Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Instinct Animal
17 juillet 2014

Chapitre 9 (Partie 2)

**

-Nooon j’hallucine, tu crois que c’est lui, le fameux « Kyo » ?!? Conjectura Isaka de derrière le poteau où elle et Shinobu se tenaient pour espionner.

-Je suis jalouse, il est trop beau… Maugréa Shinobu. Où elle a bien pût le trouver ?

-Il est pas du lycée, hein ? On l’aurait remarqué s’il y avait un garçon comme ça au lycée.

-C’est clair, il serait passé direct number one devant « l’Etre Suprême ».

-Du coup, on doit l’appeler comment celui là ? « L’Etre Divin » ?

-« Le petit copain d’Arisa », rectifia Shinobu avec un grand soupir exagéré. N’empêche qu’elle nous a bien caché son jeu…

Isaka hocha gravement de la tête.

-Entre ça et les cachotteries de Asuka et Naru… Je ne sais plus quoi penser. Qu’est ce qu’on a fait pour être rejeté du cercle des confidences ?

-Je n’en ai pas la moindre idée, mais franchement… Ca me rend un peu malade. Je pensais qu’on était amies. Et voila que pouf, on passe au lycée et on se fait ignorer royalement…

Isaka prit la main de Shinobu pour la consoler.

-Hey, darling, je suis là moi.

-Heureusement.

-Et on a rien fait de mal. Sinon on s’en souviendrait.

Alors qu’elles allaient s’asseoir sur un rebord de béton, le « beau gosse copain d’Arisa » passa prés d’elles et mue à la fois par réflex et désir de vérité, Isaka trouva le courage de l’arrêter par la manche.

Il se retourna d’un air étonné et Isaka prit malgré elle une teinte de coquelicot.

-Heu bonjour… Dit… ?

-Oui ?

Il regarda alors Shinobu qui rejoignait timidement Isaka.

-On est des amies d’Arisa.

Devant cette présentation, il leur adressa un grand sourire chaleureux qui manqua de les achever toutes les deux d’un coup.

-Ah oui ?

-Oui je… euh… je suis…

Allons bon, voila qu’elle perdait tous ses mots. Isaka avait envie de se donner une paire de claque pour se reprendre.

-Je suis Isaka et voila Shinobu, arriva t’elle à terminer dans un souffle. Et toi, tu es Kyo, non ?

Le roux cligna des yeux :

-Je devrais ? Non, je m’appelle Alec, qui est donc ce Kyo ?

Les deux jeunes filles se regardèrent d’un air dépité. La hoooonnnnnte. Arrêter un garçon qui n’était même pas celui qu’elles croyaient.

-Ah… Bein on pensait que c’est le petit ami de Arisa… expliqua Isaka en regardant à droite et à gauche, un peu embêtée.

S’il était le vrai petit ami d’Arisa, il n’allait pas aimer savoir que sa copine appelait souvent un autre garçon…  

-Son petit ami ? Je ne savais pas qu’elle en avait un…

Shinobu et Isaka le regardèrent, perplexe. Finalement « beau gosse » ne semblait pas être casé avec leur amie. Hmm, c’était bon à savoir.

-Bein en fait, on se demande si ce serait pas une histoire compliquée… Elle a l’air tellement triste depuis quelques temps… Fit Shinobu.

-Comme du genre : un amour unilatéral ? Demanda Alec qui s’était rapproché des deux autres filles, un petit sourire aux lèvres.

Sans s’en rendre compte, les adolescentes se détendirent aussi et tous les trois se mirent à papoter comme des commères.

Un autre talent d’Alec dans le genre…

Il était à la fois très curieux de connaitre les vies de ses nouvelles amies et se prenaient vite au jeu. Un amour empêché, voila un sujet qu’il connaissait très bien ! Si seulement ils avaient plus d’indication sur ce fameux Kyo !

-Tu es le frère de Mimiko ???? S’étonnèrent Isaka et Shinobu. Bon sang, tu ne lui ressemble pas du tout !

-Mais si, on a le même nez, avec les mêmes tâches de rousseurs dessus ! Et la même couleur de yeux !

Apprenant cela, les deux jeunes filles lui parlèrent aussi de l’éloignement de leurs amies et leur tristesse à ce sujet. Alec comprit immédiatement que c’était une conséquence de leur transformation en changeuses, mais il s’étonnait de leur besoin de s’éloigner d’aussi gentilles filles. Après tout, tant qu’elles faisaient attention, il n’y avait aucun risque, non ?

Par affiliation, il se demanda si le problème amoureux de Arisa n’était pas aussi lié à tout ça.

-Je demanderais à Mio ce qu’elle sait de ce Kyo, affirma Alec, et alors on élaborera un plan d’attaque !

-Un plan d’attaque ?

-Oh oui un plan d’attaque ! Approuva Isaka en se retenant d’applaudir de joie.

-On échange nos numéros de portable ? Demanda Alec en sortant le sien. Je vous tiendrais au courant.

Et ainsi, en moins de trente minutes, Isaka, Shinobu et Alec étaient devenus les meilleurs amis du monde… et les pires complices inimaginables.

Quand les jeunes filles s’en rendirent compte, quelques heures plus tard, comme s’il fallait un temps au charme alecien pour s’effacer,  elles se regardèrent d’un air halluciné.

Le canon, le beau gosse, était dans leur téléphone !!!

Un concert de cri hystérique suivit cette révélation tardive.

***

-Kyo ? C’est un changeur, répondit Mimiko en balançant nonchalamment ses chevilles sous sa chaise tout en lisant un manga.

Il se tenait assis à table face à elle, occupé à engloutir à lui tout seul trois croissants, alors que Sumomo fumait sa cigarette un peu plus loin dans le froid du patio.

C’était la pause de midi, et après avoir mangé (enfin… La pause repas semblait ne pas être terminé pour certains…) et été cherché leurs cartons à dessin, ils s’étaient installés à la cafeteria.

-Ah c’est bien ce qu’il me semblait, approuva Alec en hochant la tête d’un air satisfait. Et c’est quoi le problème ?

-Parce qu’il y a un problème avec lui ?

-Pourquoi il fait pas parti de la bande ?

-Parce qu’il le voulait pas et tant mieux d’ailleurs.

-Pourquoi ?

-Parce que… Je sais pas. Ya assez de garçons dans la meute, finit-elle par répondre d’un air agacé.

-Rhooo Mio…  

Sa petite Mio qui n’aimait pas les garçons… Il la trouvait adorable.

-Arisa est amoureuse de lui, lui apprit-il en finissant son premier croissant.

Elle ne réagit pas immédiatement, puis ferma son manga d’un air halluciné :

-Non, tu rigole !

-Est-ce que j’ai une tête à rigoler ?

-Mais… non… tu dis n’importe quoi… On l’a vu qu’une fois ce type ! Et il était super désagréable ! Franchement, je n’ai pas compris pourquoi Kyogané nous a demandé de l’avoir dans nos contacts.

-AH AH ! Ce n’est pas parce que TOI tu ne l’as jamais appelé qu’ELLE ne l’a pas fait ! La contra Alec en brandissant sa prochaine viennoiserie dans sa direction.

Mimiko regarda le croissant s’agiter sous son nez et fit mine d’en croquer un bout pour qu’il le retire, avant d’avancer son ultime argument :

-Et puis… ARISA quoi !

-Quoi « ARISA » ? C’est aussi une fille, comme toi, avec des lèvres, des seins, des…

-Inutile de continuer l’énumération, le coupa sèchement la brune.

-Quoi ? Tu ne vas pas m’en vouloir parce que j’ai remarqué qu’elle avait une poitrine ? Si tu veux savoir, la tienne est plus gross…

Il se prit le manga en pleine figure.

Sumomo arriva pile poil sur cet entrefaite:

-Vous savez que parfois vous ressemblez à un vieux couple ?

-Il m’embêtêêe, expliqua Mimiko avec une moue boudeuse.

-C’est à ça que serve les frères, répondit Sumomo en lui tapotant la tête avant de regarder le roux et de faire la grimace : Tu peux m’expliquer où va toute la graisse que tu enfournes à longueur de journée ?

-Mystère… Marmonna Mimiko en regardant elle aussi le garçon grand et fin.

Alec haussa les épaules :

-Je sais pas, je m’en suis jamais préoccupé.

-C’est sacrément injuste…

Il haussa à nouveau les épaules, impuissant et attaqua son troisième croissant sans aucune honte.

Mimiko récupéra son manga sur la table et le rangea dans son sac. Au passage elle regarda son carton à dessin et poussa un petit soupir :

-Mo, tu as pût avancer ton projet d’art-pla ?

La fausse rousse hocha de la tête en s’asseyant à côté d’elle :

-Oui, j’ai presque fini, et toi ?

-Oh moi, pas du tout. Je suis pas du TOUT inspirée ! Je suis en train de développer une haine viscérale pour l’acrylique !

-Et toi Alec ?

Le garçon mâcha vivement et s’empressa d’avaler sa bouchée :

-Oh ça va, moi j’ai réussi à tourner ça d’une façon qui m’arrange, et je suis sur que ça va plaire au prof !

-De toute façon le prof t’adore déjà… Gémit Mimiko en enfouissant son visage dans ses bras pour se cacher.

-Oui, c’est un peu agaçant d’ailleurs, ajouta Sumomo pince sans rire qui n’arrivait pas à cacher sa jalousie.

-Moi j’ai juste droit à son petit regard narquois et son ton condescendant comme s’il parlait à une gamine qui allait se mettre à pleurer d’un instant à un autre ! Ajouta Mimiko toujours dans ses bras.

-Mais noooon… Temporisa Alec. Tenez, regardez.

Le roux prit son carton à dessin sur ses genoux et en sortie une grande photo qu’il avait commencé à recouvrir de peinture.

Les deux filles devant lui firent de grands yeux effarés en voyant qu’il s’agissait d’une photo de lui, languissamment couché sur son canapé, et très probablement originellement nu sans la peinture qui recouvrait en partie le bas de son corps.

-En fait, lâcha Sumomo, je crois que tu flattes sans le savoir la part narcissique du prof…

-Une photo de toi… hallucinait toujours Mimiko qui était à court de mot.

-Oh, je la trouvais pourtant réussite moi, grommela Alec en la retournant vers lui.

-Et de l’autocongratulation en plus… Agonisa Mimiko sur sa chaise. Mais qu’est ce que je fais avec vous deux moi ????

**

Publicité
Publicité
20 août 2009

Partie 1

Chapitre 3: Nuit sans lune

Un chant de coq retentit. Arisa ouvrit les yeux, surprise. Elle inspira profondément, se demandant comment elle avait réussit à s’endormir le museau dans cette courte fourrure noire qui sentait le fauve… C’était le cas de le dire.

Elle leva sa fine tête, fronçant du museau, observant les lieux machinalement : c’était un petit coin de bois humide où grouillait de la vie. N’étant pas encore bien réveillée, elle se campa sur ses pattes et s’ébroua pour disperser la rosée qui collait à ses poils, aspergeant les pauvres âmes qui se trouvaient dans son périmètre. Dont la panthère qui se réveilla de forte mauvaise humeur.

-Arisa ! Grogna Mimiko avant de chercher à continuer sa nuit.

C’est son prénom qui ramena Arisa à la réalité.

-Oh MERDE !!! Oh merdeuuuuuuuh !!!!

Sa partie humaine était en train de refaire surface avec force violence, lui donnant un mal de crâne pas possible.

-Quoi ?!

Mimiko se demanda si elle n’allait pas sauter sur une branche pour pouvoir avoir la paix. En même temps, si la louve continuait à hurler, ça ne changerait pas grand-chose.

-Eh bien Mimiko, tu ne t’en aperçois pas ??? On est le matin !

-Et alors ?

-Et alors on a passé toute la nuit ici !

-Ca je le sais bien.

-Mais nos parents, non ! Eclata Arisa qui se demandait si son amie faisait exprès d’être bête ou si sa transformation lui avait supprimé quelques neurones.

La réaction du félin la laissa un instant muette de stupeur : Mimiko se redressa sur ses pattes et retomba par terre de tout son poids, lui tournant le dos.

-On va se faire engueuler en rentrant. La deuxième fois pour moi… Continua avec humeur Arisa en s’approchant de la panthère. On dirait que ça te fait rien !

La panthère resta silencieuse un moment, avant de déclarer d’un mouvement de queue désinvolte :

-Tu as raison, ça me fait rien.

-Quoi ?! Glapit la louve. Non laisse tomber, je veux pas savoir, on doit juste retourner là où j’ai laissé mes vêtements et puis je me retransformerais et j’irais t’en chercher.

Puis poussant du museau la grosse masse noire :

-Allezzzzz debout !

Mimiko lui lança un regard excédé avant de bailler largement, montrant ses crocs blancs et lisses et de se lever avec une sensible mauvaise grâce. Elle consentit à suivre la louve en trottinant, cherchant tout de même au passage, quelque chose à se mettre sous la dent. La forêt n’étant guère grande, elles arrivèrent rapidement à l’arbre creux où la blonde cachait ses vêtements.

Le loup disparut en un instant, laissant place à une jeune fille nue qui s’empara prestement des habits pour s’habiller à la vitesse de l’éclair, non sans avoir d’abord demandé à la panthère de se retourner, ce que celle-ci fit en grommelant.

S’il y avait bien quelque chose qui ne changeait pas dans ses deux formes, c’était bien ses grognements, mais Arisa la trouvait d’humeur mauvaise sous sa forme animal. Franchement pas sympathique.

Elle lui avait grogné dessus plusieurs fois parce qu’elle chassait comme un chien fou et qu’elle faisait fuir toutes les proies en manquant de patience et en leur courant bêtement après.

*Et gnagnagna, comme si mademoiselle s’y connaissait mieux en chasse ! C’est quand même moi la plus expérimentée des deux !*

Une fois habillée, elle se tourna avec précaution vers le fauve :

-Bon, tu m’attends là, je reviens le plus vite possible !

Aussitôt dit, aussitôt fait, Arisa se mit à courir le long du chemin encore embrumé et Mimiko regarda un moment la silhouette s’éloigner, assise sur son arrière train. Elle huma l’air autour d’elle, décidant qu’elle n’aimait pas cet endroit. Trop d’odeurs d’Hommes

Et puis son ventre se mit à se manifester et elle oublia partiellement Arisa et le fait qu’elle devait rester assise. Et puis elle entendit un long meuglement.

Et là elle oublia instantanément tout.
A part qu’elle était un chasseur et qu’elle avait trouvé une proie.

15 mai 2013

Chapitre 7: Chasse (Partie 4)

***

-Je me demande pourquoi Mimiko nous a demandé de l’attendre ici, on caille ! Grommela Arisa en grattant une écharde de la table de bois où elle était assise avec Asuka et Naru.

Au beau milieu de la pelouse mouillée de la cour de leur lycée, cela faisait bien quinze minutes qu’elles attendaient. Soudain, elles virent leur amie approcher accompagné d’un garçon plutôt grand et roux.

Arisa aurait pût le confondre de loin avec Kyo, mais plus depuis qu’elle était louve. Elle aurait pût sentir l’odeur de Kyo de loin… Aaah l’odeur de Kyo….  Dériva-t-elle inconsciemment dans sa tête avec un pincement de cœur.

Puis ils furent assez près pour qu’elles entendent des bribes de discussion :

-Mais puisque je te dis que là-bas on s’embrasse pour se dire bonjour !

-Avec la langue ?

-Non, mais tu as ouvert la bouche comme si tu voulais que je le fasse !

-Non mais t’es gonflé !!!!

Mimiko, apparemment furieuse et gênée, s’arrêta soudain de parler à son vis-à-vis et stoppa devant leur table, l’air dépité.

-Bonjour ! Fit le garçon apparemment pas du tout perturbé.

-C’est qui ? Demanda aussitôt Asuka à la brune.

-Alec. Mon frère.

Il y eu un petit moment de silence où les têtes allèrent de façon systématique d’Alec à Mimiko de façon répétée. Puis Naru et Asuka se levèrent brusquement, les yeux ronds :

-MAIS DEPUIS QUAND T’AS UN FRERE ????????

-Longue histoire, résuma Mimiko qui n’avait pas envie d’entrer dans les détails avant de lâcher la mauvaise nouvelle : Et… Il a été contaminé…

Il y eut un nouveau silence. Puis quelqu’un se décida à lancer la question qui tue.

-Et comment ?

-Crois-moi Asuka, TU.NE.VEUX .PAS.SAVOIR ! Articula très clairement Mimiko d’un ton crispé.

-Bein merde alors… Du coup…Bein… bienvenue dans la meute ! Continua la jeune fille en se tournant vers Alec.

Celui-ci continuait de sourire comme s’il ne se faisait pas le moindre souci au sujet de tout ça. Comme s’il s’agissait d’une chose aussi bénigne que de se faire opérer des amygdales.  

-Tu lui as tout expliqué ? S’enquit Naru.

-Ouaip, en venant.

-Et tu n’es pas inquiet ?

-Non, pas du tout, affirma Alec. Je vois pas pourquoi je le serais, ça se passe plutôt bien pour vous, non ?

-Euh oui pour l’instant, temporisa Naru. Mais je veux dire : tu n’es pas un peu en colère au sujet de tout ce que tu ne pourras plus faire ? Tu sais ce n’est pas facile, il faut tout le temps se contrôler dans la foule, il faut faire attention à ne pas contaminer les autres et puis… Et puis.. Et puis il y a les histoires d’amour et toussa….  

Le roux jeta un bref regard à Mimiko et si celle-ci ne s’en rendit pas compte, étant de profil, les autres filles le virent bien.

-Baah, on verra bien et c’est plus comme si on échangeait des choses qu’on pouvait faire avant contre de nouvelles choses. En plus… Je ne vais pas être en colère, ce que j’ai fait était couillon, je peux m’en vouloir qu’à moi-même ! Termina-t-il d’un air gêné en passant un bras derrière sa tête.

-Oui, ça a aussi des bons côtés, se décida à dire Arisa, contente de ne pas se trouver avec un névrosé de plus.

-Alors… Commença le garçon en reprenant un air rieur. Tu es blonde, tu portes du noir, tu es sûrement Arisa, la louve.

-Bingo ! Approuva celle-ci.

-Donc toi, avec tes cheveux frisé, tu es Naru, la labrador et toi tu dois être logiquement Asuka.

-La sans-animal-fixe, comme toi ! Ajouta cette dernière. Comment tu sais tout ça, c’est Mi qui t’en a parlé ?

Il hocha de la tête.

-Au fait Mi ! Reprit joyeusement Asuka en se tournant vers elle et en montrant ses yeux. Comme Naru j’ai plus besoin de lunettes depuis trois jours ! Ca veut dire que je suis surement une bestiole qui saute bien et qui a une bonne vue !

Mimiko remarqua que son amie n’avait effectivement plus ses lunettes. Mais elle ignorait jusqu’ici que Naru ne mettait plus ses lentilles.

-Alors ça a aussi cette sorte d’effet sur notre corps… Hum… Qui saute bien ? Tu veux dire… Comme une grenouille ?

Le froncement de sourcil et le regard tueur d’Asuka lui fit dire qu’elle n’aimait pas beaucoup cette idée.

-Dis le que ça t’amuse de me torturer ! Bouda-t-elle en croisant les bras, répondant au petit sourire en coin de la brune.

-Mais j’y pense ! Intervint Naru qui fixait attentivement Alec depuis tout à l’heure. Ca veut dire qu’on va finalement avoir un garçon dans notre meute !  

-Oui, comme ça, ça nous évitera t’entendre Kyogane dire encore : « Il vous faut un mâle pour vous protéger pauvre petite femelle que vous êtes », fit Asuka en prenant une grosse voix grave qui les firent tous rire.

-Et en plus, ça veut dire que Mimiko ne sera plus toute seule dans son lycée, c’est rassurant.

-Meuh Naru, j’étais capable de me débrouiller toute seule… Maugréa Mimiko.

-Et on aura plus besoin de Kyo non plus ! Réalisa Asuka.

Arisa sursauta légèrement et ne pût s’empêcher de lancer un bref regard mauvais à Asuka.

Comment ça « plus besoin de Kyo » ??? Mais elle n’était pas d’accord du tout ! Elle ne voyait pas pourquoi elle ferait plus confiance à ce rouquin venu d’on ne sait où qu’à Kyo qu’elle commençait à connaitre… Du moins tant qu’il l’avait laissé faire…

Elle voulait encore le revoir.

Et d’autres pensées moins avouables qui se bousculaient dans sa tête et qu’elle cherchait à faire sortir de son esprit tellement c’était… C’était pas possible.

Elle entendit à peine la discussion qui continuait à côté :

-Ouais, faut-il encore qu’il se transforme pas en canard, disait Mimiko.

-Pourquoi un canard ? Demanda Asuka.

-Mais non je vais pas me transformer en canard, répliqua Alec qui semblait un peu vexé.

-Il pourrait devenir notre chef de meute, ajouta Naru, pragmatique.

-Plutôt m’exiler dans les Pyrénées, la prévint Mimiko.

-Pourquoi les Pyrénées ????

-Longue histoire Alec, fit Asuka en posant une main compatissante sur une de ses épaules.

-… Et qu’est-ce que tu en pense Arisa ? Arisa ? WOUHOUUUU ARISAAAA !!!!

La blonde sursauta alors, reconnectant avec le monde extérieur.

-Euh… J’ai froid ? Lança t’elle tout-a-trac.

 Mieux que leur hurler dessus « ON GARDE KYO !!!! ».

-Elle a raison, on discutera de ça une autre fois au chaud, approuva Mimiko avant de se tourner vers Alec : Tu habites où au fait ?

-Papa me paie un appart à Toulouse. J’y suis depuis novembre.

-Je savais que tu étais revenu, mais je n’ai pas reçu de lettres de toi…

Alec eut un petit sourire contrit.

-Bein tu sais, depuis ce qui s’est passé avec ta mère, je préfère éviter.

-C’est Umiko qui t’as balancé, maugréa-t-elle.

Alec leva les yeux au ciel sans avoir l’air fâché et poussa un petit soupir.

-Je peux pas en vouloir à notre petite sœur, après tout, c’est pas comme toi et moi, on n’est pas très proche et pour elle, je suis juste une raison du divorce.

-C’est pas une raison.

-J’espère juste qu’un jour on aura l’occasion de se réconcilier. Bon, je rentre. On se voit demain en cours ? Après tout je n’ai pas saoulé notre père pour rien jusqu’à ce qu’il accepte de m’inscrire dans le même lycée que toi ! Termina-t-il en riant avant de prendre le chemin de la gare.

-Il est sympa, affirma Asuka en se levant à son tour. Mais ça a l‘air plutôt compliqué vos histoires de famille.

Mimiko haussa des épaules.

-Certains squelettes sont plus gros et plus visible que d’autre, c’est tout.

-Des squelettes ? Fit Arisa en se tournant vers Naru alors que les deux autres partaient déjà.

-Je crois qu’elle voulait parler de squelette dans les placards… Tu n’es pas très attentive ces derniers temps, il y a quelque chose qui te chagrine ?

-Oh… Fit Arisa en évitant son regard. Tu sais… Faut que j’améliore mes notes pour ce second trimestre, mes parents sont en colère contre moi à cause de mes mauvaises notes du premier qu’ils mettent sur le compte de mes nombreux découchages…

Ce n’était pas vraiment un mensonge, puisque c’était la vérité, mais ça lui permettait de cacher une plus grosse vérité encore.

C’était que privée de la « chasse », ne possédant que des souvenirs obsédant d’odeurs, de sensations, de sons et d’images, elle était en train de tomber amoureuse.

***

8 octobre 2009

Partie 1

Chapitre 4 : La traque

-Bon voyooonnns… Essayons d’agir de façon logique, annonça Asuka en tapotant sur le clavier d’un des antiques ordinateurs du CDI.

A côté d’elle Arisa avait du mal à rester en place et tournait nerveusement autour des tables couvertes d’ordinateurs installée en rond.

-Cherchons une carte, approuva Naru, assise sur une chaise.

C’était encore le matin. La réunion d’information pour les parents et les élèves n’était pas encore terminée, la bibliothèque était donc complètement déserte. Ce qui leur facilitait agréablement leurs recherches. De toute façon, les vautours de documentalistes (et après avoir vu Arisa se transformer, Asuka se demanda si ces vieilles femmes n’étaient pas aussi de la partie avec la façon dont elles avaient de tournoyer autour de leur victime avant de leur fendre dessus.) n’auraient pas supporté le va-et-vient incessant de la blonde.

-Voila j’ai trouvé une carte, fit Asuka en cliquant sur un lien qui fit apparaitre une carte du département.

Elle l’agrandie un peu pour se placer sur leur commune. Arisa se stabilisa alors enfin derrière elle, observant les zones boisées. Elle posa un doigt sur la partie la plus proche de leur ville :

-C’est là où Mimiko et moi on se promenait. Mais hier je suis sure qu’elle n’y était pas.

-Bon eh bien, si tu ne la sens pas quand on ira, on cherchera ailleurs.

Naru désigna alors une longue bande de verdure :

-C’est là où les gens t’ont entendu hurler. Tu devais être dans ce coin là.

-Alors c’est là où se trouvait les champs et le pré où a été découvert la vache morte, en conclut Arisa en montrant un vide.

-C’est vachement prés de la forêt de Bouconne ça, remarqua Asuka. Tu crois que c’est là qu’elle se serait dirigée ?

-Non. Pas si elle est comme moi. C’est une route très fréquentée qui passe par là, ça m’a aussitôt inquiétée et j’ai préférée aller vers là où je sentais la forêt plus proche, autrement dit vers l’ouest.

-Donc tu as visité tout le sud ouest… Et le Nord Est, vers Cornebarrieu et Mondonville ? Il y a des petits coins boisés par là.

-Non, trop crevée… Sur une carte ça parait toujours petit, mais quand on doit faire le chemin, on s’aperçoit des distances…  

-Alors je pense que c’est par là que nous devrions chercher. Elle a peut être tourné vers le nord au lieu de tourner vers l’ouest. Peut être pensait-elle pouvoir contourner la grande route par là.

-Oui… Comment allons-nous nous y prendre pour l’expédition ? Surtout que la police sera dans le coin ! Demanda Naru.

-J’ai entendu dire qu’ils ne partaient pas avant cinq heurs ce soir. Les loups sortent plus la nuit. On sera alors déjà dans la forêt, espéra Asuka en lançant une impression de la carte.

Elle récupéra la feuille de papier et éteignit l’ordinateur.

-Et pour le reste… Il y a quelqu’un chez toi Naru ?

-Oui, ma mère.

Asuka jeta un coup d’œil critique à ses chaussures :

-Bon ça devrait aller avec des tennis. Moi aussi d’ailleurs. Mais on va passer chez moi prendre un sac avec de quoi manger et boire.

-Attends, tu veux dire qu’il faut qu’on sèche les cours ???

-Ils commencent leur traque à

5h,

nous FINISSONS nos cours à tu vois d’autres solutions ? Argumenta Asuka. Ca ne me fait pas plus plaisir que toi, mais c’est un cas d’urgence. On se fera passer malade.

Naru se mordit la lèvre. On sentait que cette histoire ne lui plaisait, mais alors pas du tout du tout. Ainsi, jusqu’à chez Asuka, elle serra obstinément les dents, sans lâcher un mot.

C’est alors qu’Asuka fourrait plusieurs choses dans un gros sac à dos qu’elle reprit la parole :

-Tu as pensé à aller voir un médecin ?

-Dissection… Répondit aussitôt Arisa.

-Mais non…

-Mais si.

-Peut être qu’il a déjà vu des cas dans votre genre et qu’il sait comment le guérir ! Comme vous vous êtes faites mordre, peut être que vous avez attrapé un virus mutant de la rage…

Arisa fit une grimace, sceptique :

-Alors d’après toi, on est simplement… malade ?

L’ironie suintait trop de cette question pour que Naru prenne la peine d’y répondre.

-Bon c’est pas le sujet du jour, maugréa Asuka en enfilant son sac à dos. On en discutera lorsqu’on aura retrouvé Mimiko et qu’on sera au chaud en train de boire un bon café au lait.

-D’accord avec toi, fit Arisa en sortant la première.

Elles se dirigèrent vers le fond du quartier, là où commençait le bois. De gros nuages gris sombres se déplaçaient dans le ciel, n’annonçant rien de bon. Mais ce ne fut pas assez pour décourager les jeunes filles.

-Bon je porte le sac, Naru tu t’occupe de la carte et de nous orienter et Arisa…

-Moi je suis la trace, finit celle-ci en commençant à retirer son coupe vent.

***

Une trace… Une odeur différente…

Une masse noire passait de branches en branches dans la lumière terne du jour. La panthère noir stoppa sur une branche, se ramassant sur celle-ci, jouant des épaules, prête à bondir… Quand soudain…

L’odeur changea.

L’animal s’immobilisa, pareil à une statue, les pupilles se rétrécissant à l’extrême, ne devenant plus qu’un trait noir sur un iris d’or.

Ca sentait les Hommes.

Ses babines se retroussèrent, découvrant ses canines blanches et tranchantes. Ils étaient plusieurs à l’orée de la forêt, faisant craquer les feuilles mortes sous leurs bottes à chaque pas. Tout en bleu.

Quelque part, au fond de l’animal, une voix les reconnus.

*Des policiers.*

Ce mot semblait s’accompagner de peur et c’est ce qu’en retenu l’animal. Elle ne voulait pas les voir s’approcher de son territoire. Se redressant sans un bruit, la panthère lança un feulement d’avertissement avant de sauter sur une branche supérieure. Ce fut une bonne idée, car l’un des hommes qui avait entendu un drôle de bruit rentra prudemment dans le bois, mitraillette à la main, poussant du canon de celle-ci les branches basses, fouillant l’océan de verdure des yeux.

-Eh ! Qu’est ce que tu fais Ben ? Le capitaine avait dit qu’on ne devait pas encore rentrer ! Lança son duo en rentrant à son tour.

-J’ai cru entendre un bruit bizarre… Répondit le dénommé Ben.

-C’est pas étonnant, ya des bestioles partout ici… Mon territoire à moi c’est la ville, pas la forêt, pourquoi ils n’ont pas fait appel à des gardes forestiers ?

-Ils en avaient besoin pour ratisser Bouconne. Moi ça me pose pas de problème. Hé Michel, lança-t-il à son équipier qui retournait sur la route prés de leur fourgon : tu savais que quand j’étais petit, mon grand père m’amenait avec lui à la chasse !

Michel haussa des sourcils, apparemment, il n’en n’avait rien à faire et s’apprêtait à subir un long monologue. Effectivement Ben le suivit tout en continuant à parler :

-Je suis pressé de

17h,

tu verras, ce loup je l’abattrais avant n’importe lequel de ces chasseurs amateurs…

Mimiko tomba souplement là où s’était tenu l’homme quelques instants auparavant et feula dans sa direction avant de s’éloigner de la route.

Elle n’avait pas aimé du tout ce que l’Homme avait raconté et avait compris qu’ils tentaient de pénétrer dans son territoire… Et foi de Mimiko, elle n’allait pas les laisser faire !

18 décembre 2010

Partie 3

***

Cette première virée dans leur nouveau territoire se révéla assez satisfaisante pour que l’on prévoie d’autres sorties de ce genre tous les samedis. Evidemment, il y avait la route à traverser, mais avec un peu de pratique, cela finirait par ne plus être un obstacle.

L’avenir se présentait donc sous un bon jour et un nouvel évènement se présenta dans ces heureux auspices.

Trois jours après leur première virée, Kyogane les appela pour leur confier qu’un nouveau changeur, un ancien ami à lui, venait d’arriver dans leur ville. Il lui avait parlé d’elles et les enjoignaient à prendre contact avec lui. Le docteur ne pouvait pas toujours les protéger et il n’était pas mauvais pour elles de se mettre sous la sécurité d’un autre mâle.

Arisa râla, pesta et maugréa qu’elles n’en avaient pas besoin, mais finalement, Naru, Mimiko, Asuka et elle, se rendirent à l’endroit où l’on pouvait le trouver.

-Je me demande quel animal il peut bien être, après tout, il est peut être moins fort que nous, expliqua Arisa alors qu’elles arrivaient en vue d’un bâtiment de deux étages, mi brique, mi béton, à la toulousaine, où trônaient une plaque indiquant « FFK- Fédération française de Karaté, FFAB-Fédération française d’Aikido et Budo ».

-Tu te souviens ce que Kyogané nous a dit : C’est impoli de demander a quelqu’un quel animal il est ! Lui rappela Naru.

Ce qui fait que le « mystère Kyogané » comme l’appelait Mimiko et Asuka était toujours irrésolu. Démangée par la curiosité, ces deux là n’avaient pas pût s’empêcher de demander au docteur en quoi il se transformait. Depuis, elles se fondaient en conjecture à son sujet.

Concluant que son refus d’avouer son autre forme venait du fait qu’elle devait être peu flatteuse, Asuka avait arrêté son choix sur un marsouin et Mimiko un gorille.

-Je sais, je sais…

Naru passa devant, ouvrant la porte et pénétrant à l’intérieur d’un petit hall qui s’allongeait en deux couloirs partant pour l’un vers la droite, pour l’autre vers la gauche. Alors que les autres s’y amassaient, elle se pencha sur le comptoir de l’accueil pour demander à une femme qui faisait un sudoku où se trouvait le dojo de karaté. Elle lui désigna la droite du bout du doigt, sans lever les yeux.

Les jeunes filles prirent donc le couloir de droite, observant distraitement les affiches, photos ou coupures de presses affichées et passèrent devant deux portes qui devaient être les vestiaires (les odorats de Arisa et de Naru étaient formels : vieille chaussette.). Au bout se trouvait une double porte, dont l’un des côtés était ouvert. Des voix s’en échappaient, ainsi qu’une odeur de plastique et de sueur. Ca c’est ce que Naru et Mimiko identifièrent, car Arisa, plus expérimenté, capta une odeur en plus qui la fit s’arrêter.

-Je LE sens, affirma t’elle.

-Hein ? Comment ? S’étonna Naru en levant le nez, à la recherche de la fragrance.

-C’est comme pour Mimiko, ça pue le chat mouillé.

« Le chat mouillé » en question s’empressa de manifester son mécontentement en frappant sur la tête de la blonde.

-Alors c’est une panthère ? S’étonna Asuka.

-Mmh… Je sais pas… Non… C’est différent mais ça se ressemble, expliqua Arisa en se massant le crâne et en foudroyant la brune du regard.

-Et… Euh… Moi je sens quelque chose ? Demanda timidement Asuka.

-… Non, tu sens comme d’hab. Mais j’avais rien senti sur Mimiko ou Naru avant trois semaines.

-Ah… Fit la jeune fille un peu déçue.

Arisa ne pouvait s’empêcher d’être sur ses gardes à présent et elle s’aperçut que Mimiko et Naru l’avait automatiquement imitée. Le changeur derrière la porte était un inconnu/ne fait pas partie de la meute/, /un mâle/, /dangereux/ et alors que le docteur Kyogane lui avait toujours donné un sentiment de tranquillité, elle ne ressentait pas la même chose vis-à-vis de son ami. Son instinct, son odorat… Tout lui désignait que l’autre changeur était un ennemi /un carnivore/… /un dominateur/.  

Elle poussa la porte légèrement entrebâillée et pénétra dans le dojo. Il n’y avait pas beaucoup de monde. La plupart des personnes présentes se trouvaient en dehors du tatami qui recouvrait le centre de la salle. Et au milieu… Se trouvait uniquement deux personnes.

Son regard fut aussitôt happé par des yeux d’un brun clair, presque caramel et la louve en elle se mit sur ses gardes et à montrer les crocs.

/C’était lui./

Il savait aussi qui elle était.

Cela ne dura qu’une minute tout au plus car le jeune homme à qui appartenait ces yeux se concentra à nouveau sur le combat qu’il était en train de mener, ignorant les nouvelles arrivantes. Il para une attaque de ses avant bras et contrattaqua d’un coup de pied.

Arisa et sa louve intérieur se détendirent, l’une plus intriguée que l’autre. Elle entendit à peine ses amies derrière elle le désigner comme le garçon qu’elles étaient venus voir.

Il était roux, pas comme une coloration, vraiment comme une couleur naturelle, ce qui était étrange lorsqu’on se rendait compte de ses yeux légèrement bridés, preuve d’une origine asiatique. Son corps, que l’on ne pouvait qu’imaginer sous son kimono noir, semblait être celui qu’on ne pouvait attendre que d’une pratique assidue des arts martiaux. Fins avec des muscles élégants, souple, mais capable de mouvements secs comme c’était le cas en ce moment. Ses mouvements au combat, qui semblaient presque naturel et sans efforts, étaient harmonieux, fascinant à regarder et… Presque félins.

Son visage était calme, concentré, mettant en valeurs des traits fins et obstinés. Ses pupilles perçantes suivaient son adversaire sans faillir.

Il encaissait les coups, les rendaient, sans aucun temps mort. Le combat était intense et le silence présent dans le dojo le rendait plus encore. Chaque coup porté, le froissement de leurs kimonos, leurs pieds frappant le sol et leur respiration saccadés rythmaient le combat tels des tambours.

Et puis brusquement, sans aucun signal, le combat cessa.  

Arisa daigna alors s’intéresser à l’adversaire et découvrit un homme beaucoup plus âgé. Il sourit et s’inclina :

-Vraiment impressionnant Kyo. Je suis content d’avoir pût tester ça moi-même.

Le dit Kyo s’inclina à son tour :

-Tout le plaisir était pour moi Maître Robert.

-Ouah, m’étonne plus que le docteur a confiance en lui, fit Asuka derrière Arisa.

-Oui… Répondit simplement la blonde.

Etonnement elle ne comprenait pas pourquoi elle ne pouvait pas réagir normalement à Asuka. Etre enthousiaste ou blasée ? Elle comprenait que quelque chose dans son instinct de changeuse contrecarrait ses habituelles réactions humaines. Intriguée, oui, c’était sûrement ça.

Un petit /charmée ?/ essaya de se faire entendre mais elle le repoussa d’un mouvement de la tête moqueur.

Entretemps, le jeune homme avait quitté le tatami, enfilé ses zoris et attrapé une bouteille d’eau pour se désaltérer. Les filles se regardèrent, se sachant pas trop comment l’aborder. Mais c’est lui qui vint à elles. Après avoir reposé sa bouteille, il tourna la tête et d’un regard perçant et sombre les jaugea les une après les autres.

La louve en elle semblait revoir ses dernières opinions, se retenant à peine de ne pas grogner comme Mimiko qu’on sentait offusqué par un tel examen.

Attrapant son sac il s’approcha d’elles :

-Vous devez être les filles dont m’a parlé Kyogané san.

-Et vous devez être le garçon dont nous a parlé le doc., répondit fort à propos Asuka qui semblait être la seule à ne pas être embarqué dans un conflit de dominance.

-Hm, oui. Je vais me changer et puis on ira discuter tranquillement ailleurs.

Elles s’écartèrent pour le laisser passer et rejoindre les vestiaires.

-Très mauvaise première impression, marmonna Mimiko une fois que la porte se referma. Je ne vote pas pour lui !


Publicité
Publicité
15 mai 2011

Partie 5

***

Le gel de Décembre s’empara de la ville, la couvrant d’une pellicule grise et blanche, tandis que des décorations lumineuses de sapin, de feuilles de houx ou d’étoiles s’accrochaient aux réverbères, formaient des arches dans les rues piétonnières et rappelaient aux lycéens la proximité engageante des vacances de Noël.

Arisa s’enivrait des odeurs de marrons grillés, de gaufres, crêpes et autres chocolats et vin chaud alors qu’elle déambulait aux côtés de sa mère et de sa petite sœur dans le marché de noël réunis sur la place du Capitole. Tout cela lui donnait l’eau à la bouche.

Elle devait cependant se contenter de regarder à l’intérieur des cabanons en bois disposés en rangées pour trouver quelque chose à offrir le 24. Devant un stand à bijoux, sa petite sœur s’extasiaient sur des broches colorées, tandis qu’elle-même louchait sur des pendentifs et boucles d’oreilles en onix. C’était tout elle, ça, c’était quand elle devait trouver pour les autres, qu’elle trouvait des choses intéressantes pour elle.

La blonde ne put s’empêcher de se demander si ces boucles iraient bien sur sa forme de loup. Question qu’elle se posait depuis samedi soir dernier, lorsqu’elle avait constaté que le labrador avec lequel elle chassait avait de petits anneaux dorés aux oreilles. Mimiko ne portait pas de boucles d’oreilles et comme elle n’avait jamais eu l’occasion de se regarder dans un miroir lorsqu’elle était transformée (elle s’était juste aperçue dans des flaques d’eaux), elle n’avait jamais réalisé qu’elles gardaient leurs piercings et bijoux.

Ce soir elles retournaient toutes chasser, elle avait envie d’essayer quelques « styles », histoire de customiser son loup. Mais rien qui la gênerait pour chasser, car ça l’énerverait beaucoup. Naru et elle venait tout juste de mettre au point une technique plus ou moins concluante pour attraper des petits animaux. Le labrador trouvait que c’était un jeu amusant, mais contrairement à Arisa, son instinct ne la poussait pas particulièrement vers la chasse. C’était moins pour manger que pour jouer qu’elle suivait la louve. Et la chienne déplorait généralement qu’Arisa, une fois la proie attrapée, la tue. Mais elle savait qu’elles n’avaient pas le droit de laisser en vie un animal mordu. Le docteur Kyogané le leur avait interdit.

Penser à la chasse rappela à Arisa qu’elle se mettrait bien un petit truc sous la dent. Suivant sa mère et sa sœur qui bougeaient jusqu’au stand suivant, elle huma l’air, cherchant ce qui sentait le plus bon. Le fondant au chocolat ? Les gaufres au Nutella ? Les churros ? Les marrons… ? … L’odeur détestable de fauve ?

Hé ?

Arisa se retourna brusquement, cherchant dans la foule d’où venait cette odeur. Elle était certaine, pour en avoir senti d’autres, qu’il s’agissait d’un changeur.

-Arisa, tu viens ? Fit sa mère en se retournant dans sa direction.

-Ouais, ouais, j’arrive.

La jeune fille se tourna vers elle en faisant en sorte de se calmer. Après tout, Kyo leur avait dit qu’elles n’étaient pas les seuls changeurs de la ville. Rien d’étonnant à ce que l’un d’eux se trouve aussi à flâner au marché de Noël. Il ne lui voulait probablement aucun mal.

Malgré cette réflexion, elle sentait ses poils s’hérisser tout le long de son échine. La louve n’aimait pas l’idée d’être aussi prés d’un changeur qui ne faisait pas partie de sa Meute.

/Danger/

*Tout va bien, il va peut être s’éloigner, il ne m’a peut être même pas senti*

En plus, par chance, sa mère et sa sœur avait accéléré le pas pour passer des stands de charcuterie, fromages et autres mets en rapport plus ou moins proche avec les fêtes de fin d’années. Elles tournèrent, passèrent devant un Père Noël longiligne qui avait tenté de se remplumer avec un coussin  et s’engagèrent dans une nouvelle allée de petits chalets. L’odeur du changeur disparut un moment, laissant Arisa respirer et se détendre. Mais elle réapparut bien vite à son goût, accentuant son impression de malaise.

*Grrrr dégage… Laisse moi faire les boutiques tranquille !*

Elle jetait des regards en arrières, mais avec la foule, impossible de deviner de qui il s’agissait. Un changeur sous sa forme humaine ressemblait à n’importe quel humain, suffisait de la regarder : qui pourrait deviner qu’elle cachait en elle une bête féroce ?

Ne supportant plus cette situation et jugeant plus prudent de s’éloigner de sa mère et de sa sœur, elle inventa un prétexte pour se séparer d’elles, indiquant qu’elle les appellerait une fois qu’elle voudrait les retrouver, et disparut dans la foule.

Elle craignait un peu que le changeur sente son odeur sur les membres de sa famille, mais apparemment, il semblait plutôt vouloir suivre sa trace. Elle sentait toujours son odeur lorsqu’elle quitta le marché de Noël alors elle se mêla dans la foule qui naviguait sur les trottoirs.

C’était à présent officiel, pour un motif inconnu, elle était suivie. Que ce soit par curiosité ou pour des actions malhonnêtes ne changeait rien à ses yeux : elle n’aimait pas être poursuivie comme une proie. Elle était tentée de l’attirer dans un coin pour lui dire son fait /lui arracher les oreilles/ mais elle savait que ce serait très imprudent. Elle était seule, ni Mimiko, ni Naru n’étaient présente. Personne ne pourrait lui venir en aide si besoin.

Mais alors, quelle conduite devait t’elle tenir ?

Elle sortit son téléphone portable et composa le numéro du docteur Kyogané. Malheureusement de longues intonations lui répondirent avant de tomber sur le répondeur. Le docteur n’était pas disponible.

*Merde, moi qui espérait lui demander conseil…* 

Elle voulut faire défiler les numéros enregistrés sur son répertoire pour appeler l’une de ses amies lorsqu’elle tomba sur « Kyo ».

Elle hésitait.

L’appeler serait lui prouver qu’il avait raison au sujet de ce qu’il leur avait dit. Et ce serait aussi une façon de se mettre sous son autorité et ça l’agaçait au plus haut point. Mais elle ne savait pas quoi faire d’autre.

Elle appuya sur la touche appel et écouta à nouveau les intonations d’attentes tout en continuant à suivre la foule. Heureusement cette fois-ci, quelqu’un décrocha :

-Allo ?

-Oui Bonjour Kyo, c’est Arisa, fit t’elle d’une voix rapide et étranglé. Tu sais la blonde un peu chiante de Bouconne…

-J’avais reconnu ta voix. Qu’y a-t-il ?

Il avait dû sentir sa tension dans sa voix car ces derniers mots sonnaient inquiets.

-Désolé de te déranger dans ce que tu faisais, mais j’aurais besoin d’un conseil là tout de suite. J’étais tranquillement en train de faire mes courses de Noel quand un suiveur a décidé de jouer au chat et à la souris et comme je me suis dit que c’était pas une bonne idée de lui sauter dessus pour le tabasser…

-Excellente décision…

-Je cherche un moyen de le semer et ce, sans succès, continua Arisa qui ne s’était presque pas arrêté au commentaire ironique du roux.

-Tu es sur que c’est un changeur ?

-Oui je suis sure, je l’ai senti. J’ai un excellent odorat, je suis un loup !

Elle n’éprouvait aucune gène à lui révéler quelle bête elle était, surtout qu’elle savait malgré lui qu’il était un félin.

-Je l’ignorais, répondit simplement le roux. Le seul moyen de le semer est de lui faire perdre ton odeur. Où es tu ?

-Dans le centre de Toulouse.

-Tu as une station de métro pas très loin de ta position ?

-Oui, Jean Jaures.

-Très bien, tu vas aller prendre le métro. Il va falloir agir avec rapidité, le but étant d’entrer dans une rame différente que ton poursuiveur. Tu feras passer quelques stations, puis tu en descendras au dernier moment, et quand je dis le dernier moment, c’est le dernier moment. Il ne faut pas qu’il prévoit ta sortie.

-OK, fit Arisa en arrivant aux escalators qui descendait jusqu’au métro.

-Une fois sorti, prend le métro en sens inverse en te rendant à une autre station plus éloigné, puis ensuite arrange toi pour descendre à Roseraie.

-Pourquoi ?

-Je t’y attendrais là bas.

Arrivant sous terre, elle perdit à ce moment le réseau et la communication s’arrêta nette.

-Bon OK, c’est parti, se murmura t’elle en rangeant son téléphone.

Elle sentait toujours l’odeur piquante du musc, celle du changeur, lorsqu’elle poinçonna son ticket, mais la foule présente la lui cachait un peu : elle devinait que ce devait être pareil pour sa propre odeur. Elle descendit un nouvel escalator en piétinant sur place car elle était bloquée sur sa marche par la foule, jusqu’à être libéré à temps : des wagons étaient en train d’arriver à quai. Elle se précipita vers le fond, songeant que le changeur, derrière elle, n’aurait pas le temps d’atteindre sa voiture et rentrerait par la première ouverture. Elle se retrouva pressée contre la paroi de la porte quand celle-ci se referma, écrasée par une foule d’acheteur. Elle ne sentait plus le changeur mais certaines odeurs lui faisaient regretter la précédente.  

Se sentant moins en danger, mais toujours un peu tendue, elle se força à se calmer. Jetant un coup d’œil à son téléphone, elle se sentie reconnaissante envers ce type qui n’avait pas hésité une seconde à l’aider… Après tout elle s’était conduite un peu rudement envers lui et il n’avait aucune responsabilité envers elle.

Et c’était un peu agaçant, mais elle se sentait rassurée à l’idée qu’il l’attendait. Peut être parce qu’il ne s’était pas imposé et qu’il ne leur voulait aucun mal, la louve en elle semblait ne plus avoir de différent avec lui et l’humaine du coup ne ressentait plus de sentiments parasites qui l’empêchait de le considérer comme un humain avant un animal.

S’étant éloigné de deux stations, elle prit sa décision de descendre au prochain car elle craint en voyant des personnes entrer dans le wagon que le changeur qui la suivait en profite pour se rapprocher du sien, voire même d’y entrer.

Profitant du monde qui descendait, elle attendit que la sonnerie de fermeture des portes retentisse pour en sortir comme une furie et de courir jusqu’à l’escalator. Elle ne chercha pas à tourner la tête pour voir si elle était suivie, ni à sentir, elle couru juste pour prendre le métro dans l’autre sens et se sentit rassurée une fois dans un wagon, en sécurité. Elle était presque sur de n’être plus suivie et commença enfin à se détendre.

Qui qu’il était, elle espérait ne plus jamais le rencontrer.

Elle se laissa porter jusqu’à la station roseraie et eut le plaisir d’apercevoir le roux sur le quai. Sortant, elle s’approcha de lui, humant inconsciemment son odeur qui ne lui paressait plus si agressive.

-A première vue, on dirait que tu l’as semé, affirma t’il.

-Oui, je crois.

Il posa soudainement sur le front de la blonde une cannette d’Ice Tea, la légère fraicheur du contact la surprit un instant.

-Tiens.

Il la lui fourra dans les mains sans explication et tourna les talons. Arisa était perplexe, mais il tourna la tête vers elle :

-Tu n’as pas envie de prendre l’air ?

-Si !

Elle le suivit alors en décapsulant la canette : la course poursuite lui avait donné soif… Peut être qu’il y avait pensé exprès ?  

Il semblait secret, un peu bougon, mais il semblait au final qu’il ait plutôt bon fond et qu’il savait prendre soin des autres.

Définitivement, elle ne le voyait plus comme un ennemi ou un adversaire.  

Si ça continuait comme ça, ils pourraient même devenir amis !

1 août 2011

Partie 6, 7 et 8

***

Sumomo regardait Mimiko anxieusement alors que celle-ci tapait du pied frénétiquement sur le sol en fixant toutes les deux minutes sa montre. Sur sa table se tenaient des cadavres de critérium et de stylo, cassés en deux ou réduit en petits morceaux de plastique. La brune semblait sur le point de craquer, comme si elle avait abusée du café ou d’une autre mixture énergisante. Depuis ce matin, elle ne tenait pas en place et s’agitait nerveusement ce qui agaçait prodigieusement les professeurs.

Mais comment Mimiko aurait pût leur expliquer qu’elle se sentait comme avec un trop plein d’énergie qu’elle n’arrivait pas à canaliser et que le fait de savoir que le week-end prochain, elle ne pourrait pas aller se défouler à Bouconne pour cause de voyage chez ses grands parents, la rendait encore plus nerveuse ?

Ses yeux se fixaient sur chaque bruit, sur chaque mouvement brusque, son corps tremblait d’impatience et la panthère en elle ne comprenait pas pourquoi elle devait rester assise sur cette chaise et ne pas partir pour aller courir.

Elle essayait de se calmer pour éviter de grogner, ce qui aurait attiré encore plus l’attention sur elle.

*Vite, vite… La sonnerie de fin de cours !*

Son existence devenait de plus en plus difficile.

Finalement, comme pour soulager à la fois la changeuse et son amie, la fameuse musique retentit dans l’établissement et leur professeur d’histoire leur donna leurs devoirs.

Mimiko rangea ses affaires en trente-sixième vitesse sous les yeux éberlués et un peu inquiet de Sumomo.

-Mi chan, ça va ? T’es bizarre et un petit peu flippante ces temps-ci…

-Maintenant ça va, t’inquiète pas, c’est juste l’hiver qui me rend comme ça, il fait moche et il fait nuit tôt, marmonna Mimiko comme excuse. A demain !

-N’oublis pas qu’on a contrôle d’anglais!

-Comment je pourrais oublier ça…

Démarrant au quart de tour, la brune quitta la classe et courut vers les escaliers auxiliaires pour éviter d’être pris dans la masse du central. Etant au quatrième étage, ça en faisait des marches à descendre… Mais malgré ça, elle n’était toujours pas fatiguée…

Refusant de prendre le train, et malgré les avertissements de Kyogané, elle choisit de déambuler dans la rue afin de se calmer un peu, c’était mieux que rien…

Pourtant elle s’aperçut vite que ça ne la calmait pas du tout… Au contraire. Elle se tendait à chaque fois qu’un individu passait à côté d’elle. Se tenant la tête, elle poussa un long soupir :

-Peut être que je devrais me remettre au sport…

C’est à ce moment là que retentit un cri de femme :

-AU VOLEUR !

Un jeune en scooter venait d’arracher un sac à une vieille femme et s’enfuyait dans sa direction sans que personne ne réagisse, se contentant de s’écarter de son chemin.

Il passa à côté d’elle avec un sourire narquois et pendant un bref instant son odeur acre s’imprima dans ses narines et les iris de la jeune fille s’agrandirent tandis que sa pupille se rétrécissait en une étroite ligne.

Et alors qu’il la dépassait, elle ne fit ni un ni deux, agissant sans penser, elle se retourna et malgré son sac de cours, fit quelques foulées rapide et bondit sur lui.

Le jeune homme fut déséquilibré de l’engin et porté à terre, Mimiko le tint contre le goudron, pesant de tout son poids, sa tête prés de la sienne, grognant pour l’intimider tandis que le deux-roues allait s’écraser contre un banc.

Et effectivement il l’était. Horrifié par les yeux félins qui le fixait sans ciller, par le son roque qui résonnait autour de lui et par la force de cette lycéenne.

-Laissez-moi partir, je vous rends le sac ! Pleurnicha-t-il.

La petite grand-mère s’était approchée et arracha le sac des mains du voleur avec une exclamation indignée.

-Merci jeune fille ! Tenez le encore un instant, j’appelle la police !

Mimiko ne répondit rien mais constata qu’elle se sentait d’un coup beaucoup mieux et qu’elle avait cessé de grogner pour ronronner, satisfaite d’avoir attrapé sa proie et de la maintenir, l’empêchant de s’échapper.

Elle ne pouvait renier ou contenir sa nature de chasseuse. C’était impossible. Et elle était capable d’attraper des proies beaucoup plus grosses qu’elle et sans l’aide de personne.

En ce moment, elle avait l’entière conscience de sa puissance.

La police finit par arriver et Mimiko le lâcha, récupérant ses yeux normaux pour pouvoir faire sa déposition au poste de police. La petite grand-mère la suivit dans la voiture et lui mit dans la main un billet de 20 euros.

-Ce n’est pas grand-chose, mais c’est pour vous remercier, lui souffla t’elle.

Mimiko voulut le lui rendre, mais sans succès, aussi le rangea t’elle dans sa poche.

Une fois arrivée au commissariat, le voleur envoyé en cellule, Mimiko dût attendre dans le hall que la victime ait finit d’être interrogée. Elle observa un moment le manège des policiers, puis ne tenant à nouveau plus en place, se mit à fixer les affiches des murs.

Son regard fut alors captivé par des avis de recherches près du poste de l’accueil. Elle était étonnée de découvrir que la plupart de ces hommes et femmes avaient leur « tête » mise à prix, elle avait pensé que ça ne se faisait plus depuis le far west…

Puis soudain elle eut une idée.

Si elle ne pouvait pas se rendre à Bouconne tous les jours, rien ne l’empêchait cependant d’écumer la ville… Et à défaut de proies animales, ces têtes-là feraient très bien l’affaire ! Après tout, ILS voulaient les attraper, alors pourquoi ne le ferait-elle pas ? Ce ne serait pas illégal… Et puis elle avait attrapé avec tant de facilité ce type tout à l’heure…

Contre un autre changeur, elle voulait bien admettre (bien qu’à contre cœur) qu’elle ne faisait pas le poids… Mais contre un simple humain…

Satisfaite par cette idée de génie, elle prit grand soin de noter dans son carnet les renseignements de l’une des affiches et de croquer le portrait-robot présenté.

A présent… Il ne lui restait plus qu’à mener son enquête !

***

L’évènement du métro avait légèrement refroidi Arisa, ainsi, lorsqu’elle fut à nouveau obligée de se rendre à Toulouse, elle s’assura d’abord d’avoir une escorte. Le fait de vouloir inconsciemment se rapprocher de Kyo n’y était pour rien. Non vraiment rien. Elle voulait juste terminer ses achats de noël sereinement.

Elle l’attendait tranquillement sur le quai de la gare lorsqu’elle le vit approcher d’un pas nonchalant, un pas de félin, songea t’elle en remarquant que Mimiko avait un peu le même.  

Il portait un manteau de cuir brun assorti d’un jeans et derrière son dos se dessinait un étui à guitare noire. Arisa ouvrit de grands yeux étonnés :

-Tu joues de la guitare ?

Le rouquin jeta un bref regard dans son dos.

-Je joue dans un groupe de temps en temps.

-La claaaaasse ! Et tu interprète plutôt quoi ? Voulut-elle savoir en s’approchant de lui.

Ce dernier recula un peu et elle se demanda si c’était à cause de son odeur de canin. Celle de Kyo ne la dérangeait déjà presque plus.

-Hum, Pink Floyd,  Zeppelin, Dylan, Hendrix… Enfin les classiques… Mais tu n’es pas venu parler de ça, allons à ton magasin si tu veux bien, je ne voudrais pas rentrer trop tard.

-Désolé de t’avoir réquisitionné, lança la blonde en le suivant alors qu’il tournait les talons.

Elle aurait bien aimé dire que c’était parce que Kyogané n’était pas disponible, mais elle n’avait même pas pensé à l’appeler… Enfin le choix était vite fait entre le rouquin et le médecin.

Kyo se contenta d’hausser les épaules et ils prirent le métro ensemble. Malgré les rames étroites, il continuait à garder ses distances avec elle, son regard semblant regarder au loin et percer les murs des tunnels. Arisa ne comprenait pas vraiment pourquoi il se comportait presque comme un inconnu.

Pareil dans la rue, ils ne marchaient pas côte à côté, mais séparé de plusieurs mètres. A bien y penser, songea-t-elle avec regret, il se comportait bel et bien comme une escorte et pas comme… Comme quoi ?

Elle espérait toujours au fond d’elle pouvoir sympathiser. Elle n’allait certainement pas insister s’il se mettait à la fuir comme la gale, mais elle ne voyait pas pourquoi ils ne pourraient pas s’entendre.

Arrivant devant la boutique de thé, elle entra et fut accueillie par une bouffée d’agréables odeurs de plantes séchées. Avec un petit sourire extatique, elle se dirigea vers une jeune femme qui proposait des dégustations de variétés de thé gratuite et retira son manteau pour le passer sur son bras. Kyo rentra derrière elle et jeta des regards aux étals autour de lui : apparemment c’était la première fois qu’il venait ici.

Buvant à petite lampée le thé qu’on lui avait servi, Arisa revint vers lui et lui expliqua même s’il ne l’avait pas demandé :

-Je vais offrir un assortiment de thé à ma mère.

-Oh. Fut sa seule réaction avant de s’éloigner à nouveau, la jugeant apparemment trop près de lui.  

*OKKKKK… Grrrr….* Grogna intérieurement Arisa en allant chercher le petit coffret qu’elle avait repérée.  

Elle le paya à la caisse et s’apprêta à soulager Kyo du poids de sa présence. Elle entendit à peine le « ATTENTION ! » de celui-ci, qu’en se retournant elle butta contre une femme qui portait deux gobelets de thé.

Elle fixa médusée ces deux derniers se renverser sur son T-shirt.

Tirant sur le tissu trempé, elle se demanda si ce n’était pas son jour de malchance. Si ce n’était pas le cas ça y ressemblait fortement.

La femme et les membres du magasin vinrent la voir et s’excusèrent, mais ils ne pouvaient pas sécher le vêtement. Arisa était condamnée à rentrer chez elle avec un T-shirt trempé, qui, vu la température extérieur, deviendrait vite glacé.

Alors qu’elle ne savait quoi faire, Kyo l’attrapa par le sac et la conduisit sans lui donner le choix vers la sortie. Comme prévu, l’air glacial la frappa et elle voulut remettre son manteau. Son compagnon l’arrêta dans son geste, l’air embarrassé :

-Tu vas le salir lui aussi.

-Euuuh oui, mais à choisir, entre salir mon manteau et attraper la mort, je sais quel choix je fais, répliqua t’elle, cinglante.

Elle ne savait pas si c’était à cause de son air résigné ou à cause de l’évidence de la chose, mais elle avait envie d’être cassante.

-Le métro est à deux pas, t’as qu’à venir chez moi, je passerais ton T-shirt à la machine, maugréa t’il.

Arisa resta un instant immobile, ne sachant que penser. Attendez : lui qui ne voulait même pas l’approcher, pas parler de lui, il voulait la laisser entrer chez lui ???

Bon après tout, c’était lui qui l’avait proposé, il avait plus qu’à assumer. Ainsi hocha-t-elle la tête, et le cou rentré dans les épaules, se dirigea à grands pas vers la bouche du métro.

Ils prirent la direction de Roseraie, puis une fois sorti à l’air libre, marchèrent un peu avant d’arriver à un immeuble. Arisa qui avait déjà trop froid ne prit pas la peine d’observer les lieux et entra derrière le changeur pour ensuite grimper trois étages.

Il hésita un moment avant d’insérer la clef et Arisa compris pourquoi en entrant : les lieux étaient loin d’être rangés.

Mais à vrai dire, c’était assez similaire à l’état de sa propre chambre.

La première chose qui la frappa fut l’odeur : celle de Kyo envahissait les lieux comme celle du thé dans la boutique. Elle comprit alors instinctivement qu’elle venait de mettre les pieds dans un endroit sacré : le territoire d’un autre changeur.

Ne pouvant s’empêcher de se faire toute petite, comme l’intruse qu’elle était en ces lieux, elle pénétra dans la pièce principale.

Kyo vivait seul dans un studio. Les murs étaient de crépis blanc, tapissés par quelques posters zen, il y avait un lit défait dans un coin, occupé par des partitions jetés à la va vite, une petite étagère avec des livres, une kitchenette en face, une table basse était retournée contre un mur, près de quelques outils de sports, une télé occupait une étagère fixée au mur au-dessus d’un bureau.

Le jeune homme ouvrit des tiroirs sous son lit et attrapa un haut de survet qu’il lui tendit en désignant une porte :

-Tiens, tu peux aller te doucher, t’auras qu’à enfiler ça et mettre ton T-shirt dans la machine à laver, ya un cycle court.

Elle laissa tomber son sac et son manteau dans un coin, s’empara du vêtement et entra dans la nouvelle pièce : une petite salle de bain.

Lançant la machine à laver, elle finit de se déshabiller et pénétra avec plaisir dans la douche. Sous l’eau chaude, elle ne put s’empêcher de chercher des raisons à l’étrange comportement de Kyo. Il faudrait qu’elle demande à Mimiko si son odeur était aussi désagréable que ça pour un félin. Faisant couler du gel douche dans sa main, elle songea que cela devrait l’atténuer un peu… Après tout… C’était celui de Kyo, une odeur familière pour lui…

Elle ne resta pas longtemps pour ne pas dilapider les ressources du jeune homme. C’est alors qu’elle cherchait une serviette _pas de choix, il n’y avait que celle de l’occupant des lieux_ qu’elle entendit les accords de guitare.

Stairway to Heaven

**

Quand Arisa avait disparu dans la salle de bain, Kyo avait eu du mal à retenir son agitation. Fronçant les sourcils, il avait fait les cents pas dans l’espace réduit de ce qu’il considérait comme son territoire… Si l’on pouvait se permettre d’appeler un espace aussi réduit ainsi. Il ne savait pas s’il tiendrait très longtemps comme ça d’ailleurs.

Puis il avait entendu les bruits d’eau et fonça sortir sa guitare de son étui pour éviter de laisser son imagination divaguer sur ce qui se passait dans la pièce d’à côté.

Elle est nouvelle, elle ne sait pas ! Se força-t-il à se répéter. Surtout pour son animal intérieur.

Il commença à pincer les cordes de l’instrument, se concentrant uniquement sur les accords. Cela le calma immédiatement et il se laissa aspirer par la mélodie calme, fredonnant d’une voix basse les paroles.

Il ne remarqua pas la présence de la jeune fille qui était sortie et qui l’observait sans bruit. Ce ne fut que lorsqu’il termina qu’il releva les yeux et tomba sur elle.

Il dût à nouveau censurer les réactions de son autre lui. Elle était adorable avec le survet trop grand qui dénudait légèrement ses épaules et ses cheveux légèrement humides où étaient collées quelques gouttes de rosée.

-C’est génial, tu joues plutôt bien, le complimenta-t-elle en s’approchant et en tendant les bras vers la guitare : je peux ?

Il la lui passa et elle s’assit pas loin de lui pour passer ses doigts blancs sur les cordes, les effleurant à peine. Il réalisa alors qu’il ne l’avait pas repéré tout à l’heure parce que son odeur était moins présente. Pour son grand damne, celle-ci était couverte en partie par la sienne. Sa serviette… Son survet… Les lieux… En fait ça avait été une TRES mauvaise idée.

Il ne put s’empêcher de suivre une goutte qui coula d’une de ses mèches le long de son cou et glissa sur son omoplate pour disparaitre dans l’obscurité du vêtement, ses pupilles devenant deux fentes étroites.

/Elle a mon odeur, elle m’appartient…/

Aïe ! Mauvais ! Non, non et NON ! Elle ne SAIT pas, ça ne compte PAS !!!

La jeune fille n’avait même pas conscience de son combat intérieur, jouant avec l’instrument. Comme si elle avait décidé de le faire craquer, elle se pencha vers lui légèrement, lui envoyant une nouvelle bouffée de son odeur mélangé à la sienne et lui sourit :

-J’aimerais bien savoir jouer de la guitare, tu pourrais m’apprendre ?

Ça n’allait absolument pas dans la ligne de conduite qu’il devait tenir. Heureusement, la machine à laver bipa, annonçant que le T-shirt était nettoyé et sec. Heureusement parce qu’il fallait ABSOLUMENT qu’elle s’en aille avant qu’il ne fasse une bêtise.

Il se leva comme s’il avait pris un coup de jus.

-Ton T-shirt est prêt, tu vas pouvoir rentrer. Je t’accompagne jusqu’à la gare.

Il pouvait au moins faire ça, et puis l’air frais lui aèrerait les pensées.

Son regard vert se refroidit mais il préféra se dire que c’était pour le mieux. Elle se redressa un peu raidement et alla récupérer son bien et se changer dans la salle de bain. Il l’attendit en rangeant sa guitare.

En revenant elle lui rendit son survet avec un « merci » sec et il songea qu’il allait partir direct à la machine lui aussi : il s’était imprégné de l’odeur de la louve !

Son animal intérieur grogna à la laisser repartir, mais Kyo était plus que décidé à ne pas perdre son contrôle.

C’est sans un mot qu’ils rejoignirent la gare et qu’ils attendirent le train.

L’air froid et vif l’avait calmé. Et le fait de s’être placé CONTRE le vent y jouait aussi.

Le train arriva finalement en cahotant et, décidé, Kyo se tourna vers Arisa pour lui asséner :

- Tu ne devrais plus chercher ma compagnie.

Elle eut un léger sursaut de la tête, comme s’il l’avait giflé.

-Pourquoi ? Se contenta-t-elle de demander d’une voix froide.

Il détourna le regard, gêné.

- Parce que. Nous autres ne réagissons pas tout à fait comme les humains. Je pourrais croire des choses…

-Quelles choses ?

Il la sentait perdue. Le train s’immobilisa à côté d’eux et les portes s’ouvrirent.

-Actuellement, l’amitié est une chose impossible pour nous deux, s’esquiva Kyo.

-Et pourquoi ça ? Mais de quoi parles-tu ? Explique-toi, je ne comprends pas ?

Elle s’avança en même temps à l’intérieur du train et se retourna vers lui, il se plaça sur le quai, devant elle, alors que la sonnerie de fermeture des portes sonnaient.  

-Si tu continues à venir me voir SEULE, je vais finir par me croire des droits sur toi ! C’est aussi simple que ça ! Et comme ça n’a même pas l’air te t’effleurer l’esprit, j’ai l’impression que ça ne te plaira sûrement pas ! Lui lança-t-il.

Il ne pût pas entendre sa réponse car les portes se refermèrent à ce moment-là.

A suivre…

28 septembre 2013

Chapitre 8 - partie 2

***

Il leur fallut se mettre à quatre pour l’arracher à l’attention du groupe de garçons décérébrés qui, s’ils n’avaient pas été coupés dans leur élan par deux des surveillantes, les auraient suivis comme des zombies.

Et pendant ce temps-là, Arisa les griffait, les mordait et les maudissait.

- LAISSEZ-MOI PUTAIN! JE VOUS AIS DIT DE ME LACHER ! VOUS N’AVEZ PAS LE DROIT DE M’INTERROMPRE DANS… MES AFFAIRES DE… !!!

Asuka et Naru cessèrent de la trainer et la première la regarda d’un air menaçant en faisant un signe de tête vers Isaka et Shinobu qui les suivaient.

-Tes quoi ?

-Non, rien, lâcha Arisa à contrecœur dans un grognement.

Bon au moins elle ne semblait pas avoir perdu la raison au point d’en oublier qu’il leur fallait garder leur secret.

La sonnerie de début des cours retentit et Asuka et Naru se lancèrent un regard désespéré de chaque côté de la blonde. Que pouvaient-elles faire ? Elles n’allaient tout de même pas laisser Arisa se promener dans la nature dans l’état où elle se trouvait ? Et puis il leur fallait éloigner Shinobu et Isaka.

-Dites, qu’est-ce qu’on fait ? Demanda Isaka. Ca a sonné.

-Arisa ne se sent de toute évidence pas très bien, répondit Naru en prenant les choses en main. Nous allons l’amener à l’infirmerie.

Et effectivement, maintenant qu’il n’y avait plus de garçon dans le coin, elle avait un petit air maussade et déprimé qui la ferait presque paraitre malade. Ce qu’elle était peut-être d’ailleurs, car sous sa main, le bras d’Arisa lui semblait inhabituellement chaud.

-D’accord… Bon, bein on se voit à midi, répondit Shinobu en jetant à nouveau un coup d’œil sur la louve.

-Ouais, et vous oublierez pas de nous dire ce qui s’est passé ?! Reprit Isaka qui ne perdait pas le nord. On dirait qu’elle a fait une montée d’hormone d’un coup !

Asuka se contentât d’un rire contrefait, puis quand les deux lycéennes eurent disparut, elle et Naru purent reprendre un air paniqué plus en accord avec leurs pensées.

-Bon, qu’est ce qu’on fait ? On peut pas l’amener à l’infirmerie !

-On va rater le début des cours ! A moins d’une semaine des contrôles communs ! On est morte ! S’angoissa Naru. Mais pourquoi on peut pas vivre une vie A PEU PRES normale sans que quelque chose vienne tout casser ???

-Qu’est ce qu’on faiiittt !!!! Répétât à nouveau Asuka, paniquée.

-Vous pourriez me lâcher ! Tenta Arisa.

-PAS QUESTION ! Grognèrent en accord les deux changeuses.

-Allezzz, il y a pas mort d’homme… J’ai besoin de quelque chose… Quelque chose que les garçons sont les seuls à pouvoir me donner… Ils sentent si boonnn…

Devant les regards horrifiés des deux filles, la blonde se renfrogna et essaya à nouveau de s’échapper, sans succès.

Il fallait dire que jusqu’ici, Arisa était la première à dire que les garçons du lycée étaient accompagnés d’odeurs horribles, que ce soit le déodorant dont ils se vaporisaient un peu trop allègrement, la sueur, surtout après le sport et certains même de saleté, et d’un relent que jusqu’ici elles s’étaient refusées catégoriquement à identifier.   

-C’est affreux, on nous a échangé Arisa !

-Oui, il y a pas à palabrer plus, il est clair qu’elle est malade…

-Je ne suis pas malade !!! Je ne me suis jamais sentie aussi bien ! LACHEZ MOIIII !!! ALLEZ FAITES PAS VOS EMMERDEUSES!!!!

-Il faut appeler le Dr Aoba, reprit Naru comme si elle n’avait rien entendu.

-Mais on ne peut pas l’amener jusqu’à son appartement…

-On va essayer d’aller jusqu’à chez moi déjà, il n’y a personne en ce moment.

-OK !

Comme comprenant qu’on essayait de l’éloigner de son but, Arisa se mit soudain à se tordre et la prise que Naru et Asuka avait sur elle leur échappa car à la place de bras se tint des pattes velues.

Arisa se laissa tomber sur ses quatre pattes, transformée, et montra les crocs à ses deux amies pour les dissuader de l’emmener.

-Je ne comprends pas ce qu’elle a, mais c’est clairement chiant… Grogna Asuka.

Et elle sauta sur l’animal encore empêtré dans les vêtements pour l’attraper par la peau du cou.

Arisa tenta de la mordre, mais il en fallait plus pour faire peur à une changeuse et les iris d’Asuka se rétrécirent en une fente dorée tandis qu’elle feulait dans sa direction. Naru ne fut pas en reste car elle attrapa le collier de chien qu’elle gardait toujours avec elle dans son sac (afin de pouvoir se promener en toute quiétude) et tout en muselant Arisa de la main, le boucla à son cou avec l’aide de la lynx.

Elle attacha ensuite la laisse et les deux filles lâchèrent la louve qui fit un bond en avant, tout en tournant sur elle-même pour essayer d’attraper l’attache et la déchiqueter.

Une telle rage venant d’un animal sauvage aurait autrefois immobilisé de peur les deux filles, mais plus depuis qu’elles étaient devenues à leur tour des carnivores. Arisa était un petit loup et, transformée, Asuka faisait à peu près la même taille.

-Laisse tomber Arisa, tu vas nous suivre gentiment ! L’intimida Asuka en se tenant devant elle, les poings sur les hanches.

Arisa lui grogna dessus, comme pour leur faire comprendre qu’elle ne serait pas coopérative.

Et effectivement, Naru et Asuka durent trainer lourdement un loup assis tout le long du trajet, s’attirant les regards curieux et moqueurs des passants.

***

Dès que le docteur Kyogané Aoba entra dans le salon, il comprit de quoi il retournait, il laissa cependant aux deux filles paniquées le soin de lui raconter ce qui s’était passé.

-Ne vous en faites pas, elle n’est pas malade… Ce qui lui arrive est tout à fait naturel… Pour ne pas dire prévisible…

-Comment ça naturel ? Comment ça prévisible ? S’agaça Asuka. Vous nous avez rien dit sur quelque chose comme ça !

Ils étaient assis sur la table du salon, Arisa enfermé dans une des chambres à l’étage supérieur. Naru avait préparé du thé et était en train de le verser dans les tasses tout en écoutant religieusement le docteur. Parce que pour elle, il était un peu la grande encyclopédie des changeurs.

-J’ai oublié de vous en parler… Il faut dire que ce n’est pas vraiment dans mes propres soucis… Et si vous aviez accepté d’aller habiter avec la…

-La meute des Pyrénées, oui oui on sait ! Le coupa Asuka un brin excédée. Expliquez-nous ce qu’a Arisa alors. 

-Elle a… euh… Disons qu’elle est entrée dans sa période de… reproduction.

Un silence très pesant suivi sa déclaration et il s’en rendit compte. Il prédit alors l’avalanche qui allait logiquement lui tomber dessus dans quelques secondes.

-QUOOOOOAAAAA ???? PAAARRRRDONNNN ?????

Même Naru qui lui avait semblé raisonné et globalement imperturbable avait manqué de lui renverser de l’eau chaude dessus en bondissant près de lui, l’air menaçant du « répète un peu pour voir » en accord avec celui d’Asuka qui était presque montée sur la table.

-Sa période de reproduction. Ses chaleurs, reprit Kyogané en se raclant la gorge, faisant comprendre aux deux filles qu’elles n’avaient pas rêvé ce qu’elles venaient d’entendre.

Asuka se rassit et Naru s’éloigna en posant sa bouilloire, mais toutes les deux le fixaient comme s’il était devenu un insecte particulièrement répugnant. Un insecte à écraser ou gazer de préférence.

-C’est dans l’ordre naturel des animaux. Il vient une période, à partir du moment où un changeur est nubile où il cherche à se reproduire. Si les mâles émettent constamment des phéromones, les femelles n’en émettent et y sont sensible que pendant un laps de temps où elles n’auront que ça en tête …  

-Oh merde… Lâcha Asuka. Vous parlez bien de « femelles » en général… Ca veut dire que Naru et moi… et Mimiko, on va y passer aussi ? On va se transformer en espèces de nympho ?

-Mais ça ne dure pas longtemps n’est-ce pas docteur ? Voulut se rassurer Naru. Demain Arisa sera à nouveau elle-même ?

- Le phénomène dure environ une semaine, sans pause, asséna Kyogané avant de boire tranquillement sa tasse pour ne pas voir les regards effarés que se lançaient les deux filles.

-Mais on ne pourra pas cacher Arisa pendant une semaine !!! S’exclama Naru.

-Oui, d’où l’utilité d’une meute… Marmonna le médecin. Si vous aviez quittés vos familles, vous n’auriez pas ce genre de problèmes…

-Mais ça, on va l’avoir toute notre vie ? Et ça revient souvent ?

-Non, ça n’a lieu qu’une fois par an, et à la même date, ce qui est bien utile pour prévoir.

-Alors ça veut dire que tous les fin Janvier, Arisa aura ses… heu… « sa crise » ?

Asuka avait préféré utiliser ce terme plus agréable à l’oreille de son amour propre.

-Oui… Il est possible que ce soit proportionnel avec le temps qui s’est écoulé depuis sa transformation. Si c’est le cas, vous pouvez vous attendre à ce qu’il arrive la même chose à Mimiko dans un mois ou deux.

-Oooh chouette… Je me vois vachement en train d’essayer d’enfermer une panthère noire de je sais pas combien de kilos… Intervint Asuka en levant les yeux au ciel.

-Et ça… tous les ans… Continua Naru.

-Pas forcément … Ce n’est généralement plus un problème lorsqu’on a un compagnon.

-Ah oui ? On l’a plus alors ?

-Si, mais c’est jugulé. De un, les autres mâles, changeurs comme non changeurs, ne sentiront plus vos phéromones car elles seront cachées par celle de votre mâle. Du coup vous pouvez vous promener librement sans créer d’inévitables batailles. De deux, pour ce qui est des propres appétits que les femelles peuvent ressentir à ce moment, le compagnon est là pour régler ça…

-OH MY GOD… Je suis choquée. Entendre ça à mon âge… Soupira Asuka en laissant sa tête tomber sur la table.

Naru gardait ses pensées pour elle, mais elles ne semblaient pas plus réjouissante vu la tête qu’elle faisait. Finalement, elle décida de revenir au sujet qui les préoccupait dans l’instant :

-Bon… Et qu’est ce qui va arriver si on laisse Arisa dans la nature ?

-Elle va se chercher un homme qui lui conviendra, à savoir celui qui aura cassé la gueule à tous les autres, et aura des rapports sexuels avec. Sachant que c’est une chose que vous ne devez absolument pas laisser faire car changeur comme non changeur, tout lui ira et elle risque de contaminer quelqu’un.

-Ça m’étonnerait que ça aille jusque-là tout de même, pondéra Naru. Arisa est, je pense, encore vierge, elle ne va certainement pas… avec n’importe qui… pour sa première fois…

Le docteur la regardait avec une espèce de patiente sympathie qui lui fit savoir avant même qu’il n’ouvre la bouche qu’elle se fourrait le doigt dans l’œil… Et profondément qui plus est.

-Vous devriez avoir compris depuis le temps qu’à certain moment l’instinct est plus fort que tout. C’est un de ces moments-là.

-BON ! Donc on doit pas laisser Arisa échapper à notre contrôle. On peut pas la laisser rentrer chez ses parents… Et ce pour une semaine ! Qu’est-ce qu’on fait ? Demanda Asuka.

-Et les contrôles communs sont vendredi… On ne peut PAS les louper !

-Il faut déjà qu’on trouve un endroit où la loger… Ah j’y pense ! Alec a un appart, j’y ais dormi la semaine dernière et son canapé est plutôt confortable ! Il pourrait peut-être s’occuper d’elle ?! Proposa Asuka.

-Alec est un mâle, si vous les mettez ensemble, vous pouvez être sûr de ce qui va se passer.

-Zut… Et vous, vous avez un appart aussi ?

-Je suis un mâle aussi, au cas où vous vous en seriez pas rendu compte ! Grogna le docteur, contrarié.

C’était d’ailleurs la première fois que les jeunes filles voyaient l’homme perdre son visage doux et patient.

-Oui mais vous êtes dans la même maison qu’Arisa et ça vous fait rien.

-Bien sûr que si, ça me fait quelque chose. J’ai deviné à l’instant même où je suis rentré qu’il y avait une femelle en chaleur ! J’ai juste plus de contrôle.

-Mais tous les changeurs qui vivent seuls qu’on connait, c’est des garçons…

-On pourrait peut-être… Commença Naru en réfléchissant. Cela vous dérangerez-t-il d’accueillir Alec, juste pour une semaine ?

Le visage de Kyogané et d’Asuka se retournèrent vers elle, un peu étonné.

-A quoi tu penses au juste ? Demanda cette dernière.

- On n’a pas forcément besoin d’un changeur, mais juste de son logement. Si Alec est d’accord pour nous prêter le sien, et le Dr Aoba de l’héberger, on peut très bien surveiller Arisa à tour de rôle.  

-Eh bien je peux m’arranger… Surtout qu’étant de garde toutes les nuits, votre ami serait tranquille.

-Ok, j’appelle donc Mi pour mettre les choses au point, annonça Asuka en sortant son téléphone.

-Elle, elle n’a pas de contrôle commun vendredi, du coup ce serait bien qu’elle fasse la dernière garde. Disons jeudi et vendredi. On se partagera le reste de la semaine.

-Mais comment on va justifier ça auprès de ses parents… Et des nôtres ?

-Je vais vous faire des justificatifs médicaux, personne ne s’étonnera si des amies attrapent la même contagion, proposa Kyogané en sortant un carnet d’ordonnance. Et j’appellerais vos parents en me faisant passer pour l’infirmerie scolaire. Je vais avoir besoin des téléphones fixes de tout le monde.

-Je vais vous les noter, fit Naru en allant chercher le répertoire téléphonique de la maison.

Comme Asuka sortait dehors pour mettre au jus Mimiko, Naru se retrouva en tête à tête avec le docteur.

-Docteur Aoba ? Commença t’elle en griffonnant les numéros sur un papier alors que l’homme face à elle finissait tranquillement sa tasse de thé.

-S’il vous plait, ne m’appelez pas ainsi… Kyogané suffira, répondit-il. Et vous pouvez me tutoyer.

-C’est juste… Ce serait bizarre, vous êtes un adulte et un docteur…

-Et je suis en train de vous aider comme si nous faisions partie de la même meute. On ne se vouvoie pas au sein d’une meute et puis je suis encore interne, tu sais ? J’ai 23 ans, pas 30 ans.  

-Oh… Bien… Kyogané. Vou… Tu sembles avoir l’habitude de régler tous ces problèmes gênant…

-Oui, c’est que c’était mon rôle dans ma meute précédente. J’étais le Soigneur, lâcha-t-il avec un froncement de sourcil.

L’émotion qui passa ensuite dans ses yeux serra le cœur de Naru. On aurait dit qu’il se rappelait de mauvaises choses.

-Ca va ?

Il posa sa tasse d’un air songeur.

-Oui, je suis désolé… J’évite d’habitude d’en parler parce que ça m’attriste. Disons… disons que c’était parce que j’étais étudiant en médecine que j’ai été transformé. Mon ancienne meute avait perdu son Soigneur et en cherchait un nouveau. Mais j’étais loin de m’en rendre compte à l’époque, non… A l’époque je pensais avoir rencontré la femme de ma vie, alors qu’elle m’ait transformée, même sans avoir mon avis, je m’en fichais.

-Vous l’aimez ?

-Je l’aimais. Oui. Autrefois. Plus maintenant… Enfin je crois… Elle m’a entortillée pour que je ne vois pas le but de la manœuvre… Et j’étais si content de servir au mieux ma nouvelle famille. Pour elle, j’ai mené à la fois mes études de médecine, mais j’ai aussi dû apprendre les rudiments du travail de vétérinaire. Car lorsqu’on soigne des changeurs, il vaut mieux connaitre les deux…

-Je ne sais pas comment vous avez fait…

-La force de l’amour je suppose… Puis j’ai découvert le pot aux roses… Et cette douleur m’a donné la force de quitter la meute et de mettre le plus de distance entre eux et moi.

-Mmh… On a dû vous faire bien rire avec nos histoires de « Meute de Bouconne ».

-Non… C’est peut-être parce que vous n’êtes influencées par personnes, mais vous avez une certaine pureté qui n’est pas désagréable à voir… Même si vous êtes horriblement entêtées.

Un rire gêné sortit des lèvres de Naru :

-En tout cas, je ne sais pas si on te l’a déjà dit, mais merci de ce que tu fais pour nous aider.

-Pas de soucis… Toutes les meutes ont besoin d’un Soigneur… Et dans votre cas aussi, puisque vous êtes mineurs, d’un protecteur. Je n’ai pas les capacités de vous protéger contre les autres changeurs. Mon animal n’est pas taillé pour ça… Mais je peux vous protéger du monde des Hommes.

Naru approuva d’un mouvement de tête songeur.

-Mais… On s’en voudrait de t’imposer cette tâche, tu es déjà surement bien occupé avec tes études…

Elle ne termina pas sa phrase et regarda pensivement le bout de papier qu’elle tenait entre ses doigts.

- A quoi penses-tu ?

-Je pense que… c’est aussi mon rôle. Mon animal est le plus faible des quatre, mais je suis sans doute la plus prudente. Alors… Est-ce que tu voudrais bien m’enseigner comment devenir Soigneur ?  

Kyogané la regarda un instant avec sérieux, puis lui adressa un gentil sourire :

-C’est ta seule motivation ?

-Je n’aime pas notre situation. Changeurs et tout… Obligées de devoir se cacher à tous le monde et à subir galère sur galère. Comme toi je pense que ce serait plus simple si on vivait qu’entre changeurs, c’est pour ça que je veux faire tout mon possible pour fonder notre propre meute… Surtout si on doit à présent aussi gérer ces « crises » comme dit Asuka. Même si on a trouvé une solution, elle ne peut être que temporaire. Quand saurons-nous quand Mimiko aura la sienne si on est pas à ses côtés quand ça se déclenchera ? Dans son lycée, le seul changeur est Alec… Et si ce que tu dis sur l’instinct plus fort que tout… C’est son frère, tu sais.

-Eh bien tout dépendra de son animal, il y en a des moins regardants que d’autres à ce sujet… Mais bref, c’est effectivement un grave problème. Il vous faut effectivement une meute, le souci, et je te l’ai déjà expliqué, c’est que le pivot d’une meute reste l’Alpha… Or j’ai bien observé votre groupe et comme vous êtes amies, que vous vous respectez, aucune d’entre vous ne se détache au dessus des autres… Mais c’est assez courant chez les femelles.

-L’Alpha c’est l’animal le plus fort non ? Dans ce cas, de nous 4, ça devrait être sans doute Mimiko, raisonna Naru.

-Pas forcément, ça peut être le plus charismatique ou le plus responsable… En plus les félins font d’assez mauvais Alpha car ils sont par nature égoïstes et narcissiques, ils se préoccupent plus d’eux que des autres membres. Néanmoins, comme ils détestent être sous le commandement d’un autre, ils sont bien représentés parmi les Alphas. Non, le mieux, ça reste les canins.

-Dans ce cas Arisa ?

-D’après ce que j’ai vu d’elle, elle est celle qui prend le moins d’initiative quand vous êtes ensemble. Elle ne semble pas être très attirée par les responsabilités. Non, de vous 4, celle qui serait la plus proche d’une Alpha, c’est toi Naru. Tu te préoccupes de la meute et tu cherche à les protéger. Cependant, effectivement, le rôle de Soigneur te conviendrait mieux car tu as prouvé tout à l’heure que tu étais capable de trouver des solutions aux problèmes et c’est une qualité très importante. Et face à un combat de dominance, ton animal ne te permet pas de tenir la distance toute seule.

-Peut être Alec alors ? Quand il sera transformé ?

-Nous verrons bien… Répondit sagement Kyogané alors qu’Asuka revenait.

-C’est bon, j’ai fait un topo complet à Mimiko. Inutile de dire qu’elle est mortifiée par la nouvelle et qu’elle a l’intention de passer les cinq prochains mois claquemurée dans sa chambre…

-C’est peut être un peu excessif… Intervint Kyogané.

-… Et elle regrette horriblement de n’avoir pas été là pour voir Arisa déversant ses phéromones. Je lui ais dit que ceci se reproduisant tous les ans, elle aura qu’à réserver son prochain janvier. En tout cas Alec est OK, ils nous attendent tous les deux devant son appart, ce qui leur permet de sécher leurs deux heures de physique je cite « en faisant quelque chose de constructif », finit Asuka.

-Génial, approuva Naru en décidant d’omettre toutes les bêtises que contenait aussi le message.

-Du coup il va falloir qu’on libère le fauve de sa cage ?

-Je vais préparer la voiture, s’éclipsa rapidement Kyogané.  

-Muf… Lâcheur… Maugréa Asuka.

-Tu oublie qu’il n’est pas insensible à la « crise » de Risa, répliqua Naru en montant l’escalier jusqu’à sa porte verrouillée.

-Mouais mouais… Je trouve ça bizarre… Plus pouvoir se contrôler et tout ça… Moi je trouve que les phéromones ça a une odeur dérangeante. Je me sens agressive quand j’approche Arisa.

-Oui… Moi aussi, avoua Naru, gênée. Mais bon, il vaut sans doute mieux ça que ça nous fasse les mêmes effets qu’aux garçons.

Asuka se figea en haut des escaliers, livide.

-Diable… Je n’y avais pas pensé…  

Naru eut un petit sourire indulgent avant de tourner la clef de sa porte et… de se figer à son tour aussi.

Dans sa chambre, très charmante au demeurant, voletait une cinquantaine de petites plumes blanches, tandis que ses étagères étaient renversées, ses livres déchirés, ses vêtements éparpillés et une paire de tennis réduite en lambeaux. Au milieu de tout ça se trouvait Arisa, un coussin éventré dans la gueule qui leur adressait un sourire carnassier.

Asuka sentit plutôt que ne vit le moment où Naru péta les plombs et se précipita sur elle pour la crocheter et l’empêcher de se jeter sur le loup. Des cris hystériques et des aboiements résonnèrent un long moment dans la maison et Kyogané, dehors prés de sa voiture roula des yeux en s’estimant heureux d’être hors de tout ça.

Naru avait encore un long chemin à faire pour devenir une vraie Soigneuse…

19 décembre 2013

Chapitre 8- partie 3

Vu le peu de bonne volonté qu’elle y mettait et la mauvaise influence que les phéromones d’une femelle avait sur d’autres femelles, Kyogané finit par sortir son fusil anesthésiant du coffre pour le passer à une Asuka qui le regarda avec de gros yeux hallucinés.

Oui, oui, c’était tout à fait normal de se balader avec un fusil dans son coffre…

L’adolescente ne dit rien vu leur situation, mais elle ne pouvait s’empêcher de regarder le docteur de travers.

Tirer sur Arisa ne fut pas une mince affaire, ses doigts tremblaient sur la gâchette de peur de mal viser et de lui faire mal. Finalement Naru le lui prit des mains et sans aucune émotion, et apparemment beaucoup moins de scrupule, tira sur la louve qui poussa un jappement d’étonnement.

Celle-ci commença alors à divaguer sur ses pattes comme un employé japonais sortant d’un bar et s’écroula dans un gros « POF », faisant s’envoler au passage un nuage de petites plumes sur le plancher de la chambre.

-Voila… Réglons cette affaire au plus vite, maugréa Naru en rendant l’arme à Asuka qui la prit en silence.

-OKééé… Tout est normal… Déclara t’elle cependant à elle-même en descendant rendre le fusil à Kyogané, avant de remonter aider la labrador à descendre le corps endormi de leur amie.

Elle connaissait l’adage « la fin justifiait les moyens », néanmoins elle trouvait qu’un peu d’humanité, dans leur nouveau monde de bête ne serait pas en option. Elle s’étonnait et s’inquiétait aussi du revirement de comportement de son amie : Naru avait été la plus angoissée au sujet de leur transformation en changeur, elle semblait alors vouloir que les choses changent le moins possible… Et voila que soudain elle se montrait calme et froidement déterminée comme si… Comme si elle avait pris une décision.

Alors qu’elles descendaient l’escalier avec leur chargement, lui donnant l’étrange impression qu’elles allaient cacher un cadavre, Asuka fixait le visage lisse de la chienne. Impossible de savoir à quoi elle pensait.

Elle poussa un profond soupir, soulevant quelques mèches de sa frange. Combien de situations ubuesques subiraient-elles encore avant la fin de la journée ? Combien de temps encore allaient-elles trimballer Arisa partout ???

Déposant le corps de la louve sur la banquette arrière, elle se trouva comme elle pût une place tandis que Naru montait à l’avant à côté du docteur. Ils démarrèrent et Asuka essaya vainement de se détendre. Elle poka le museau d’Arisa endormie en essayant de ne pas repenser à tout ce qu’elle avait encore appris de « sensationnel » sur sa nouvelle vie.

Elle savait déjà que ce soir, couchée dans son lit à chercher vainement le sommeil, elle se repasserait tout en boucle…

-Dis Naru, qui de nous deux la garde pour aujourd’hui et demain ?

-Toi. Il faut que je nettoie ma chambre avant que mes parents rentrent.

Asuka grimaça brièvement, elle aurait préféré les autres horaires.

-Il faut que j’aille chercher des affaires alors. Et de quoi réviser.

-Ta mère est chez toi, non ? Qu’est ce qu’elle va dire si elle te voit arriver alors que tu devrais être en cours ? Rétorqua Naru en se retournant vers elle.

-J’adore ma vie…

Se remettant droite, Naru esquissa un petit sourire à Kyogané et ils dirent quelque chose qu’Asuka n’entendit pas, avant de rigoler doucement.

Les yeux d’Asuka s’étrécirent un peu devant ce spectacle. Elle eut envie de remonter ses lunettes sur son nez, comme pour mieux y voir, mais son doigt rencontra du vide. Elle oubliait souvent qu’elle n’en portait plus.

Voyant que de toute évidence les deux personnes devant ne faisaient plus attention à elle, elle se carra contre la banquette arrière, croisant les bras et ne dit plus rien du voyage, tournant son profil contrarié vers la fenêtre aux verres fumés.

La morne rocade laissa place aux avenues bordées de platanes nus et de petits immeubles recouverts de briques rouges aux couleurs fanées par le temps et par l’hiver. Une fine pluie se mit alors à tomber, obligeant les passants emmitouflés à sortir leurs parapluies ou à marcher plus vite. Ils longèrent le canal gris acier doucement jusqu’à apercevoir Alec et Mimiko, assis sur des pylônes qui se levèrent alors et leurs firent signe. Kyogané tourna devant eux sur une route privée menant à un parking.

Pressée de sortir à l’air libre, Asuka se précipita hors de la voiture et pris une bouffée d’oxygène, puis elle fixa Mimiko et Alec qui avançaient vers eux, aussi curieux qu’elle aurait pût l’être si elle n’avait pas assistée aux derniers évènements au premier rang des spectateurs.

Kyogané sortit aussi rapidement de la voiture après un mot à Naru qui hocha de la tête. 

-Salut Asu !

-Ouais, salut Asuka ! Imita Alec avant de stopper, le nez froncé : tiens… Ca sent une drôle d’odeur…

Il chercha derrière l’épaule d’Asuka avant d’être épinglé par Kyogané qui s’empressa de l’éloigner :

-Venez par là jeune homme, il faut que nous ayons une discussion !

-Ouah ! Alors Alec peut sentir Arisa depuis cette distance, s’étonna Asuka.

-Kyogané dit que les changeurs y sont beaucoup plus sensibles que les humains ordinaires, lui appris Naru. Coucou Mi-chan. Prête à nous aider à monter Arisa ?

-Hein ? Pourquoi ?

-On a dû un peu… l’endormir… Lui appris Asuka en s’effaçant pour laisser la brune apercevoir le corps avachi du loup sur la banquette. 

Son regard s’obscurcit aussitôt :

-Oh… Génial… Ecoutez, si ce genre de truc m’arrive… Achevez-moi pour de vrai, d’accord ?

Naru leva les yeux au ciel et commença à tirer le corps endormi avant d’être rejointe par ses amies.

-Pauvre Arisa… Compatit Mimiko.

-Ouais bein tu dirais pas ça si elle avait mis ta chambre sans dessus dessous… Et mâcher l’une de tes plus belles tennis !

A trois, elles hissèrent le corps jusqu’à l’ascenseur et sortirent au troisième étage. Là, Mimiko lâcha un instant Arisa pour insérer une clef dans la serrure et ouvrir en grand la porte.

Le corps du loup fut placé sur le canapé en attendant son réveil.

-Bon je vais rejoindre Kyogané, il faut qu’il me ramène à la maison, fit Naru en se frottant les mains pour se débarrasser des poils qui s’y étaient collées.

-Et moi je fais comment ? Demanda Asuka d’une voix implorante.

-Demande à Mi.

Elles tournèrent la tête vers la brune qui haussa des épaules.

Naru partie, les deux filles décidèrent de s’installer sur la table du salon pour surveiller leur amie endormie.

-Tu l’as pas trouvé bizarre, Naru ? Attaqua presque aussitôt Asuka alors que Mimiko ouvrait une boite de cookie.

-Hum… Pour les minutes que je l’ai vu… J’aurais dû ?

-Bein, elle semble… Décidée et plus du tout hésitante… Tiens, t’as raison, passe moi un cookie, toute cette histoire m’a achevée…

Mimiko lui en tendit un avant de croquer dans le sien d’un air pensif.

-Je sais pas… C’est Naru. On a toutes plus ou moins tendance à nous reposer sur elle. Enfin, surtout moi, je crois. Mais c’est parce que j’étais toujours à côté d’elle au collège. Je crois que du coup, c’est devenue naturel pour elle de nous soutenir. Elle prend le contrôle des choses, c’est mieux de toute façon que de se laisser porter et de subir tout le temps.

-Mouais… Enfin là on subit quand même…

-Je m’en veux de l’avoir mêlée à toute cette histoire… Après tout c’est ma faute si elle a été contaminée…

-Arrêtes Mi ! Avec ce genre de discours je pourrais tout aussi bien dire que c’est la faute à Naru si je suis devenue changeuse ! Ce qui est fait est fait !

Mimiko piocha un nouveau gâteau avec un petit sourire contrit.

-En tout cas, heureusement que le docteur Aoba est là, conclut-elle.

-Ouais bein le docteur, parlons-en, sans compter du fait qu’il a des choses bizarres dans son coffre, il est devenu le mot préféré de Naru. « Kyogané » par ci, « Kyogané » par là… Tu devrais voir comme elle le regarde ! Je te le dis, ya anguille sous roche ! Prédit Asuka en tapant du poing sur la table.

-Tu voudrais dire qu’elle pourrait être tombée amoureuse ? S’étonna Mimiko. Bah… Pourquoi pas. Il y a pire qu’être amoureuse d’un jeune docteur qui est en plus déjà changeur !

-Vu comme ça… Il y a quand même une sacrée différence d’âge à mon avis. Ca m’étonnerait pas qu’il ait 10 ans de plus qu’elle ! En plus, on ne sait TOUJOURS PAS en quoi il se transforme celui là ! Comment peut-on savoir si c’est quelqu’un de bien sans avoir vu son animal ?

-Asu, tu es juste une grooooossse curieuse.

Celle-ci prit un air innocent qui lui allait aussi bien qu’une minerve à une girafe. Mimiko leva les yeux au ciel et détailla un instant le sac de cours d’Asuka ainsi que son manteau.

-Vous avez laissé les affaires d’Arisa chez Naru ?

Asuka suivit son regard, puis, alors que les mots atteignaient son cerveau, son visage se décomposa pour figurer un immense « MERDE » :

-Elles sont encore au lycée !!!!

***

-Bon… Elles ont encore disparue sans rien nous dire… Affirma Isaka en tournant autour de la chaise vide d’Arisa, là où se trouvait encore son sac à dos et son manteau.

-C’est vraiment pas sympa de leur part de nous exclure comme ça, en convint Shinobu, assise sur la chaise d’à côté.

C’était la pause de midi et ni Asuka, ni Naru n’étaient rentrées. Elles étaient allées à l’infirmerie demander des nouvelles d’Arisa mais les personnes présentes leur avait assurée n’avoir vu personne de la matinée.

-Devant tous ces mystères à résoudre, il ne nous reste qu’une chose à faire, Watson ! C’est enquêter sur cette curieuse affaire et découvrir ce qu’elles nous cachent ! Fit Isaka en s’immobilisant soudain, le doigt en l’air. Et pour ça ! La première chose à faire c’est de chercher des indices.

Le doigt s’abaissa alors sur le sac.

-Arisa n’aimerait surement pas qu’on fouille ses affaires.

-Les absents ont toujours tord.

La petite brune pouvait avoir réponse à tout quand il s’agissait de trouver des réponses à ses questions, surtout lorsque son joli petit nez sentait derrière les évènements une odeur de testostérone. Il se trouvait qu’en plus, dû à l’hiver et au mauvais temps qui donnait à chacun la goutte au nez et un teint de cadavre, chacun était en manque de potins et de cancans frais à se mettre sous la dent.

-Tu es sure de toi ? S’enquit Shinobu qui ne pouvait s’empêcher d’avoir des scrupules.

-Attends, Arisa est inhabituellement déchainée et quand elle croit qu’on ne la voit pas, elle pousse des soupirs à fendre l’âme en regardant son téléphone portable ! Si ça c’est pas une preuve !

-Hum… Oui… Et puis il y a les nombreuses fois où elle a découchée… Ajouta malicieusement Shinobu.

-Non… Tu ne crois pas que… si ? Déjà ? S’exclama Isaka qui s’efforçait d’avoir l’air choqué mais qui semblait au contraire extatique.

-On dit que les filles qui l’ont fait… Bein elles attirent plus les mecs. Ce serait une histoire de phéromone… Et tu as vu comme moi ce qui s’est passé ce matin !

-Ca pour avoir vu ! J’ai vu ! Et ça ne s’effacera pas de mémoire. Notre Arisa, notre petite Arisa qui regardait à peine les mecs, qui les qualifiait d’un vague « bof » désabusé… Est devenue une graaannnde fille !

Les deux jeunes filles s’esclaffèrent au dessus du sac.

Quand elles eurent finies de glousser tout leur saoul, Isaka se décida à relever ses manches, pure expression bien sure, et à ouvrir le sac. Pour avoir couramment espionné au dessus de son épaule, elles savaient qu’elles ne trouveraient rien dans ses cahiers ou son agenda. Même une Arisa-grande-fille ne semblait pas du genre à gribouiller des petits cœurs dans ses marges avec le nom de l’élu à l’intérieur. Du coup, il ne restait plus que le téléphone portable.

-TADAM ! Fit Isaka en l’arrachant d’une poche de manteau, après avoir été tenu en échec par le sac à dos.

Heureusement pour elles, il était ouvert. Elles auraient été bien embêtées s’il leur avait fallu un code.

-Booon voyooonnns ce que nous avons là… Commença-t-elle en faisant défiler les textos.

Les deux filles en furent cependant pour leurs frais car aucun message amoureux ou de garçon ne s’y trouvait.

-C’est bizarre…

-Essaie le journal d’appel, proposa Shinobu au-dessus de son épaule.

-Yep, good idea Watson !

Là, déjà, il y avait un contenu bien plus intéressant.

-« Kyo » ? Ca te dit quelque chose Shin ? On a un type qui s’appelle Kyo au lycée ?

-Ca me dit rien… Mais elle a appelé ce garçon un sacré nombre de fois… Par contre lui…

Effectivement, il n’y avait pas une seule trace d’appel de sa part.

-C’est bizarre… Soupira Isaka en se laissant glisser sur la table, déçu de n’avoir rien de plus probant pour comprendre le comportement erratique de ses amies.

-Peut-être qu’il n’est pas du lycée ? Peut-être que c’est une racaille ?

-Ou alors c’est un homme marié et il ne peut pas l’appeler car sinon sa femme le saurait !

-Mais oui, tout s’explique… Et si elle est si malheureuse c’est qu’il refuse de divorcer avec sa femme…

-Si il faut… A cette heure elle a peut-être fuguée avec lui en Ecosse pour se marier… Et Asuka et Naru lui servent de demoiselle d’honneur !

-C’est pas sympa de ne pas nous avoir invité ! Mais pourquoi l’Ecosse ?

-Tu sais, comme dans Orgueil et Préjugés, quand Lydia s’enfuit avec Mr Wickam.   

-Ah oui...

Les deux jeunes filles restèrent pensives un moment et la sonnerie de reprise des cours retentit.

-Bon… Quand on arrêtera de dire des bêtises, on trouvera peut-être une hypothèse moins tirée par les cheveux…

-Mais où elles soooonnntttt ?!?!????

***

5 juillet 2014

Chapitre 9: Compagnon (Partie 1)

Février

« Oh well I woke up tonight and said I
I'm gonna make somebody love me
I'm gonna make somebody love me
And now I know, now I know, now I know
I know that it's you »

Calfeutré sous la capuche de son sweat-shirt qui laissait à peine voir quelques mèches de roux, il courait sous la pluie à la lumière des réverbères. Il détestait au plus haut point la pluie, ça le rendait malade, et plus jeune il se calfeutrait chez lui jusqu’à la fin des averses. Maintenant il était trop vieux pour interrompre ses activités habituelles à cause d’un peu d’eau, alors il faisait de son mieux pour en faire abstraction, la musique à fond sur son lecteur mp3.

C’était le félin qui détestait ça.

Le félin était habitué à un climat sec et chaud. A peu près tout ce qu’il n’avait jamais connu en somme.

Pas de traces d’aube dans le ciel, bien qu’il était presque 7h30 du matin. Ca aussi, ça restait déroutant. A quoi leur servait donc leurs fichus changements horaires aux Français si c’était pour commencer la journée dans le noir ?  

Il dépassa le tournant et arriva en face du dojo. Il commença ses assouplissements devant le parvis avant de sortir la clef et d’ouvrir la porte d’entrée. Parce qu’il était toujours le premier son maitre avait fini par lui donner un double.

Il sourit en sentant l’odeur familière, que d’aucuns jugeraient peu agréable, et un changeur à l’odorat fin complètement horrible, mais lui il s’y était habitué. Balançant son sac et son mp3 dans le vestiaire, il s’avança jusqu’à l’espace de combat, se déchaussa et continua ses échauffements, appréciant la solitude et de n’entendre rien d’autre que son cœur qui battait.

Malheureusement, il y avait encore le bruit de la pluie qui frappait contre les vitres. Agaçant.

Un bruit difficile à occulter et qui revenait inlassablement de manière répétitive.

Comme s’il le combattait, ennemi invisible, il se mit à donner des coups avec ses pieds et ses bras, se démenant bien plus qu’il ne l’aurait voulu pour un entrainement. Il aurait dû aller se doucher et enfiler son kimono, mais non, il restait là, en jogging à capuche à se battre contre un sentiment à peine défini.

La pluie qui claquait, la nuit derrière les fenêtres et la lumière de la salle.

Dans une ville à peine connu, entouré d’inconnu, avec un futur dont l’amplitude semblait aussi large qu’un trou de souris. Ah comparaison toute pourrie.

Il se laissa tomber sur l’épais « tatami » ou plutôt machin chose en mousse beige, suffoquant, la sueur perlant le long de son corps, pas le moins du monde libéré.

Disait-il apprécier sa solitude, sa liberté ?

La vérité c’était que là il se sentait seul. Et sa liberté était quelque chose d’aussi étroit que son futur.

Un trou de souris.     

***

Alec était un garçon qu’on ne pouvait pas ne pas remarquer. En plus de son physique, il y avait quelque chose dans sa démarche confiante, dans le son de sa voix, dans la façon dont ses yeux pétillaient à chaque fois qu’on lui adressait la parole, que l’on soit inconnu ou ami, qui attirait irrésistiblement l’attention.

Ainsi, au lycée V.H, chacun se disait que s’il était un élève, ils l’auraient sans doute déjà remarqué, mais pour autant personne n’osait le chasser comme de peur de voir l’adonis disparaitre de leur vue.

Mais théoriquement, Alec n’avait strictement rien à faire ici.

Ce qui ne l’empêchait pas de s’y comporter comme s’il était un vieil habitué.

-Laaa, voyons… Oui, la cour c’est bien par là…

Il ne se doutait pas, innocemment, de ce que sa présence provoquait. Attention, il était bel et bien au courant de toutes les paires d’yeux posés sur lui : habitué dès son enfance, cela ne le gênait pas le moins du monde car il n’affectionnait ni fausse-pudeur, ni modestie. Il savait qu’il était beau, mais il n’en faisait pas tout un plat non plus.

Non, ce dont il était ignorant, c’était de la puissance des réseaux d’informations. Remontant le long des couloirs, se diffusant dans les toilettes des filles, filant jusqu’au C.D.I où planchaient alors deux jeunes filles, bien studieuses, mais aussi aux oreilles trainant sur les tables alentours.

Ce n’était pas dans un intérêt de nuire a quiconque, mais les journées au lycée pouvaient être SI ennuyantes ! Qu’auraient donc fait toutes ces adolescentes « désœuvrées » sans leurs lots de potins concernant des histoires d’amours ou des disputes ?

Mais ce jour là, que la présence d’un canon inconnu dans l’enceinte du lycée arrive jusqu’aux oreilles bien ouvertes d’Isaka et de Shinobu était vraiment un coup de malchance… Et en même temps quelque chose de furieusement prévisible.

Quoiqu’il en était, Alec, un étage plus bas, n’avait pour l’instant, pas la moindre idée de tout ça et se dirigeait, innocemment donc, vers la seule changeuse de la meute qu’il avait réussi à repérer.

-Yo Arisa ! Lança-t-il en bondissant à ses côtés sur la table de pique nique en bois où elle était assise.

Elle leva le nez du téléphone portable qu’elle torturait dans tous les sens depuis tout à l’heure et le fixa, étonnée.

-Yo ? Mais qu’est ce que tu fais là ?

Elle chercha forcement Mimiko des yeux mais ne la vit nulle part.

-J’ai raccompagné Mio chez elle et me voila toouuuut seuuuuul !!!! Gémit-il d’une voix faussement malheureuse en serrant son flanc droit sur la jeune fille.

Arisa essaya de s’écarter un peu, gênée. C’était bizarre, mais elle avait un peu du mal avec la familiarité naturelle d’Alec, alors qu’elle était la première d’habitude à accueillir les « nouveaux » amis avec chaleur.

Sauf qu’avec Alec, il n’y avait pas eu besoin de ça. Il se comportait avec chacun des changeurs comme s’ils se connaissaient depuis leur tendre enfance. Déroutant.

Et un peu gênant.

Alec était très tactile. Il prenait les mains, serrait les épaules, s’appuyait, s’effondrait sur eux et parfois elle se disait avec frayeur que le niveau au dessus de tout ça – qu’il ne réservait encore qu’à Mimiko- c’était les embrassades, les câlins, les joues ou le nez frotté et les bisous.

Alors elle avait tendance à penser qu’il fallait tout de même établir des limites. Et vite.

-Et… Tu viens me voir, moi ?

-Bein oui.

Elle chercha à voir ce qu’il pouvait bien penser dans ses yeux caramel, mais il n’y avait rien d’autre que de la franchise.

-T’es la seule que j’ai trouvé, rajouta t’il alors comme s’il avait pris ce moment de fixation comme une invitation à développer.

-Asu et Naru sont en cours, expliqua Arisa en hochant la tête. Moi j’ai une heure de trou là, avant l’espagnol.

Il lui sourit et regarda autour de lui. Arisa retourna son attention sur son téléphone. C’était joli tout ça, mais s’il n’avait rien à lui dire…

-Pourquoi t’es pas resté avec Mi, si tu voulais pas rentrer de suite ? Finit-elle par demander.

-Je pouvais pas, sa mère allait rentrer.

Arisa fronça des sourcils :

-Désolé, Mi ne m’a rien dit au sujet de votre histoire. Je ne savais pas que vous n’aviez pas la même mère…

*A vrai dire, jusqu’à ce début d’année, je n’étais même pas au courant qu’elle avait un frère !*

-Pas grave, notre père fréquentait juste deux femmes en même temps. Comme ma mère était sa secrétaire et qu’il s’est marié par la suite avec la mère de Mio, des mauvaises langues ont affirmé que c’était ma mère la « maitresse », mais ce n’était pas comme ça. Notre père vivait deux vies à la fois, deux vies de mensonges. Et dans chacune de ces vies, il a eu un enfant, moi d’un côté, Mio de l’autre.

-Ah oui… D’accord, j’aurais jamais imaginé ça.

-Le problème c’est qu’il n’avait qu’un seul père et qu’une seule mère, et du coup, chaque vacances d’été, il nous envoyait tous les deux chez nos grands parents. Papi et Mami étaient au courant, ainsi que nos tantes, mais à Mimiko et à moi, ainsi qu’à nos mères, il nous a présentés comme « cousins ». T’imagine l’organisation de fou ?

-Et surtout pour que vos mères découvrent pas le pot aux roses !

-Un jour c’est arrivé, et ça a été un sacré choc pour moi et pour Mio, on s’adorait tellement que Umiko piquait des crises parce qu’on la délaissait, et tout d’un coup, pouf ! Nous voila tous frère et sœurs ! La suite a été plutôt « sanglante », dirons nous, et ma mère a préféré, pour me protéger, repartir aux USA chez ses parents.

-Ah… D’accord.

Arisa ne savait plus vraiment où se mettre. Tout ce que racontait Alec avait des accents de tragédie, mais c’était dit de façon si simple et dépourvue de tout sentiments négatif qu’elle ne savait pas s’il attendait à ce qu’elle compatisse ou s’il ne voulait pas en parler plus.

Alors qu’elle démêlait les deux hypothèses, Alec lui sourit, l’air d’avoir oublié tout ce qu’il venait de raconter :

-Les collégiens sont mélangés avec les lycéens ? 

-Hein ? Euh non… Les salles de classes et la cour sont différentes…

-Où ça ?

Arisa pointa du doigt une zone bétonnée en partie couverte d’un préau. Alec regarda alors dans cette direction, les yeux scrutateurs.

La jeune fille réalisa alors qu’il n’était pas venu à la recherche d’un membre de la meute.

*Il cherche Umiko…*

Son autre sœur, qui, à ce qu’il lui semblait se rappeler, ne paraissait pas être très attachée à Alec.

Oui, cette histoire était tout de même compliquée…

**

 

2 mars 2015

Chapitre 10 (Partie 2)

***

Mimiko renifla de mécontentement lorsqu’elle se rendit compte qu’Asuka et Naru venaient de la trainer dans le foyer vide de leur lycée, là où se trouvait aussi Arisa, appuyée à une table.

*Un traquenard !*

La blonde parut elle aussi ennuyée puisqu’elle détourna le regard.

Asuka plaça un bureau en travers de la porte pour s’assurer que personne ne viendrait les déranger, tandis que Naru traina quelques chaises vers elles.

-Bien. Il faut que nous discutions un peu ! Annonça joyeusement Asuka en venant rejoindre Naru sur une chaise.

Seulement elle n’obtint pas vraiment l’effet désiré car ni Mimiko ni Arisa ne semblaient décidées à s’asseoir et se regardaient en chien de faïence depuis leur côté de la pièce.

-Booonnn… *Naru !* Supplia Asuka du regard.

-Il faut qu’on parle de la meute, déclara calmement celle-ci.

-Je vois pas ce qu’il y a à dire, marmonna Arisa.

-Risa, Mi, les choses ne peuvent pas rester ainsi, fit Asuka.

-Je ne vois pas pourquoi, signifia Mimiko sans les regarder. Ma position est claire et je n’ai pas l’intention d’en changer.

-Ben voyons ! Commenta ironiquement Arisa. Tellement claire qu’on la perçoit comme un énorme trou qui perturbe toutes nos connections !

Mimiko lui jeta un regard noir avant de tourner son attention sur Asuka et Naru :

-Ça vous va, vous ? Laisser un type que vous ne connaissez pour ainsi dire pas du tout contrôler vos vies ?

-Il DOIT nous protéger Mi, répliqua Naru. Kyogané me l’a expliqué, il n’a pas le choix, c’est inhérent à son statut. Il ne nous fera aucun mal.

Asuka fit une petite grimace à cet exposé, ce qui fit naitre un sourire mauvais sur les lèvres de Mimiko :

-En es-tu seulement certaine Naru ? Es-tu sure que sa définition du mot « protéger » ou « faire aucun mal » est en accord avec la nôtre ? Peux-tu m’assurer que pour « notre bien à tous » il ne nous oblige pas un jour à faire quelque chose qui va à l’encontre de notre volonté ?

-J’hallucine, marmonna Arisa en secouant la tête pendant que Naru se mordilla les lèvres, embêtée.

-Ce que tu dis, reprit doucement cette dernière, c’est que ton bien-être à toi est plus important que le bien de tous ? C’est égoïste tu sais.

Mimiko serra les mâchoires devant cette accusation.

-Je n’hésiterais surement pas une seconde à sacrifier mon bien-être si vous étiez en danger, mais ce serait une décision qui viendrait de moi et de moi seule. Je déteste et j’ai toujours détesté qu’on me force la main, grogna-t-elle.

-Mais au final tu le ferais, je ne vois pas ce que ça te coute que ce soit quelqu’un d’autres qui te le demande, raisonna Arisa.

-MES choix, MA façon d’agir, MON libre arbitre, énonça Mimiko en arpentant à présent le fond opposé de la pièce, se fondant dans les ombres comme l’aurait fait son alter ego animal.

-Tu es tellement bornée…

-Je suis pas la seule. Ne me demandez pas de laisser quelqu’un qui ne me parait pas digne de confiance décider pour moi.

-Tu ne lui laisse même pas une chance de pouvoir te montrer à quel point il peut l’être ! 

-Sûr qu’en s’attaquant à Alec, il l’a bien montré.

-Oh ne reparlons pas de ça, ton frère…

-Oui il vaut mieux laisser ça derrière nous, la coupa Naru. Nous ne sommes pas là pour reparler de ce qui s’est passé, mais de notre futur.

Asuka qui n’avait guère parlé jusqu’ici se leva de sa chaise, attirant ainsi l’attention sur elle.

-Je comprends ce que dit Mimiko et je suis d’accord avec elle sur pas mal de point. Effectivement, on connait mal Kyo et je déteste autant qu’elle l’idée de lui donner un quelconque pouvoir sur moi.

Les deux jeunes filles se sourirent tandis qu’Arisa croisait les bras.

Naru poussa un petit soupir résigné avant de résumer la situation :

-Je crains que nous n’ayons sous les yeux la différence qui existe entre canin et félin. De toute évidence votre indépendance à plus d’importance à vos yeux qu’elle ne l’a aux nôtres, mais…

-Néanmoins, la coupa Asuka pour continuer son argumentation, je crois aussi qu’il est important que nous formions une vraie meute. Pour notre sécurité. Et qu’Arisa a raison en disant qu’il faut laisser à Kyo la possibilité de faire ses preuves. Et si ce que dit Naru est vrai, je suis encline à lui laisser une chance, parce que c’est un félin comme nous et qu’il connait donc l’importance de notre indépendance. Voilà.

Elle se rassit à sa place et tous les regards convergèrent vers Mimiko qui restait silencieuse. Au moins s’était-elle arrêtée de faire les cents pas.

-Je vois, finit-elle par dire sombrement.

-Mi, tu ne peux pas nous laisser dans cette situation. Elle nous affaiblit. Nous avons besoin des connections de la meute, surtout avec ce qui se passe avec Isaka et Shinobu, plaida Naru. Si notre sort te concerne vraiment, alors s’il te plait, reviens.

Elle tendit une main à Mimiko mais celle-ci recula bien au contraire, les sourcils froncés de contrariété.

-Mi…

-Si… Commença celle-ci d’une voix un peu brisée. Si cela vous pèse autant… Il vaut sans doute mieux que je fasse cavalier seule.

D’un coup de pied, elle éjecta la table qui coinçait la porte et consciente du froid qu’elle avait jetée, elle se mordilla la lèvre, avant de quitter la pièce.

Les trois filles la regardèrent sans rien dire jusqu’à ce qu’elle disparaisse.

-Bon, j’ai l’impression qu’on a empiré le truc, déclara Asuka.

-Elle ne peut pas quitter la meute, enfin, qu’est-ce qu’elle fera toute seule ? S’inquiéta Naru. Qui la protègera ?

-Oh, tu la connais, répliqua Asuka. Elle en est bien capable.

-C’est vrai ? Demanda Arisa qui elle aussi commençait à se faire du souci et surtout à regretter d’avoir été aussi dure.

Mimiko n’avait pas hésité à l’aider quand elle s’était transformée pour la première fois. C’était parce qu’elle était à ses côtés qu’elle avait acceptée sans paniquer sa forme de louve. Et puis, elle avait été le premier membre de sa meute. Elle se souvenait encore de la joie qu’elle avait éprouvée quand Mimiko s’était elle aussi transformée.  

-Oh oui, répondit Asuka. Ca a toujours été très difficile de la faire changer d’avis.

-Impossible presque, marmonna Naru qui en avait bien souvent fait les frais.

-Mais alors qu’est-ce qu’on fait ?

-Eh bien ça craint, résuma sombrement Asuka.

***

Mimiko marcha vers la sortie du lycée, grandement déprimée par la situation inextricable dans laquelle elle se trouvait. Et dire que tout allait si bien quand Kyo n’était pas là ! Pourquoi fallait-il que les garçons bousillent toujours tout ? Rha, elle le détestait. Elle le détestait et elle le re-détestait.

-Mimiko ?

L’adolescente s’arrêta et coupa court à ses imprécations intérieures en découvrant Shinobu devant elle.

-Shin ?

-Je suis contente de te voir…

La jeune fille blonde, que Mimiko avait connue énergique et lumineuse semblait comme éteinte, sans vie. Elle avait sans aucun doute perdu du poids et devait manquer de sommeil. Mais surtout, elle semblait à bout de nerfs.

-Est-ce que ça va ?

-Je… Je crois que… Oh…

Elle cacha son visage dans ses mains et la brune, terrassée par cette vision, ne put s’empêcher de prendre maladroitement la jeune fille dans ses bras.

-Oh Shin, non, ne pleure pas ! Qu’est-ce que je peux faire ?

-Je… Rien. Je suis désolée. C’est juste que je sais plus quoi faire…

Mimiko conduisit la jeune fille jusque dans une alcôve où se trouvaient des fauteuils destinés aux invités du lycée. Ainsi elles étaient plus tranquilles pour discuter.

-Tu es au courant de ce qui est arrivé à Isaka ?

-Hum. Oui.

-Mi… Je sais que les gens me prennent pour une folle, mais c’est la vérité. Tu dois éviter de t’approcher d’Arisa, Asuka et Naru. Et ton frère aussi…

Un instant Shinobu la regarda fixement avant de froncer les sourcils et Mimiko craignit qu’elle ne fasse le rapprochement et devine qu’elle aussi était une changeuse, mais la blonde se contenta de secouer la tête comme pour éloigner cette idée.

-Ils ont… Je sais pas ce qui s’est passé mais… Le copain d’Arisa… J’ai vu Arisa le prendre dans ses bras… Et c’était un monstre !

Mimiko fixa le sol, essayant de ne pas penser à quel point ce mot résonnait en elle.

-Un genre de loup garou… Ou plutôt un genre de félin-garou. Mi… Je sais pas ce qui lui est arrivé mais ton frère… Alec… Aussi… Ils ont mordu Isa… Elle saignait… Elle bougeait plus… Ils l’ont pris… Oh si il faut ils l’ont dévoré…  

Sentant qu’elle allait se remettre à pleurer, Mimiko lui prit la tête et la serra contre elle :

-Là… Mon dieu Shin, tu penses vraiment ce que tu dis ?

-JE LES AIS VU !

-Peut-être, mais tu crois vraiment qu’Arisa pourrait laisser quelqu’un faire du mal à Isa ? Crois-tu que mon frère le pourrait ? Moi je ne le crois pas.

-Mais…

-Je connais Alec depuis très longtemps. Il a toujours été très gentil et surtout c’est quelqu’un de terriblement honnête. Certains trouveront qu’il est simple d’esprit à ne jamais dissimuler ou cacher ce qu’il ressent, mais moi j’ai toujours trouvé ça magnifique.

Shinobu renifla :

-Ça c’est sûr, il est magnifique.

-T’a-t-il fait du mal ?

-Non…. Non…

-Arisa t’a-t-elle fait du mal ?

-…. Non…

-Son copain t’en a-t-il fait ?

-Non ? Moi je n’ai rien eu mais il a mordu Isaka !

-Oui, mais il ne t’a pas blessé toi, c’était peut-être un accident… Sinon il se serait aussi attaqué à toi.

-Il l’a enlevé ! Et de toute façon c’était des monstres ! Tu me crois, hein ? Hein, tu me crois ?

Mimiko poussa un petit soupir. Elle sentait qu’elle ne pourrait rien faire de plus tant qu’elle s’inquièterait pour l’état d’Isaka. Sa meilleure amie et la seule à lui être restée fidèle jusqu’à ce qu’on la lui enlève. Mimiko comprenait, c’était vraiment injuste ce qu’il lui arrivait.

Alors, oui, à bien des égards, ils étaient des monstres…  

-Oui, je te crois. T’en fait pas. Je te crois.

***

-Je suis consciente des problèmes que je vous pose… Déclara piteusement Isaka en entremêlant ses doigts.

On lui avait expressément demandé de s’asseoir sur le canapé et elle se tenait à côté d’Alec qui lui souriait gentiment, tandis que Kyo et Kyogané leur faisait face, l’un debout, l’autre assis contre le dossier d’une chaise.

-Mais non, relativisa Alec. Y’a pas de quoi fouetter un chat !

-Bien sûr que c’est grave, le reprit Kyo. On ne peut pas prendre ce qui s’est passé à la légère.

Isaka se recroquevilla un peu plus face au regard perçant du japonais et Kyogané s’approcha pour prendre ses mains :

-La plus grande partie du problème ne te concerne pas Isaka, mais maintenant que tu es guérie, il va falloir que tu prennes une décision. Parce que tu as été mordue, il nous était impossible de te laisser aller à l’hôpital. A part ton amie Shinobu, personne ne sait que tu as été blessée… La police semble penser à une fugue.

-Oui, Mi-chan m’a expliqué tout ça.

-Tu as deux possibilités qui s’offrent à toi. La première : profiter de cette occasion pour disparaitre et vivre cachée au sein de la meute.

Isaka releva vivement la tête en faisant une grimace :

-Oh… Mais je n’ai pas envie de vivre cachée jusqu’à la fin de mes jours !

-Quand on est changeur on ne fait pas toujours ce qu’on a envie, grommela Kyo.

-Il y a de nombreuses changeuses qui vivent ainsi, expliqua Kyogané. Pour diverses raisons.

-Huhum… Fit Isaka qui aurait été bien curieuse de connaitre ces « diverses » raisons.

Mimiko lui avait dit que lorsque Kyogané éludait, c’était généralement parce qu’il savait que ce qu’il allait dire serait mal accueilli. C’était d’ailleurs très souvent des propos machistes-à-la-changeur ou d’instinct-incontrôlable. Parfois même les deux ensemble.

Elle plissa les yeux et le docteur s’empressa de changer de sujet.

-Bien sûr, tu peux aussi décider de rentrer chez toi comme une fugueuse le ferait, mais alors il te faudra toi aussi soutenir cette version des faits…

-Et faire passer Shin pour une menteuse, continua Isaka dans un souffle. Vous vous rendez compte que c’est ma meilleure amie ? On pourrait pas, je sais pas, lui dire tout ? Ce serait la moindre des choses et je suis sure qu’elle comprendra !

-Tu ne l’as pas vu, fit Kyo. Sa réaction a été toute sauf positive. Non, on ne lui dit rien.

-C’est injuste ! S’indigna Isaka en se levant brusquement, prête à défendre son point de vue, mais un regard sur Kyo la fit se rasseoir avec dépit.

Elle n’arrivait vraiment pas à lui tenir tête.

-Ce qui s’est passé est bien plus grave que tu ne l’imagine. Nous les changeurs avons UNE seule loi qu’il ne nous faut jamais enfreindre : nous ne devons rien faire qui pourrait amener les humains à connaitre notre existence. Sache qu’une autre meute n’aurait jamais laissé un témoin visuel s’en tirer ainsi. Dans une telle situation, ton amie aurait dû être tuée ou bien changée. Si Samuel Clear entend ne serait-ce qu’une rumeur sur ce qu’il s’est passé ici, non seulement nous, nous aurons de gros problème, mais tu peux t’attendre à ce que ton amie disparaisse brutalement de la circulation.

L’atmosphère s’était soudain refroidie dans le salon d’Alec et Isaka avala difficilement sa salive en cherchant à fuir le regard du jeune homme.

-Quel genre de problème ? S’inquiéta Alec qui avait laissé tomber son masque de nonchalance et qui regardait alternativement les deux japonais devant lui.

-Oh, il pourrait me défier et s’il me tue, ce qui pourrait fortement arriver vu l’animal, il pourrait soit vous intégrer à sa propre meute, soit vous disperser dans de nombreuses autres meutes. Et je pense que Kyogané vous a raconté à quel point certaines meutes étaient agréables et civilisées…

-Comme si j’allais me laisser faire…

-Alors il te tuera aussi. Il vaut mieux pas faire le malin face aux alphas.

-Tu parles de ça, comme si c’était normal ou naturel… Lui fit remarquer Isaka, mais personne n’a le droit de tuer quelqu’un comme ça…

-C’est dans ce monde que vous vivez désormais. Vous savez, les meutes qui se créaient c’est rare, la plupart sont en place depuis au moins deux cents ans. Ces meutes ont gardé la plupart des traditions de cette époque. Ce que nous créons, cette meute résolument moderne, c’est inédit… Et je dois dire que je comprends en partie pourquoi ces meutes restent traditionalistes : Depuis que je suis alpha, Kyogané a dû me mettre sous calmants. Les membres de ma meute sont compléments dispersés partout autour de la ville et mon animal se demande bien comment il peut faire pour tous vous protéger en même temps… Bien sûr, j’irais mieux quand le problème « Mimiko » sera réglé, mais c’est atroce… Et quand je pourrais revoir Arisa… Heureusement que j’arrive à mieux la percevoir que les autres…

Isaka et Alec ne s’en étaient pas vraiment aperçus car il évitait de le montrer, mais effectivement, alors qu’il se relâchait un peu pour dire ça, il avait l’air complètement exténué. Cependant, cela ne résolvait pas le dilemme d’Isaka qui trépignait de contrariété.

-Dans ce cas… Je pourrais proposer à Shin de la transformer ! Je suis sure qu’elle acceptera ! Elle n’aimerait pas être la seule qui ne soit pas une changeuse ! Et une fois changeuse, il n’y aura plus aucun risque qu’elle dise quoique ce soit !

-Hum… Fit Alec la mine songeuse tandis que Kyo jetait un regard suppliant à Kyogané.

Ce dernier fronçait les sourcils et s’agenouilla devant l’adolescente.

-Isaka, te rends-tu compte à quel point ce que tu dis est égoïste ? Tu serais prêt à gâcher la vie de ton amie juste pour rester avec elle ? Juste pour t’épargner le chagrin d’avoir à lui mentir et de la voir souffrir un temps ?

-Mais… Etre changeur ne veut pas forcément dire…

-Oui, approuva Alec, mais il fut coupé sèchement par Kyo.

-Vivre en marge de la société ? Etre toujours sur ses gardes ? Ne pas toujours pouvoir faire le métier dont on rêve ? Ne pas être libre de partir ? Ne pas pouvoir aimer n’importe qui ? Crois-tu que c’est ce que ton amie désire ?

-Non…

-C’est sûr, elle se sentira trahie, reprit Kyogané. Mais ça ne durera que quelques années, peut-être même moins, mais elle aura tout le reste de sa vie pour être heureuse et vivre librement. Si tu l’aimes, c’est ce que tu peux souhaiter de mieux pour elle.

Comme l’adolescente se recroquevillait et cachait son visage dans ses mains, Alec la prit dans ses bras et se mit à la bercer tout en lui chuchotant des paroles apaisantes. Elle finit par s’accrocher à ses épaules pour pleurer librement dans son t-shirt.

-On va vous laisser, déclara Kyo en se levant de sa chaise, mal à l’aise face aux sanglots de la brune. Alec, pourras tu m’appeler quand elle aura pris sa décision ?

L’américain hocha de la tête en serrant plus fort la frêle jeune fille contre lui.

Dieu seul savait qu’il n’aimerait pas prendre une décision pareille. Parce que lui, il n’aurait jamais pu laisser Mimiko, quoiqu’on aurait pu lui dire.  

***

8 octobre 2009

Promenons nous dans les bois...

Les lieux de l’action :

Tout ce qui est en vert clair est le bois où  est susceptible de se balader Mimiko.

Carte

Merci a Google Map.

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3
Instinct Animal
Publicité
Derniers commentaires
Publicité