur naturelle, ce qui était étrange lorsqu’on se rendait compte de ses yeux légèrement bridés, preuve d’une origine asiatique. Son corps, que l’on ne pouvait qu’imaginer sous son kimono noir, semblait être celui qu’on ne pouvait attendre que d’une pratique assidue des arts martiaux. Fins avec des muscles élégants, souple, mais capable de mouvements secs comme c’était le cas en ce moment. Ses mouvements au combat, qui semblaient presque naturel et sans efforts, étaient harmonieux, fascinant à regarder et… Presque félins.

Son visage était calme, concentré, mettant en valeurs des traits fins et obstinés. Ses pupilles perçantes suivaient son adversaire sans faillir.

Il encaissait les coups, les rendaient, sans aucun temps mort. Le combat était intense et le silence présent dans le dojo le rendait plus encore. Chaque coup porté, le froissement de leurs kimonos, leurs pieds frappant le sol et leur respiration saccadés rythmaient le combat tels des tambours.

Et puis brusquement, sans aucun signal, le combat cessa.  

Arisa daigna alors s’intéresser à l’adversaire et découvrit un homme beaucoup plus âgé. Il sourit et s’inclina :

-Vraiment impressionnant Kyo. Je suis content d’avoir pût tester ça moi-même.

Le dit Kyo s’inclina à son tour :

-Tout le plaisir était pour moi Maître Robert.

-Ouah, m’étonne plus que le docteur a confiance en lui, fit Asuka derrière Arisa.

-Oui… Répondit simplement la blonde.

Etonnement elle ne comprenait pas pourquoi elle ne pouvait pas réagir normalement à Asuka. Etre enthousiaste ou blasée ? Elle comprenait que quelque chose dans son instinct de changeuse contrecarrait ses habituelles réactions humaines. Intriguée, oui, c’était sûrement ça.

Un petit /charmée ?/ essaya de se faire entendre mais elle le repoussa d’un mouvement de la tête moqueur.

Entretemps, le jeune homme avait quitté le tatami, enfilé ses zoris et attrapé une bouteille d’eau pour se désaltérer. Les filles se regardèrent, se sachant pas trop comment l’aborder. Mais c’est lui qui vint à elles. Après avoir reposé sa bouteille, il tourna la tête et d’un regard perçant et sombre les jaugea les une après les autres.

La louve en elle semblait revoir ses dernières opinions, se retenant à peine de ne pas grogner comme Mimiko qu’on sentait offusqué par un tel examen.

Attrapant son sac il s’approcha d’elles :

-Vous devez être les filles dont m’a parlé Kyogané san.

-Et vous devez être le garçon dont nous a parlé le doc., répondit fort à propos Asuka qui semblait être la seule à ne pas être embarqué dans un conflit de dominance.

-Hm, oui. Je vais me changer et puis on ira discuter tranquillement ailleurs.

Elles s’écartèrent pour le laisser passer et rejoindre les vestiaires.

-Très mauvaise première impression, marmonna Mimiko une fois que la porte se referma. Je ne vote pas pour lui !


13 décembre 2010

Partie 2

 

Naru avait souvent raison. Pourtant parfois elle aurait préféré que ce ne soit pas le cas : comme en ce moment par exemple.

Elle avait espéré une vie tranquille, avec une maison confortable /un tapis devant une cheminée/, un boulot pas trop chiant / une balle et un bâton à rapporter/ et peut être même un mari et des enfants si possible, mais voila qu’elle était obligée de suivre une louve et une panthère, sous la flotte, de nuit, à travers les champs qui bordait la route qu’elles suivaient.

Bon, autant être honnête, la pluie elle ne la sentait pas, contrairement à Arisa qui s’arrêtait parfois pour s’ébrouer en râlant. Et le contact de ses coussinets s’enfonçant dans la boue n’était pas particulièrement désagréable. Mais ce n’était pas non plus ce qu’elle aurait préféré faire en ce moment.

Elles arrivèrent finalement face à une autre foute et durent prendre la décision de traverser de l’autre côté. Décision qui n’emballait personne. Les trois fauves se retrouvèrent à piétiner d’inquiétude.

-On peut aussi faire demi tour, proposa Naru d’un jappement et d’un coup de tête vers l’arrière.

Invitation refusée par Mimiko qui lui adressa un grognement et, les oreilles couchées par l’angoisse, profita qu’il n’y avait plus de voiture pour traverser avec de grands pas, le corps presque collé à la route.

Elle arriva de l’autre côté saine et sauve et invita ses amies d’un miaulement rassurant. 

Arisa s’approcha alors du béton à son tour. Elle recula brutalement lorsqu’une voiture passa à toute vitesse, aveuglant les animaux de ses phares.

-Je n’ai pas envie de me retrouver à la rubrique « chien écrasé » ! Couina Naru en se collant à Arisa.

Celle-ci lui donna deux petits coups de langue sur la tête pour la rassurer :

-Mais non, tout va bien se passer.

Après quoi, elle se dégagea de la chienne et entama la traversée à son tour. La route était finalement moins large qu’elle le pensait et elle fut rapidement aux côtés de la panthère.

Toute deux encouragèrent Naru qui s’était collé par terre, les oreilles baissées et qui leur faisaient les yeux de chien battu.

-Allez Naru, tant que tu ne vois pas de phare, tout va bien, l’encouragea Arisa.

-Viens ou on te laisse de l’autre côté ! Grogna Mimiko.

Naru gronda de dépit, puis se résigna. Relevant une oreille, elle s’approcha du macadam et y posa une patte. Elle regarda autour d’elle et ne voyant aucun phare, se lança.

Elle était presque arrivée quand une tache de blanc apparut sur le goudron et s’avança très vite vers elle. Des phares ! Des phares ! Qu’est ce qu’avait dit Risa ? Tout allait bien tant qu’il y avait pas de phares ! Qu’est ce qu’elle faisait maintenant ????

L’esprit logique de Naru complètement emmêlé dans celui illogique du chien, elle était figée, incapable de savoir ce qu’elle devait faire alors que la voiture approchait à toute vitesse d’elle.

Soudain elle sentit une douleur dans sa patte arrière et découvrit que Arisa s’était faufilée derrière elle et l’avait mordue.

La douleur la fit partir droit devant elle, suivie de son amie et toute deux se jetèrent de l’autre côté alors que la voiture passait dans un courant d’air.

-Putain de bordel de merde de voitures a la con qui roulent trop vite ! Aboya Arisa derrière elle.

Naru, quant à elle, avait du mal à reprendre ses esprits.

C’est Mimiko qui les pressa de reprendre la route, pas particulièrement perturbée tandis que Naru se fondait en remerciement auprès de la louve.

Petit à petit, elles aperçurent la frondaison des arbres, ainsi que les odeurs délectables de la forêt, ce qui les fit forcer inconsciemment le pas. A travers l’essence, la pollution, la fumée des cheminées, des fragrances de sèves de sapin, de pomme de pins, d’aiguilles mouillées et de mousses caressèrent leurs museaux.

Les quelques mètres qui les séparèrent de l’orée de la forêt furent franchit au pas de course. Une fois à l’intérieur, Arisa laissa éclater sa joie en bondissant d’un arbre à un autre, suivie de Naru qui ne pouvait empêcher sa queue de battre follement de ravissement et de Mimiko qui s’étirait longuement et se roula et frotta par terre de façon assez peu digne.

-C’est génial ! Oh tu avais raison de nous amener ici Mimiko ! S’exclama Arisa.

-Je dois avouer que je suis plutôt de son avis, fit Naru, bonne joueuse.

La panthère ne répondit pas et continua à se rouler d’un côté puis de l’autre. Puis se laissant tomber sur son flanc, elle se releva et s’approcha d’un arbre pour y faire consciencieusement ses griffes.

-On va chasser ? On va chasser ? On va chasser ? Demanda Arisa en sautillant autour de Naru. Je vais t’apprendre tout ce que je sais !

-Euh…

-Allez-y, approuva Mimiko, on se retrouve aux premiers rayons de soleil ici même.

Et sur ce, d’un bond, elle disparut dans les branches des arbres tandis que les canidés s’élançaient dans les profondeurs de la forêt.

Labrador_Retriever_by_Bleedinheartz

 

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13 décembre 2010

Partie 1

 

Chapitre 6 : Territoire

 

-… AAAAAHHHH JE CRAAAAAAQQQQQUUEEEEE !!! J’EN PEUX PLUUUSSS !!! JE VEUX SORTIR !!!!!

Arisa exprimait sa frustration sur les pauvres barreaux de la grille qui cernait son lycée, les tordant au point d’en faire un trou où elle aurait pût aisément se faufiler pour filer. Mais pour quel résultat ? Pour aller où ? Depuis les derniers évènements, les bois aux alentours de leur ville étaient surveillés par la police qui recherchait toujours les coupables de la mort de deux des leurs. Il était donc hors de question de s’y balader, et ce, sous n’importe laquelle de ses formes.

Mais le loup en elle n’en pouvait plus, il voulait courir, se dépenser, chasser…

-…Je veux du saaaaaaannnnggggg ! Continua t’elle en se tournant vers ses compagnes, un sourire de psychopathe sur les lèvres.

Ses amies savaient bien qu’elle le faisait exprès. Ces dernières, assises sur le gazon sec et cassant, secouèrent la tête avec exaspération. Naru et Asuka avaient du mal à comprendre pourquoi Arisa se comportait comme une gamine en overdose de caféine depuis plusieurs jours, mais Mimiko, qui squattait une nouvelle fois dans leur lycée, fit une grimace compréhensive.

-On y peut rien, il faut attendre que les choses se tassent, exprima philosophiquement Naru.

-Mais je peuuuux pas attendre ! Et pis t’es mal plaçé pour dire ça, toi tu peux te promener n’importe où sous ta forme animal ! Et puis comme ça fait pas longtemps que tu te transforme, t’en ressens pas vraiment le besoin !

Asuka qui, elle, était encore en « incubation » (dixit Kyogane) ne ressentait pas non plus cette envie mais se remarquait de plus en plus sujette aux sauts d’humeurs. Cela faisait une semaine que c’était arrivé, les hyenes, tout ça et elle évitait d’y penser au risque d’avoir envie de recracher toutes ses entrailles. Dans le même genre, elle préférait occulter son état et son futur état et repousser une crise d’hystérie au dernier moment : sa métamorphose.

Elle était fataliste, elle savait qu’elle n’y échapperait pas, qu’elle se retrouverait bientôt confronter à tous les problèmes actuels de ses amies mais comme ce n’était pas encore à l’ordre du jour… Elle y repenserait à mi décembre.

-On a pas le choix Naru, approuva Mimiko, il faut qu’on trouve un nouveau territoire ! De toute façon on sera bientôt 4, notre ancien « territoire » va devenir trop petit, peu pratique, trop étendu et trop prés des habitations. Il va falloir aller plus loin.

-Plus loin ? Reprit Naru avec un haussement de sourcil.

La brune sortit de son sac une carte qu’elle déroula au milieu du cercle qu’elles formaient.

-Je ne vois qu’un endroit : la forêt de Bouconne.

-Bouconne ??? S’exclamèrent les autres en regardant leur panthère avec des yeux ronds.

-C’est la seule qui soit assez grande et accessible.

-C’est aussi rempli de promeneurs, de joggeurs, de cycliste et qui plus est, c’est traversé par plusieurs routes et même par le train !

-Les routes sont effectivement un problème, mais a vrai dire je pensais plutôt y aller de nuit, quand il n’y a plus personne, répliqua Mimiko.

-Et qu’est ce que tu fais des gardes chasses ? Intervint Asuka.

-On est des animaux, on sait les éviter.

-Mmmh c’est possible, approuva enfin Arisa, qui, a vrai dire, aurait dit oui même pour un misérable carré d’herbe de dix mètres carré pourvu qu’on la laisse se défouler à son grés.   

Mimiko fut contente d’avoir trouvé une alliée à son idée et après argumentation, insistance et chibi eyes à l’appui, Naru finit par craquer.

-Très bien ! Lâcha t’elle avec exaspération, mais reste un problème : comment on y va ? En voiture ? Qui sais conduire ?

-On va y aller à pied… Ou plutôt à pattes.

-Pour une nuit ?

-C’est mieux que rien. On verra à l’usage. Je propose qu’on essaie dés ce week-end. On attend que tout le monde soit couché et on sort par la fenêtre et on se retrouve devant le terrain de foot du côté de chez Arisa. D’accord Naru, Risa ?

-OK !

-Essayons…

-Et moi ? Demanda Asuka.

-Tant que tu n’ais pas transformé, tu ne peux pas nous suivre et quelque part je t’envie, j’ai l’impression que ça va pas être une partie de plaisir, grommela Naru.

 

***

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Credit

7 octobre 2010

Le Labrador retriever

875557260Naru est un Labrador retriever couleur chocolat (marron comme celui de gauche sur la photo).

Famille: Canidé

Vit: "En meute" (Le labrador est un chien qui ne supporte pas la solitude.)

Régime alimentaire: carnivore à tendance omnivore.

Points forts: très intelligent, bon nageur, bon sens d'orientation, bon odorat ( 35 fois plus développé chez le chien que chez l'homme), bonne ouïe, voit mieux la nuit que le jour. 

Le labrador partage son statut de chien de chasse avec celui de chien de compagnie et d'assistance. Il est remarquablement intelligent et docile. Capable de comprendre jusqu'à une centaine de mots différents, il est également très joueur, tendre et proche de ses maîtres. Il peut vivre en intérieur bien que ce ne soit pas sa vocation, son calme et sa grande sociabilité faisant de lui l'ami des enfants ; en revanche, il ne supporte pas la solitude (le chiot, laissé seul à la maison, peut saccager les intérieurs).

Il recherche souvent l'eau pour s'y baigner et d'une manière générale, il a besoin de beaucoup se dépenser régulièrement pour ne pas s'empâter, car c'est un chien vorace qui a tendance à prendre assez rapidement de l'embonpoint. Son poil très imperméable nécessite peu d'entretien, mais son sous-poil tombe en quantité très importante en automne et au printemps.

Selon une légende, le labrador serait issu du croisement d'un terre-neuve et d'une loutre. La légende s'appuie sur leurs points communs : leur attirance pour le milieu aquatique, leurs pattes palmées, leur poil graisseux et imperméable ainsi que le profilage de leur queue et son utilisation comme gouvernail.

(Merci Wikipedia ^^)

 

 

7 octobre 2010

Partie 4

 

***

Une voiture déboula soudain dans la ruelle piétonnière : c’était une petite Twingo grise aux vitres fumées. Les deux fauves se détachèrent de leur dernière victime pour se tourner vers cette nouvelle menace. Naru, qui avait reprise sa forme humaine et avait noué des lambeaux de ses anciens vêtements autour d’elle, referma un peu plus son étreinte autour du corps d’Asuka qui, malgré la pression des mains de la jeune fille sur sa plaie, continuait de perdre son sang. Alors que chacun réfléchissait à ce qu’ils devaient faire, Arisa perdit son attitude agressive et se détendit, ses oreilles se pointant au dessus de sa tête avec curiosité : elle avait sentie son odeur avant même qu’il n’ouvre sa portière.

Le Dr Kyogane sortit de sa voiture, regardant avec un air catastrophé le massacre devant lui. Mais en tout bon médecin qu’il était, il se focalisa presque aussitôt sur Asuka et après quelques enjambés, fut à son chevet pour l’examiner.

-Est-ce que c’est grave ? Elle va mourir ? Demanda avec inquiétude Naru quand il l’obligea à écarter ses doigts de la blessure.

-Elle a perdu beaucoup de sang… Mais ça devrait aller si on l’emmène à l’hôpital. Que s’est-il passé ici ?

-Asuka et moi on se promenait tranquillement lorsque trois hommes nous ont agressés… En fait c’était des changeurs !

-J’ai vu ça, commenta Kyogane en jetant un bref regard sur les corps des deux hyènes, ces vagabonds avaient sûrement flairé votre odeur Naru… Je ne vois pas de marque de morsure sur votre amie… A-t-elle été contaminée ?

-Ce type… celui qui semblait être le chef… Il l’a embrassé…

Derrière eux Arisa et Mimiko se mirent à montrer les crocs à cette nouvelle. Kyogane fronça les sourcils et se massa l’arrête du nez avant de reprendre :

-Bien. On ne peut pas l’amener à l’hôpital dans ce cas.

-Quoi ?!

-C’est trop risqué. Arisa, Mimiko, j’ai besoin que vous repreniez votre apparence humaine. Il y a des vêtements dans ma voiture. C’est peut être pas votre taille, mais tant pis. Ensuite, je voudrais que vous hissiez les cadavres de ces deux hyènes dans le coffre. Naru, vous allez m’aider à installer Asuka dans la voiture, ordonna le docteur tout en arrachant des bandes de sa chemise pour pouvoir bander grossièrement la plaie.

Malgré leurs réticences, Mimiko et Arisa obéirent et cachèrent les cadavres pendant qu’Asuka était placée sur la banquette arrière de la voiture, Naru gardant de son mieux la plaie de la blessée fermée bien que le bandage commençait déjà à se teindre d’écarlate. Le coffre fermé, Mimiko monta aux côtés de Naru, maintenant la tête d’Asuka sur ses cuisses, constatant alors qu’elle avait le front brûlant. Arisa grimpa devant et eut à peine le temps de fermer la porte que Kyogané faisait reculer la voiture à toute vitesse. Arrivé dans une rue, il se fraya un passage à coups de klaxon.

-Bon sang, il y avait une tonne de gens dans le coin et ils ont rien entendu ?! S’exclama Arisa.

-Vous étiez dans une longue ruelle et les travaux de l’immeuble empêchaient d’entendre quoique ce soit, répondit Kyogané. Ces hyènes n’ont pas choisit l’endroit par hasard… Arisa, vous saignez à l’épaule.

-C’est là où l’autre connard m’a mordu… Mais c’est rien par rapport à Asuka. Dites moi plutôt : vous avez une voiture aux vitres fumée, des vêtements de rechange pas à votre taille… On dirait que vous êtes plutôt habitué à ce genre de galère ?

-Habitué n’est pas exactement le mot, je vous l’ais dit, j’ai fait parti d’une meute et ce genre de débordement en plein jour et en pleine ville n’ait pas autorisé. Les différents se règlent dans nos territoires, à l’abri des regards humains. S’il y avait une unique règle que vous devriez retenir c’est qu’il est formellement interdit de révéler notre existence aux Hommes… Et vous avez bien faillit nous faire tous plonger !

-Mais c’est eux…

-Ca ne serait pas arrivé si vous aviez accepté de rejoindre une Meute ! La coupa le docteur en serrant les dents.

-On a réussi à se défendre toutes seules, marmonna Arisa d’un air buté.

-Certes et croyez moi, j’en suis très impressionné, mais à quel prix ? La contamination d’une autre de vos amies ?! Et sans mon intervention, vous auriez été bien embêtée. Il faut que vous réfléchissiez plus sérieusement à ce qui est en jeu.

La voiture tourna alors, rentra dans une résidence et Kyogane alla se garer dans le parking souterrain.

-Vous allez m’aider à transporter votre amie jusqu’à mon appartement, nous nous occuperons des cadavres plus tard.

Les jeunes filles acquiescèrent et avec l’aide du docteur, soulevèrent la blessée de la banquette et la portèrent jusqu’à l’ascenseur. Kyogané s’assura qu’il n’y avait personne à l’intérieur et le groupe grimpa jusqu’au dernier étage. Après avoir vérifié que la voie était libre, ils purent enfin entrer dans l’appartement. L’homme les dirigea immédiatement dans un grand salon plutôt vide, occupé d’un canapé contre un mur, d’une télé à l’opposé et d’une table dans un coin. Il ferma aussitôt les rideaux opaque de la baie vitrée, les plongeant dans la pénombre, alluma la lumière et sortit d’un des placards un objet métallique qui une fois déplié, formait comme une espèce de lit d’hôpital.

-Déposez la dessus et allez vous laver les mains, je vais avoir besoin de votre aide !

-Quoi ? Vous voulez qu’on vous aide à… S’étonna Arisa sans pouvoir terminer sa phrase, regardant d’un air évocateur le sang qui lui couvrait les mains.

-Mais nous n’avons aucune connaissance en médecine ! Ajouta Naru quand Asuka fut installée sur le lit.

-Peut être mais je n’y arriverais pas tout seul, répliqua le docteur en revenant avec une grosse mallette qu’il ouvrit, dévoilant bandes, flacons, seringues et aiguilles. La première chose dont j’ai besoin, c’est que vous nettoyiez la plaie avec ça, elle doit être parfaitement propre pour que je puisse la recoudre.

Mimiko grinça des dents à cette affirmation mais prit tout de même le flacon qu’il leur tendait. Elles allèrent vite se laver les mains, puis enfilèrent des gants pendant que le docteur découpait le T-shirt de leur amie à l’aide de ciseau, permettant de libérer l’accès à la blessure.

A côté de celle-ci on pouvait voir plusieurs hématomes qui commençaient à rougir sur sa peau.

-Pauvre enfant, murmura Kyogané, ils ne l’ont pas raté…

Il prépara son matériel tandis que les jeunes filles pansaient le sang et désinfectaient les contours de la plaie en serrant les dents. Cela dût faire du mal à Asuka car dans sa fièvre elle se mit à gémir et à chercher à se débattre.

- Retenez-la !

Arisa immobilisa aussitôt les bras de son amie tout en lui murmurant des mots d’apaisements quelle était loin de penser mais qu’elle espérait de toute son âme.

-Il faudra la retenir lorsque je vais me mettre à la recoudre, je ne veux pas prendre le risque de l’anesthésier avec la fièvre qu’elle a. Je vais avoir besoin de quelqu’un pour me tenir la plaie en place.

-Je… Je vais le faire… Murmura Naru en s’installant de l’autre côté pendant que Mimiko s’installait face à Arisa pour immobiliser les jambes.

L’heure qui suivit fut particulièrement pénible. Asuka se débattit comme elle pouvait malgré Arisa et Mimiko qui pesaient de tous leurs poids sur elle, et laissa entendre des gémissements de douleurs, son front noyés de sueur. Puis Kyogané se résolu à lui injecter un antipyrétique et tout se calma, Asuka plongea dans un profond sommeil sans rêves, ni cauchemars, où elle pouvait oublier tout ce qui venait de se passer.

Les heures s’égrenèrent lentement et lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle découvrit un plafond baigné par la lumière du soleil couchant, la pièce résonnant d’un silence paisible que seul le chant des oiseaux venait déranger.

Au début elle ne chercha pas à savoir où elle était, se contentant de respirer cette tranquillité sans penser. Puis elle laissa tomber sa joue contre le matelas qui avait le touché d’une serviette de bain et regarda Kyogané qui se tenait assit sur une chaise, prés du lit.

Comme s’il avait sentit qu’elle s’était réveillée, il fit de même et lui adressa un fin sourire.

- Comment te sens-tu ?

- Comme quelqu’un qui s’est fait écrasé par un camion, répondit-elle avec ironie.

Il se leva et posa la main sur son front :

-La fièvre est tombée, c’est bien, déclara t’il d’un ton approbateur. Tu es sortie d’affaire.

-C’est vrai ?

-Tu es juste quitte d’une belle cicatrice sur le ventre.

-Oh beuh…

Doucement les évènements se remettaient à leurs places dans la tête de la jeune fille. Lorsque le film se fut rembobiné dans son intégralité et qu’elle prit conscience de tout ce que ça signifiait, elle ferma un instant les yeux, accablée.

-Les hyènes…

-Tout ça c’est terminé, tu n’as pas à t’en faire.    

-Ca, c’est peut être terminé mais… Le cauchemar est juste en train de commencer, n’est ce pas ? Lança Asuka d’une petite voix fragile.

-Ca dépend, regarde les, répondit Kyogane en faisant un geste de la tête dans sa direction avant de reprendre : il semble qu’il n’y ait pas que des inconvénients.

La jeune fille tourna le visage et découvrit ses trois amies qui s’étaient endormie sur le divan, complètement abattue par l’opération, la tête tombée sur les épaules ou la tête de leur voisine, sereines et paisibles, un léger sourire aux lèvres.   

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12 février 2010

Partie 3

***

-Ca y est ? T’es remise de tes émotions ? Demanda Asuka en la regardant fixement.

Deux semaines avait passé depuis qu’elles étaient allées rendre visite au Dr Kyogane et entre les cours de chacune, les punitions des autres (Leurs parents les avaient évidemment punie pour ce qui s’était passé dans la forêt), elles n’avaient pas vraiment eu le temps de discuter entre elles. Ce qui arrangeait bien Naru, car moins on lui rappelait cette visite, mieux elle se portait. Elle se contentait dans le déni total et basait tous ses espoirs sur une hypothèse à laquelle elle avait réfléchie pendant plusieurs nuits d’insomnie :

-Arisa a été contaminée il y a presque quatre ans et elle a réussi à vivre normalement sans se transformer, expliqua Naru.

-Hm… Normalement, je sais pas, tempera Asuka. Et puis elle a fini par craquer… D’ailleurs t’as l’air plutôt tendue…

Naru ne répondit pas, quittant son sourire crispé. Tendu était un euphémisme : elle avait l’impression qu’elle allait exploser d’une seconde à une autre, telle une bombe à retardement. Elle était énervée et son cerveau semblait sauter d’une pulsion à une autre de façon incontrôlée. Des pulsions totalement à l’opposée avec son comportement habituel.

D’habitude, se promener dans le centre de Toulouse lui plaisait et elle était habituée au monde, mais aujourd’hui, elle ne supportait pas de se cogner sans cesse aux gens, de les sentir envahir son espace personnel. Alors à certains moments elle avait envie de hurler sur les passants, à d’autres, elle avait envie de s’enfuir et de courir loin loin loin, et puis… Et cette pensée l’effrayait plus que toutes les autres : elle avait envie de se jeter sur eux pour les mordre…

Et plus elle essayait de se contenir, plus ces pulsions devenaient erratiques et la mettait à cran.

-C’est ta cinquième semaine n’est ce pas… ? Lança brutalement Asuka.

-… Quand nous rejoigne Arisa et Mimiko ? Demanda la brune pour changer de sujet.

-Une demi-heure, Mimiko est encore en contrôle commun et Arisa doit prendre le train. Mais est ce que c’est vraiment une bonne idée ? Je veux dire… T’as vraiment pas l’air bien.

-C’est rien.

Asuka se mordit la lèvre, ennuyée pour son amie, cependant elle choisie d’abandonner la partie : Etre têtue semblait être une deuxième nature dans leur groupe.

Elles continuèrent donc à flâner dans les boutiques à la recherche de cadeau de Noël, Asuka étant décidée à trouver ceux d’Arisa et de Mimiko avant qu’elles n’arrivent. Bien que ce n’était pas encore Décembre, les vitrines proposaient déjà leurs articles de fêtes au milieu de décorations lumineuses.

Naru, elle, n’arrivait décidemment pas à se concentrer et depuis qu’ils étaient entré dans une boutique de papeterie, elle avait l’étrange intuition qu’une menace planait au dessus d’elle. Son cou la picotait et ses poils s’hérissaient, tandis qu’une étrange odeur de pourriture flottait dans l’air. Alors que son amie était penchée sur le rayon des carnets, elle chercha du regard, dévisagea tout les occupants du magasin, reculant intuitivement jusqu’à se retrouver aculée contre un présentoir.

Quelque chose en elle la prévenait du danger.

Il faut sortir d’ici.

-Asuka… Je… Je me sens pas très bien finalement, j’aimerais aller dans un endroit où il y a moins de monde…

-Oh… Bon d’accord… C’est dommage, il y avait des trucs intéressants et… Déclara Asuka avant de se faire tirer arbitrairement hors de la boutique par la jeune fille.

Jeune fille qui avait une poigne de fer…

Naru sortit du magasin, tout en découvrant avec déplaisir que l’odeur était toujours là… Mais bon, ça, c’était peut être simplement un problème d’égout… Toutefois, ne se sentant toujours pas en sécurité, elle s’engouffra dans la foule et remonta la rue en zigzaguant entre les passants, cherchant un lieu où il n’y aurait personne. Entrainant évidemment Asuka qui faisait de son mieux pour la suivre.

-Bon sang… Ils sont quand même bizarres ces changeurs, maugréa cette dernière en se prenant les pieds dans les pavés de la rue.

Finalement Naru obliqua dans une ruelle et s’arrêta après quelques mètres, permettant à Asuka de reprendre sa main et son souffle.

-Bein qu’est ce qui t’as pris ? S’étonna Asuka. On aurait dit que t’avais le diable à tes trousses. Tu sais, c’était juste des gens normaux dans le magasin… Et même si faire du shopping rend à moitié fou…

-Tu sens cette horrible odeur ? Grimaça Naru car celle-ci devenait de plus en plus forte.

- Quelle odeur ? Je sens rien qui puisse être qualifié d’horrible… Mais en même temps, c’est normal que t’ais le flair plus développé…

-Je ne me suis pas transformée !

Asuka haussa les épaules.

-Bon, on attend que tu aille mieux, puis on retournera là bas… Bien qu’on pourrait aller dans un meilleur endroit pour se reposer… Constata Asuka en levant la tête sur les hauts murs délavés qui ressemblaient à un étau prêt à se refermer sur elles.

Soudain, Naru tourna la tête vers la direction de la rue principale, avertie par son instinct et par le bruit de pas. Deux hommes qui devaient avoir la trentaine se tenaient à l’entrée de celle-ci.

Ils étaient habillés de façon plutôt débraillés avec des jeans délavés et troués, des vestes mi-longues pour l’un et courte en cuir brun pour l’autre. Ils portaient au pied des baskets qui avaient surement connu des jours meilleurs.

C’est parce qu’ils s’approchèrent d’une allure nonchalante qu’elle remarqua leurs visages aux traits secs, et plus particulièrement celui du plus grand, qui portait un début de barbe qui ne cachait pas une grosse balafre qui commençait au bord de son œil et qui coupait sa joue jusqu’au coin de sa bouche.

Un sourire ironique fit d’ailleurs remonter ce dernier.

Le deuxième avait quand à lui carrément une barbe aux poils rêches qui lui donnait l’air de descendre de la montagne.

Asuka jura en les voyant s’approcher, se raidissant et se mettant à la hauteur de Naru.

-Passons à côté d’eux sans les regarder, peut être que…

-Non, ils ont les yeux braqués sur nous, ça ne marchera pas, répliqua Naru.

-Bon alors on se carapate… Je suis quasiment sure que cette rue mène vers un endroit fréquenté, ils n’oseront pas nous aborder dans la foule.

Naru hocha la tête et les jeunes filles, bien que paralysée par la peur _comment ne pas l’être quand deux loubards s’avançaient vers vous ?_ pivotèrent sur elles même et se mirent à courir droit devant.

Elles entendirent un rire à glacer le sang répondre à leur tentative de fuite et elles n’osèrent pas tourner la tête au risque de les voir les suivre ou de trébucher. Rapidement, Asuka vit Naru la dépasser et freiner presque aussitôt des quatre fers en criant d’horreur.

Apparaissant d’elles ne savaient où, un autre homme venait d’atterrir devant Naru en lui faisant « BOUH ! ». Il semblait plus jeune que les deux autres avec les chaines qui pendaient à son jeans, sa crête de cheveux châtains ébouriffés et son visage imberbe.

Elles voulurent faire demi-tour, mais se retrouvèrent presque aussitôt face aux deux premiers assaillants qui ne cachaient pas leur hilarité à leurs dépends.

Les deux jeunes filles se serrèrent dos contre dos, aussi effrayée l’une que l’autre. L’une cependant plus mal à l’aise que l’autre car Naru découvrait avec dégout d’où venait l’odeur de pourriture : elle émanait de ces hommes. A présent elle l’enveloppait et l’étouffait, au point qu’elle se sentait défaillir. Heureusement, ce n’était pas le cas d’Asuka qui restait concentrée pour se donner toutes les chances de sortir indemne de cette malheureuse aventure.

-Bein alors, qu’est ce que nous avons là ? Lâcha le barbu. Qui aurait pût penser qu’on allait trouver une jolie petite femelle en passant dans ce coin.

*Femelle ?!*

-Sans aucun autre mâle dans les parages en plus ! Continua le cadet en passant en un geste obscène la langue sur ses lèvres, avant d’approcher la main de Naru.

Asuka réagit aussitôt et s’empara vivement du pic d’acier qu’elle avait vu dépasser de la poubelle qui se tenait à côté d’eux et le menaça avec. (Découvrant par la même occasion qu’il s’agissait d’une broche de barbecue.).

-Ne vous approchez pas ou nous hurlons ! Les menaça t’elle en reculant vers l’autre côté du mur, gardant Naru derrière elle pour la protéger.

-Haha, non regarde, on dirait bien qu’elle a un protecteur ! Se moqua le plus grand qui ne semblait pas le moins du monde inquiété par les mises en garde de la jeune fille.

-Je suis très sérieuse ! Répliqua-t-elle.

-Oh mon dieu ! Une petite humaine veut me faire fuir avec… un pic à brochette !

Sa remarque causa à nouveau l’hilarité de ses compagnons.

Alors qu’il faisait un pas vers elles, Asuka tenta de le blesser avec son arme improvisé, mais il l’évita avec une rapidité qui surprit la jeune fille. Sans même avoir le temps de riposter, il se tenait face à elle et la soulevait de terre par le col de son manteau comme si elle ne pesait pas plus lourd qu’un sac.

-Asuka ! Cria Naru en se plaquant contre le mur.

-Tu rigole fillette ? Tire-toi de là, tu nous intéresse pas !

Ainsi dit, c’est bel et bien comme un sac qu’il l’a projeta en dehors du cercle d’un seul mouvement du bras. Asuka atterrit sur le sol, roulant sur deux mètres contre le pavé qui lui meurtrit le visage.

Passé l’hébètement et la douleur, elle s’efforça de se reprendre en entendant Naru hurler de toutes ses forces. Deux solutions s’imposa immédiatement à elle, mais l’une semblait plus raisonnable que l’autre : elle devait courir jusqu’à la rue principale pour appeler à l’aide…

Malheureusement, cette solution si raisonnable s’évapora en quelque seconde lorsqu’elle vu que le plus jeune du gang, qui semblait très excité, était en train de se déshabiller en quatrième vitesse, allant même jusqu’à craquer son T-shirt. Elle craignit immédiatement pour l’honneur de son amie et se remit aussitôt sur pieds pour foncer sur eux avec son pic.

Cependant, elle n’était même pas debout que le jeune avait disparue… Laissant place à un animal plus gros qu’un chien, fauve, tacheté de marques plus sombre, une crête de poils touffus parcourant l’échine de son dos…

Une hyène !

Ces types étaient des changeurs !

Des changeurs comme Arisa et Mimiko !

Ce qui expliquait donc leur rapidité et leur force !

Ce qui…

Elle se rappela soudain la mise en garde du docteur Kyogane :

Croyez moi, vous serez plus heureuses au sein d’une Meute qui vous protégera, qu’à la merci des vagabonds dont je vous parlais tout a l’heure et qui jouisse d’une très mauvaise réputation.

Leurs intentions n’avaient en effet pas l’air très honorable.

Et si c’était des changeurs, des gens normaux ne pouvaient rien faire…

ELLE non plus ne pouvait rien faire… Se rendit-elle compte avec désespoir.

Mais non… Elle ne pouvait pas laisser son amie se faire abuser sous ses yeux sans rien tenter.      

Refermant vigoureusement les doigts sur son arme, elle profita que le grand, celui qui devait être le chef, gronde son cadet de son impatience, pour se précipiter et lui enfoncer le pic quelque part dans le dos. Cependant, elle avait encore une fois sous-estimé l’homme et plus particulièrement son ouïe, car il se retourna en un mouvement et se protégea en la poussant sur le côté. Asuka se retrouva à nouveau par terre.

-Très bien, lança l’homme avec un sourire sardonique, je me sens d’humeur à jouer avec toi petite humaine… Avant de jouer à d’autres jeux bien plus intéressant avec ta copine… John ! Bertrand ! Gardez la petite qu’elle ne s’échappe pas ! Et interdiction d’y toucher : elle est à moi !

Le barbu grommela à cet ordre, mais ne désobéit pas, à la place de ça, il retira ses chaussures et se transforma d’un coup, sans même retirer ses habits qu’il déchira une fois transformé.

*Une autre hyène…*

Naru se retrouvait entouré des deux fauves qui tournaient autour d’elle en faisant claquer leurs mâchoires tout en glapissant d’excitation.

Asuka quant à elle, se remit debout, chassa les quelques mèches qui étaient venues se placer devant ses yeux et serra les mâchoires, prête à affronter le Changeur. Elle fonça sur lui, mais il l’évita sans problème, elle se retourna et se mit à jouer de son arme pour se protéger. L’homme ne faisait aucun effort et esquivait tous ses assauts en riant, la laissant s’épuiser et tourner autour de lui à la recherche de son point faible.

Mais la jeune fille ne se décourageait pas et à la faveur d’un geste adroit, griffa la joue qui n’était pas déjà balafrée de son adversaire du pic de la broche, faisant apparaitre une ligne sanglante.

-Touché ! Exulta-t-elle.

L’homme perdit toute trace d’amusement sur son visage. Il porta une main à sa joue et en récupéra une trainée rouge. Alors ses yeux devinrent froids et il s’empara d’un mouvement du pic de la jeune fille.

-Putain salope ! Si j’ai une autre cicatrice après ça ! … Tu vas le regretter !

La faisant lâcher son arme, il l’a fit s’échouer à nouveau par terre et lui bourra le corps de coups de pieds. Asuka se recroquevilla instinctivement pour protéger les parties de son corps les plus fragiles, criant à chaque secousse.

-Ah oui, on fait plus la fière !

Elle entendit Naru qui sanglotait derrière et tourna le visage vers elle.

Elle fut alors témoin de sa transformation.

Un instant la jeune fille criait à l’homme de s’arrêter de lui faire du mal, puis l’autre il y avait un chien de couleur brune qui aboyait comme un fou.

*…Un labrador…* Reconnu Asuka alors que ses esprits devenaient de moins en moins clair.

Le chien couleur chocolat tenta de lui venir en aide et d’échapper aux deux hyènes qui l’entouraient, mais celles-ci le repoussèrent.

Asuka se sentit alors soulevée de terre et plaquée contre un mur, se retrouvant face à face avec l’homme qui lui souriait d’un air mauvais :

-On dirait que j’ai cassé mon jouet… Quelle déception…

*Bordel pourquoi personne ne se rend compte de ce qui est en train de se passer ?*

Asuka se força à se secouer pour reprendre conscience et ne pas se laisser humilier :

-Je suis pas un jouet…

-Bien sur que si, entre mes mains, tu n’es qu’un jouet, tu ne peux rien faire contre moi et moi je peux tout faire de toi…

Et comme pour le lui prouver, il attrapa ses cheveux d’une main pour lui relever la tête et s’empara de sa bouche pour lui rouler une pelle.

Asuka se raidie, littéralement dégoutée de sentir cette langue se remuer dans sa bouche. Cela ne dura pas assez longtemps pour qu’elle pense à le mordre, mais après coup, elle pensa que c’était vraiment dommage qu’elle n’ait pas eu l’esprit plus clair.

Le changeur la lâcha, la laissant avec la nausée au bout des lèvres.

-C’est vrai que t’es pas trop mal, je pourrais aussi te transformer pour faire de toi une de mes feme…

Refusant d’en entendre plus, la jeune fille le fit taire sur le champ en lui crachant au visage.

-Plutôt crever !

L’homme s’essuya le visage avec sa manche, un peu comme un chat passe sa patte sur son museau pour faire sa toilette, sans rien dire ni même la regarder, jusqu’à ce que ses yeux, durs et froids se reposent sur elle :

-Tant pis !  Articula-t-il doucement avec un air un peu fou.

Asuka qui fixait son visage resta un moment sans comprendre, avant que son cerveau lui envoie le signal d’une intense douleur dans son ventre.

Elle devint toute blanche, des larmes de souffrance s’échappèrent de ses yeux et elle baissa la tête avec lenteur pour découvrir sa broche dans son propre abdomen.

Elle retint un cri, la respiration haletante.

Puis l’homme la lâcha et la jeune fille s’affaissa à terre, son sang commençant à s’étaler autour d’elle.

Naru se rendit alors compte de ce qui venait de se passer. Folle de chagrin et impuissante, elle inspira un bon coup et se mit à hurler à la mort.

*Comment était-ce possible !!!! Asuka était en train de mourir !!! Pourquoi avait-il fallut qu’elle se transforme en animal aussi inoffensif ! Incapable de se défendre ! Pourquoi n’était t’elle point devenue un fauve, un loup ou même un ours ! De quoi faire fuir ses horribles créatures et protéger Asuka !!!*

Lorsqu’elle se retrouva à cours de souffle, elle s’aperçut que le dernier homme/celui qui avait tué Asuka/  venait lui aussi de se transformer, à l’instar de ses compagnons, en grosse hyène malfaisante.

Alors qu’il s’approchait, elle se mit à grogner pour les prévenir de ne pas approcher.

-Si… Si… Si vous vous approchez, je vous mords jusqu’à l’os !!!

-Vas-y chérie, mors moi, je n’attends que ça !

-Vous êtes…

Naru ne continua pas, car, tout comme les hyènes, elle fut distraite par une nouvelle odeur.

Un missile noir bouscula la hyène de ses soixante kilos de muscles. Celle-ci tomba sur le flanc et lança un regard furieux au nouveau arrivé.

Ses deux comparses fonçaient sur le félin, mais l’un d’entre eux fut fauché par un nouvel adversaire tandis que la panthère évitait d’un saut l’attaque.

Arisa atterrit sur ses quatre pattes et rejoignit aussitôt Naru qui couinait misérablement, lui donnant quelques coups de langue sur le museau pour la consoler.

-Qui êtes-vous ? Grogna Mimiko qui ne lâchait pas des yeux les trois changeurs.

Le meneur fut un instant étonné mais se reprit, montrant les dents :

-Je n’ai pas à te répondre femelle ! Et sache que tu m’as eu uniquement par surprise ! Si tu ne faisais pas partie d’une espèce rare, je t’aurais évité sans problème !

Naru et Arisa se faufilèrent derrière Mimiko et la louve s’approcha d’Asuka qui gisait, inconsciente dans son sang.

-Mimiko… Asuka a l’air… Dans un très mauvais état ! Gémit Arisa.

La panthère ne lui adressa pas de regard mais se crispa et sa queue se mit à se balancer.

Contrairement aux canins, ce n’était pas une manifestation de joie chez les félins, mais un signe d’inquiétude et de nervosité.

-Naru… Est-ce que tu te sens capable de redevenir humaine ? Prends son portable et appelle le numéro du Dr Kyogané, je sais qu’elle l’a en mémoire… Répondit Mimiko.

La chienne, toujours effrayée, hocha la tête.

-Et en attendant… On va les mettre en charpie, grogna Arisa en se plaçant aux côtés du félin, les babines relevée sur ses crocs.

-Vous ne faites pas le poids ! Fit la hyène de droite.

-Vous allez regretter de vous en être pris aux membres de notre meute ! Répliqua la louve.

-Une meute de petites femelles ?! C’est bien la première fois que j’entends ça !

-Il faut un début à tout !

Les deux clans se mirent à tourner autour d’un cercle invisible, oreilles baissées, mâchoire découvertes, pupilles ronde et iris brillants de rage.

Soudain les hyènes s’élancèrent et les deux changeuses bondirent. La détente de Mimiko restant sa meilleure arme, elle attrapa la gorge ou ce qu’elle pensait être la gorge de la plus jeune hyène et referma ses crocs dessus, l’égorgeant.

Arisa, quant à elle, s’était heurté à celui de gauche et avait essayé de trouver une prise, mais sans beaucoup de succès. La queue de ces animaux était ridiculement petite ! Elle tourna autour de lui en cherchant à éviter les crocs de ce dernier, ainsi que ceux du meneur qui réussit à l’atteindre prés de la gorge.

Heureusement, Mimiko en ayant fini avec sa hyène, tenta de s’attaquer au meneur… Avec hélas moins de succès, mais celui-ci lâcha Arisa pour se protéger. Les panthères étaient taillées pour la traque et pour des attaques surprises foudroyantes, pas pour les combats de ce genre. Elle évitait sans problèmes les assauts, mais se trouvait incapable de lui porter un coup décisif.

Arisa finit par saisir une patte de derrière et chercha à la briser de ses crocs. Son ennemi, prisonnier, perdit l’équilibre en essayant de s’échapper, signant la fin du combat. Elle le lâcha et il s’enfuit en boitillant sans demander son reste. Ce qui ne laissait plus que le meneur qu’elle n’avait pas l’intention d’épargner.

Celui-ci commençait à montrer des signes d’anxiété alors qu’il se trouvait en minorité. Il ne s’était pas attendu à rencontrer pareille riposte.

-Ecoutez les filles, on peut s’arranger…

-Pas après ce que vous avez fait à Asuka ! Grogna Mimiko, bandant ses pattes antérieures, jouant de celles-ci.

-C’était juste pour rigoler, vous comprenez ? C’est qu’une humaine de toute façon…

-C’est notre amie ! Aboya Arisa qui le menaçant au flanc inverse.

Une lueur mauvaise brilla dans les yeux de la hyène qui, pensant avoir déconcentré ses ennemies, tenta de s’enfuir.

C’était impossible.

Arisa et Mimiko se jetèrent sur lui en même temps.

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Credit Photo

27 novembre 2009

Partie 2

***

Naru s’excusa en arrivant la dernière devant l’hôpital : elle avait ratée le bus comme avait pût le constater ses amies qui s’étaient donnée rendez-vous à l’arrêt.

La façade du bâtiment administratif de l’hôpital Purpan se tenait devant elles, dans sa brique d’un rouge fané que l’absence de soleil ternissait en ce samedi après-midi. Les jeunes filles firent alors un tour à l’accueil pour connaitre la situation géographique du bureau qu’elles recherchaient, sachant très bien que ce complexe pavillonnaire était labyrinthique. Elles finirent par trouver le bon bâtiment après un quart d’heure de recherches _valait mieux ne pas être agonisant ici_  et la gorge de Naru se noua.

Bien qu’elle mette un point d’honneur à paraitre confiante au sujet de ses blessures, au fond d’elle, elle était paniquée et marchait presque à reculons… Il ne fallait pas chercher bien loin la raison de son retard. Elle espérait secrètement maintenant que cet homme ne sache rien et se révèle incapable de dire si oui ou non elle allait se transformer en bête féroce assoiffée de sang.

Elle revoyait dans sa tête la panthère feulant, découvrant ses crocs cruellement tranchants dans un cri de pure rage. Et la louve, les babines relevée sur sa mâchoire crispée, un grognement menaçant montant de sa gorge. Elle essayait cependant d’oublier toute la scène accompagnée d’hémoglobine, bien que l’image du policier qu’elle avait soutenu durant toute la traversée du bois jusqu’à une ambulance, ses mains fermement serrée contre le bandage de son cou, essayant de limiter le sang lui coulant sur la main, restait ancrée dans sa mémoire.

Elle se sentait d’autant plus malheureuse que malgré ses efforts, il avait succombé.

Augmentant de un le nombre de meurtre proféré par son amie, même si elle et Asuka était sous le sceau du secret. Pour Arisa, c’était différent. Mimiko lui faisait entièrement confiance, ce qui d’ailleurs ne manquait pas d’étonner les deux autres filles.

Non pas qu’Arisa n’était pas digne de confiance, mais Mimiko et elle ne se connaissait que depuis le début de l’année scolaire, à peine quelques mois, et se comportaient déjà comme des sœurs.

Un truc de bête apparemment.

Arisa avait appelé ça « la meute ».

Naru s’arrêta, manquant de rentrer dans cette dernière qui avait freiné des quatre fers à quelques mètres de la porte arborant la plaque dorée indiquant le nom du Docteur Kyogane Aoba.

-Tu ne sens pas Mimiko ?

La brune se mit à renifler l’air sans beaucoup de conviction, avant de faire une grimace confuse.

-Désolé, je sens que toi…

-Ca sent quelque chose de bizarre… C’est moins fort que toi, plus faible… Mais ce n’est pas celle d’un Homme… Je n’ai jamais senti ça…

La porte s’ouvrit soudain, laissant apparaitre un homme plutôt jeune : il devait avoir dans la vingtaine, peut être la trentaine… Ses cheveux noirs étaient soigneusement coiffés sur son visage à la mâchoire carrée, il portait une grande blouse blanche, et dessous un pull en V beige assorti d’un pantalon ocre coupé droit. 

Ses yeux exprimèrent l’étonnement, puis ses sourcils se crispèrent légèrement, formant des petites rides sur son front, tandis que dans ses yeux, une lumière s’éteignit pour devenir ternes et tristes.

-Alors c’est donc vous la cause de tout ce bazar… Lâcha-t-il en s’effaçant contre la porte pour les laisser entrer.

Arisa et Mimiko se raidirent légèrement, mais l’homme leur adressa un sourire qui estompa toute impression de tension.

Cet homme était au courant, et pire : il était l’un deux ! Réalisa Naru en passant avec méfiance devant lui.

Méfiance qu’il ne semblait pas mériter, il dégageait tellement de douceur que son imposante silhouette carrée en devenait sympathique. Elle rejoignit Mimiko, Asuka et Arisa prés de son bureau, s’asseyant sur le canapé d’auscultation prés de cette dernière. Il ferma la porte derrière lui et à la place de prendre place dans son fauteuil, s’assit sur un coin de son bureau.

-Est-ce que vous vous souvenez de moi ? Demanda finalement Mimiko. J’ai été admise aux urgences après avoir été mordue par un chien…

-Bien sur, j’ai espéré que vous ne reviendriez pas me voir… Ces chiens sont une telle nuisance… Alors c’est vous le foyer de contamination ?

-Pa… Pardon ? Grimaça la brune.

Naru trouva aussi le terme étrange et craignit un instant qu’ils ne parlaient pas de la même chose.

-C’est à moi de m’excuser, je m’exprime mal et vous n’avez sûrement aucune idée de ce qui vous est arrivé, s’excusa le Docteur Kyogane en hochant la tête avant de reprendre : commençons par le début : Je m’appelle Kyogane Aoba, je suis docteur dans cet hôpital, mais je suis aussi un Changeur.

-Un « changeur » ? Répéta Asuka.

-Oui… Comme vos deux amies, je possède deux formes : une forme humaine et une forme animale. La forme animale représente, d’après certaines légendes, son totem, ou alors son ancienne incarnation. Elle varie selon chacun, allant du plus petit insecte au plus grand mammifère terrestre, passant par l’oiseau et par les mammifères marins.

-Alors on peut ne pas se transformer en loup ou en lion ? Intervint brutalement Naru.

Elle commençait déjà à respirer mieux. Si elle devait se transformer, elle préférait que ce soit dans la peau d’un animal pacifique.

-Bien sur. Dans notre monde, nous différencions quatre, voire cinq, types de changeurs : les carnivores, les herbivores, les oiseaux et les marins. Voire, anecdotiquement, les insectes. Généralement, on peut deviner dans quelle catégorie se trouve une personne en fonction de son comportement. Les carnivores sont des prédateurs, des personnes au caractère très tranché et bien trempé, d’une certaine façon, ils sont fait pour prendre des décisions et ce sont des meneurs, à leur façon, ils sont dangereux, sans être pour autant des meurtriers ou des voleurs. On trouve par exemple de nombreux hommes d’affaires dans cette catégorie. Vous connaissez le dicton : « l’homme est un loup pour l’homme. »… Ensuite les mammifères : ce ne sont pas pour autant que des moutons, bien qu’il y en ait beaucoup, ce sont des personnes au caractère plus souple, plus craintif aussi, aimant vivre en compagnie et se fiant aux décisions des autres. Ils sont la catégorie la plus représentée. Les oiseaux et les marins sont, eux, des légères déclinaisons de ces deux catégories…

-Et les insectes ? Demanda Asuka, curieuse.

-Les insectes sont très rare, représentatif d’une personnalité insignifiante, si je puis dire. Comme exemple… hm… Il y a eu le cas de ce japonais qui passait sa vie à travailler, il s’est transformé en fourmi. Malheureusement… Il a vite quitté notre monde après s’être transformé dans un carrefour de Tokyo… (Le docteur fit une légère grimace) Ah oui, et aussi ce cas qui a défrayé la chronique pendant plusieurs mois : Une femme, qui passait son temps à se marier et a tuer ses maris pour amasser une fortune qui ne lui servait à rien, s’est, elle, transformée en mante religieuse. C’est comme ça d’ailleurs qu’elle s’échappait de prison…

-Quel horreur… Lâcha Naru, les mains crispées par sa peur qui était à présent revenue.

L’idée qu’elle puisse se transformer en insecte la révulsait. Elle se mit à détester un peu Mimiko et Arisa qui écoutaient l’homme sans se faire du souci, buvant ses paroles avec intérêt. Elles, elles savaient déjà ce qu’elles étaient. Contrairement à elle. Cependant, avant qu’elle se mette à chercher si elle n’avait pas vécu de façon vaine, elle se secoua en se rappelant qu’elle n’était même pas sure de se transformer. Il était inutile de mettre la charrue avant les bœufs, ainsi, elle s’efforça de se calmer.   

-Alors nous sommes nombreux ? Le questionna Mimiko. Jusqu’ici, on avait l’impression d’être les seules…

-Nombreux… Nous représentons 5% de la population humaine et nous sommes dispersés dans toute la planète. En tout anonymat évidemment. Il est important que les Hommes ne sachent rien de notre existence, insista le Dr Kyogane en fixant Asuka et Naru. 

-Pourquoi, vous mangez des humains ? Demanda faiblement cette dernière.

-Bien sur que non ! Nous sommes aussi humains : ce serait comme du cannibalisme ! Non, la raison est que l’Homme a toujours eu peur de ce qui était différent de lui. De plus, nous avons quelques exigences qu’ils ne sont pas en mesure de comprendre… Et puis la moitié d’entre nous sont pourvus d’une force, d’une vitesse, d’une acuité sensorielle au double de ce que eux ont. Et puis, nous sommes… Très contagieux.

-Ah ! C’est la raison pour laquelle nous sommes venus vous voir ! Annonça Arisa. Mimiko a, sans le vouloir vraiment, griffé la main de Naru et celle-ci dit que ça la brûle. Nous nous inquiétions pour elle.

-Le virus ne se contracte pas par les griffures, répondit aussitôt le docteur.

Naru se sentit soudainement mieux, libéré d’un lourd fardeau qui s’était posé sur ses épaules. Maintenant qu’elle savait qu’elle ne courait plus aucun risque, elle pouvait considérer sereinement les deux nouvelles « changeuses ».

-Cependant, je trouve que la brûlure est étrange, je ferais mieux de faire un test au cas où, ajouta t’il en ouvrant un tiroir d’où il sortit une seringue. Puis je vous prendre un peu de sang ?

Naru hocha la tête et découvrit l’un de ses bras pour qu’il puisse y poser un garrot et y piquer son aiguille.

-Vous parlez d’un virus ? C’est vraiment une maladie alors ? S’étonna Arisa.

-Pas vraiment. Ou alors une maladie encore inguérissable. Une fois que le virus entre dans un corps sain, il se multiplie en moins d’un mois, de façon à contaminer chaque cellule du corps. Le virus est cependant inactif a part pendant la période de multiplication, ce qui explique la brûlure : il est inoffensif du point de vue de notre santé, et même les globules blancs et toutes les défenses auto-immunitaires l’ignorent. C’est en contact avec des hormones ou des neurotransmetteurs qu’il devient actif, entrainant tous les autres virus présent dans le corps et causant la transformation.

Pendant qu’il leur expliquait cela, il pompa un peu de sang dans le creux de l’épaule de Naru et se tourna vers une table de travail où il attrapa des flacons. Il se tourna finalement vers elles, un bécher rempli d’une substance bleutée dans les mains.

-Je suis désolée mademoiselle, mais vous avez été contaminé quand même.

-QUOI ?!

Naru avait l’air d’un poisson hors de l’eau tandis qu’elle sentait son univers s’écrouler devant elle à cause d’un liquide bleu pâle chimique.

-Mais je croyais que les griffures… Commença-t-elle avant de s’arrêter, sentant son sang se retirer de sa tête et le monde tourner autour d’elle.

-Il faut l’allonger ! S’aperçut Kyogane en se précipitant vers elle.

Arisa se leva brusquement de sa place pour laisser le Docteur allonger la jeune fille pâle comme un morte le long du canapé en cuir noir.

-Voila, calmez vous et respirez, lui dit-il d’une voix douce.

-Mais les griffures…

-Les griffures ne contaminent pas. Le virus peut être uniquement propagé par la salive, le sang, la lymphe ou les fluides sexuels. Bien, sur, il faut que ces liquides pénètrent votre corps, si du sang infecté coule sur votre peau, vous ne risquez rien, mais s’il entre par une blessure ou si vous le léchez par exemple, il y aura contamination. Ainsi, une morsure provoque immédiatement contamination car la salive infectée est en contact avec le sang. La contamination par le sang est la plus rapide, elle prend moins d’un mois, le reste est plus long. En gros, si vous m’avez compris, vous vous apercevez à quel point le fait d’être un changeur vous éloigne des Hommes. Il vous faudra vérifier maintenant scrupuleusement que tout vos couverts de table ne soient pas utilisé par d’autre, arrêter de boire directement à la bouteille, mais dans un verre… Je tiens à préciser ce fait car même si vous utilisez une paille pour boire une cannette de soda, vous ne devez en aucun cas permettre à d’autre de boire dedans. Ne laissez personne toucher vos blessures… Et évidemment plus de baisers ou de relations sexuelles à moins que la personne soit consentante et ait pris toute la mesure de ce qu’elle va devenir.

-Génial… Comme si c’était déjà pas assez difficile de trouver un petit ami… Grommela Mimiko du haut de sa chaise. Au fait, j’ai une question : les chiens qui nous ont attaqués Arisa et moi…

-Ce n’était pas des changeurs, la coupa Kyogane en comprenant ce qu’elle voulait lui demander : les animaux peuvent aussi contracter le virus, mais celui-ci a un très mauvais effet sur eux : il les rend complètement fou et incontrôlable. C’est pour ça qu’a chaque fois que vous chassez, vous avez ordre de tuer l’animal. Si celui-ci s’enfuit, il risque de contaminer de pauvres passants… Comme ça a été le cas pour vous…   

-Je me demande comment font les changeurs… Ca doit être horrible d’être toujours sur ses gardes et de ne pas pouvoir se relâcher ? Songea Asuka.

-C’est pour cela que nous vivons en meute, répondit le Dr Kyogane.

-En meute ? Répéta Naru qui reprenait petit à petit ses belles couleurs dorées, bien qu’elle assistait à tout cela avec détachement, comme coupée de la conversation par une glace, attrapant des bribes de paroles par ci, par là, le corps froid et raide.

-Mimiko fait partie de ma meute, répondit automatiquement Arisa avant d’apercevoir sur le visage du docteur un sourire triste.

-Oui, il est temps que je vous parle de ça aussi. Si vous avez remarqué, depuis le début, je vous parle d’exigences particulières, de devoirs, d’obligations… Sachez qu’à partir du moment où vous êtes devenus changeurs, vous n’êtes plus uniquement sous le contrôle des lois du pays où vous vivez, mais aussi, et surtout vous dirons certains qui renient même le pouvoir des Hommes, sous les lois des changeurs. Car nous avons des lois qui nous permettent de vivre au milieu des Hommes sans être découvert, et des chefs pour les maintenir. En France, toutes les meutes sont plus ou moins sous le contrôle de la Meute de la forêt des Cévennes. Et en Europe, toutes les meutes sont sous le contrôle de la Meute de la forêt de Bavière en Allemagne.

-Les meutes sont forcément liées à une forêt ? S’étonna Asuka.

-Une meute est liée à son territoire. La notion de territoire est une chose très importante (et Mimiko et Arisa hochèrent la tête), c’est ce qui fait que nous sommes peu nombreux, car plus nous sommes, plus nous avons besoin de territoires, contrairement aux Hommes qui peuvent se contenter d’un 2 pièce minuscule. Une forêt est un territoire idéal, car elle offre une cachette, une réserve de gibier pour les carnivore, de la végétation pour les herbivore, et le plus souvent un coin d’eau clair pour s’abreuver. Et pour finir, elle est généralement assez grande pour contenir toute la meute. Malheureusement, il y a de moins en moins de forêt et le nombre de Meutes est limité aux forêts. Evidemment, il y a quelques regroupements de changeurs qui vagabondent de ville en ville, généralement pas plus de six individus. Et il y a des solitaires comme moi, qui s’installent dans un coin et se font discrets… Mais la meute me manque. Avoir une meute c’est très agréable, c’est comme une famille : on se sent à sa place, aimé et protégé.

-Pourquoi vous ne retournez pas dans votre meute alors ? Fit Arisa.

-Je ne peux pas. Je me suis enfui. C’est très dur de s’enfuir d’une meute… Ou plus précisément, de s’arracher à l’emprise de l’Alpha.

-L’Alpha ?

-Oui, parce que dans chaque meute, il y a un chef qu’on appelle l’Alpha. C’est le plus fort, il a dû se battre avec les autres pour avoir ce titre. Du moment qu’il est Alpha, le changeur a une certaine emprise sur les autres, par exemple, il est très difficile de lui désobéir. Mais le revers de la médaille, c’est qu’il passe son temps à être inquiet pour les membres de sa meute, à la limite de la paranoïa.

-Bouh… J’aimerais pas être alpha… Conclut Arisa. Notre meute à nous : elle n’en a pas besoin !

-Vous n’avez pas de meute à vous pour l’instant, répliqua gentiment le Dr Kyogané, pour l’instant, ce n’est que des balbutiements de meute. De plus, ne le prenez en aucun cas mal, je vais m’exprimer comme le feraient certains changeurs, vous n’êtes que trois jeunes femelles sans expérience. C’est déjà un miracle que personne ne vous ai senti. Actuellement, vous êtes en danger sans mâles pour vous protéger.

-NON MAIS C’EST PAS VRAI !!! S’insurgea Arisa, le visage et les oreilles rouge écarlate. C’est quoi cette vision machiste ?!

-La plupart des animaux sont machistes, pour reprendre vos mots, ricana légèrement Kyogané.

Mimiko n’avait pas l’air plus heureuse que son amie, et des grognements grésillaient dans l’air. Asuka soupirait, elle aussi désespérée. Arisa bouillonnait de rage, trépignant légèrement sur place.

Naru dû faire un gros effort de concentration derrière sa glace pour comprendre ce qui se passait, mais même après, elle était incapable de réagir, se sentant soudainement toute molle, toute lasse, laissant le soin au premier intéressé de la prendre totalement en charge et de la trainer derrière lui. Entretemps, Kyogane avait repris la parole :

-Ca a beau ne pas vous plaire, je dois vous apprendre certaines règles, qui certes, sont les lois de la jungle. Croyez moi, vous serez plus heureuses au sein d’une Meute qui vous protégera, qu’à la merci des vagabonds dont je vous parlais tout a l’heure et qui jouisse d’une très mauvaise réputation.

-Vous croyez qu’on est pas capable de se défendre seules ? Grogna Mimiko.

-Vous n’en avez aucune idée, vous ne vous êtes jamais battus contre un autre changeur, qui plus est, mâle… Alors imaginez qu’il y en est toute une bande… Je connais bien l’alpha de la Meute du parc national des Pyrénées, même si ce n’est pas la plus proche, c’est un homme bien, si je lui parle de vous je suis sure qu’il acceptera de vous prendre…

-Hors de question !

-Pareil !

-Quoi ! Vous voulez les expatrier dans les Pyrénées ?!?

-Sinon c’est les Cévennes, mais je n’apprécie pas trop Samuel Clear, c’est un ours, au sens propre, comme au figuré.

-Samuel Clear ? Comme le Samuel Clear PDG de la plus grosse boite de pharmaceutique européenne ??? S’exclama Asuka. C’est un changeur ?!

-Oui, il a beaucoup d’influence sur le gouvernement. Mais moi je ne l’aime pas.

-De toute façon, la question est réglée, il est hors de question que je quitte ma famille pour partir vivre dans une forêt ! Encore moins sous les ordres d’hommes que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam ! Répliqua Arisa, toujours remontée.

-Tu mets ta famille en péril ainsi…

-Nous ferons très attention !

-Tu ignores ce à quoi tu t’engage à faire face.

Arisa lui répondit d’un sec grondement.

Asuka se leva soudainement de sa chaise, semblant réaliser qu’il valait mieux réagir. Naru s’en voulut faiblement de ne pas lui être d’un grand secours, mais bon, là, elle était hors service.

-Bon, bien, je crois qu’il va leur falloir réfléchir à tout ça : Ca fait beaucoup d’informations pour une seule journée ! Affirma Asuka. Alors on va rentrer et puis on reviendra un autre jour !

-Ouais, maugréa Arisa en obligeant Naru à tenir sur ses jambes.

Mimiko se leva à son tour et s’aperçut que le docteur lui tenait un petit carton blanc. Il avait l’air très soucieux.

-Voici ma carte avec mon numéro de téléphone. N’hésitez pas à m’appeler. Et surtout, ne prenez pas à la légère ce que je vous ais dit : vous êtes une proie facile, le danger est bien réel et vous pourriez regretter de ne pas avoir intégrer une meute aux mœurs correctes.

Arisa grimaça, mais Mimiko, dont les yeux étaient plongés dans ceux de l’homme, s’empara quand même de la carte et lui murmura un rapide merci.

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